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Et ce qui est ironique, c'est que si l'on regarde la bouche de sortie du kothôn, on tombe sur... Marsala moderne, soit l'ancien site de Lilybée. Concrètement, après que les Phéniciens aient délaissé le comptoir, les repreneurs ne pouvaient pas ne pas voir le comptoir de remplacement qu'ils ont construit.

A l'ouest de l'île, on trouve le kothôn, un bassin à la fonction disputée, mais qui peut faire penser à un bassin de radoubs, faiblement relié à la lagune. Le lieu est bordé de nombreux temples, logique s'il s'agit d'un site de construction navale.

De nombreuses petites îles dans la lagune, souvent avec une maison isolée. Celle de Mozia est plus grande : il faut bien 45 minutes sans chômer pour en faire le tour.

Une des pièces les plus célèbres de Mothia : un masque grotesque de théâtre. A noter que cette pièce est tardive par rapport à la période de plus forte activité du site.

D'autres stèles phéniciennes, et il faut avouer qu'il y a une certaine étrangeté. Mention spéciale à l'homme de Roswell tout à droite. Tout est lié.

L'athlète de Mozia a été découvert dans les années 1970, et ça se voit, son look me faisant penser à celui de Julien Clerc. De dos, sa coiffure et sa musculature fessière sont très travaillées.

De nombreuses stèles phéniciennes ont été retrouvées, en particulier à proximité du tophet, un espace sacré en cercle où avaient lieu traditionnellement des sacrifices sanglants. J'aime bien la version de Fido Dido.

Retour dans les marais salants d'hier afin de prendre le premier bac vers l'île de Mozia/Mothia antique. C'est une histoire assez incroyable. Un noble anglais, descendant du premier négociant anglais à avoir repéré les vins siciliens, s'est acheté une île dans la lagune au nord de Marsala. Il y fait des fouilles et découvre un comptoir phénicien particulièrement riche, qui fut délaissé par les Carthaginois au profit de Lilybée/Marsala à partir du Ve s. av. J;-C. La famille de Whitaker a fondé une fondation, les filles poursuivant l'action de mise en valeur du patrimoine historique de leur père. Heureuse famille ! ! !

Le lungomare de Lilybée, balayé par le vent. Il y a quelque chose de fascinant à penser que c'était la dernière étape vers l'Afrique. Au fait, je n'en ai pas parlé, mais évidemment on croise beaucoup de sans-papiers africains, rescapés de Lampedusa : les restaurants de Palerme n'emploient jamais qu'eux hors du regard des clients.

Mosaïque du triclinium de la villa urbaine de Lilybée. Des animaux qui se dévorent, rien d'original.

Zone archéologique de Lilybée. Ici, une insula entièrement occupée par une vaste domus, qui avait ses propres thermes.

Encore une preuve de la richesse bigarrée de la population de Lilybée. Une épitaphe bizarrement encastrée dans une colonne, dans laquelle on pleure la mort d'un commerçant marseillais, décédé loin de sa patrie. Du grec, évidemment. On sent vraiment que c'est la langue véhiculaire qui unit tous ces gens venus faire du fric.

La tablette de défixion la plus triste du monde. Bourrée de fautes de grec qui trahissent le manque d'éducation (ou le trouble ?) de son auteur, cette plaque destinée à une malédiction est destinée à une femme, que l'auteur nomme, puis décrit en énonçant "et qui a de beaux cheveux, et qui a de beaux yeux, etc...". Si ce n'est pas de l'amour contrarié, ça...

"Achileos, fils de Prothymos, sois heureux, même sous terre". On fait plus habile comme épitaphe. Les mains pourraient faire référence à une mort soudaine.Les tombes peintes sont toujours pour moi un objet de fascination, cela tranche avec les froides épitaphes sans couleur. Hélas cela résiste moins au temps.

Après Ségeste, cité champêtre de l'intérieur des terres comme figée par ses combats perdus, nous voici dans toute autre chose. Lilybée, fondée par les Phéniciens après qu'ils aient dû abandonner l'île de Mozia à un tyran siciliote, est une plaque tournante du commerce phénicien/carthaginois entre Europe et Maghreb, et elle va le rester. Ici on trouve un brassage culturel incroyable, et aussi une culture matérielle tournée vers le luxe futile. Ici, des coquillages utilisés comme récipient à des colorants.

Reconstitution de coque.

L'épave reconstituée avec une armature reconstituant l'ensemble de la coque. Fascinant.

Le musée de Marsala se situe dans de vastes entrepôts désaffectés d'un ancien grossiste en vin, face au font de mer livré à un vent continuel. On y trouve des pièces rares : une galère (carthaginoise ?) qui a été sortie par Honor Frost, pionnière méconnue de l'archéologie sous-marine. Le travail d'étude scientifique a été méticuleux avant même de sortir, traiter et reconstituer le bateau que nous allons voir. On y trouve aussi bien des éléments de cargaisons, qui trahissent des liens forts de Lilybée (étymologie signifiant "face à la Libye" ?) avec la Méditerranée occidentale, dont la Tunisie actuelle.