Après une décennie de brouille, de vacheries réciproques et de projets perso plus ou moins aboutis, que fallait-il attendre d’une reformation du Suprème NTM? Une opération de renflouage à la Polnareff, avec concerts-évènements à gros budget (1,5 million d’euros la soirée) et grosses retombées (7 millions d’euros espérés), mais à petite valeur artistique? Pas le genre de la maison.
Après avoir dit « oui » à la proposition de concerts de reformation de leur manager Sebastien Farran et s’être retrouvés « dix minutes pour se convaincre que ça tournait encore », Bruno Lopes (alias Kool Shen) et Didier Morville (JoeyStarr), ont bossé six mois sur leur retour scénique avec, en avant-goût des concerts à venir, un duo sur le plateau de Canal Plus et un Olympia parisianiste au printemps dernier. Juste de quoi faire patienter, les fans qui attendaient visiblement cela depuis deux lustres.
Le 18 septembre dernier l’heure de vérité avait enfin sonné pour le premier de leur cinq Bercy quasi complets.Du jamais vu pour un groupe de rap : seuls les poids lourds de la variété française Hallyday, Farmer et Polnareff sont capables de tels remplissages.
Niaque (ta mère)
A l’entrée, un public plutôt disparate de lycéens à casquettes, de jeunes banlieusards à capuches et de trentenaires et de quadras BoBos encanaillés (on vit même passer Jack Lang...) piaffait en se demandant ce que la soirée allait lui réserver.Un déploiement policier inhabituel laissait penser qu’il pourrait y avoir de l’action. Il y en eut mais uniquement sur scène.
Dès les premiers sons de « Saint-Denis Style », le noir à peine fait dans la salle redevenue « fumeurs », on sut que rien n’avait changé et que NTM avait toujours la niaque (ta mère!).
Il faut dire que le duo (rejoint à Bercy par une cohorte de guests, dont on ne sait ce qu’il restera en province) est porté par un public qui ne ménage pas son enthousiasme : debout d’un bout à l’autre, scandant les paroles en même temps qu’elles s’affichent sur les neufs écrans géants mobiles d’où sortent des DJ’s, des danseurs, des musiciens et même une rame de métro (!)
Dès lors, la question du prix légèrement exorbitant des places ne se pose plus tout à fait dans les mêmes termes : le public en a pour son argent coté show.
Côté sono aussi, avis aux oreilles sensibles. NTM joue toujours aussi FOOOORT. On sort du concert lessivé, les tympans comme des beatboxes.Kool Shen et JoeyStarr, par contre, tiennent parfaitement la distance (deux heures chrono), malgré leur âge presque canonique pour des rappeurs (80 ans à eux deux).
NTM2008? C’est (toujours) de la bombe, bébé!
"Faut que ça claque !"
Les NTM, on avait failli l’oublier, pratiquent l’art de l’interview comme un sport de combat (action/réaction), avec Kool Shen dans le rôle du gentil rappeur et JoeyStarr dans celui du méchant provocateur. Morceaux choisis de la conférence de presse ping-pong donnée avant leur premier concert de reformation à Bercy, le 18 septembre dernier...
Album (nouvel) : « On n’en est pas là.Pour le moment on ne vend pas autre chose que la tournée. Il y aura un live mais pas à la sortie des concerts comme on l’avait imaginé.C’était difficile de proposer quelque chose de qualité dans ces conditions » (Kool Shen)
Concerts (caritatifs) : « Le problème c’est de se compromettre avec toute la racaille show-biz » (JoeyStarr)
« On aimerait en faire plus, mais personne ne nous le demande » (KS)
Concurrence : « La nouvelle génération du rap français, ça ne veut rien dire. Il y a ceux qui travaillent et ceux qui font de la merde, comme avant.Ceux qu’on entend à la radio ne sont pas forcément les meilleurs.Rien n’a changé » (KS)
« La compétition, elle existe surtout entre nous deux.Les autres n’existent pas » (JS)
Conseils (aux jeunes rappeurs) : « Si on avait écouté les conseils des anciens, on serait jamais monté sur une scène » (KS)
«Soyez les meilleurs en live.C’est ça le but» (JS)
Contexte (social et politique) : « C’est toujours une source d’inspiration.Si on écrivait de nouveaux titres, on en parlerait forcément.Mais ce n’est pas ça qui a motivé notre reformation »
I Am : « Je ne parle pas des handicapés.On les a vus sur scène, ils jouent sur des tapis : J’ai cru qu’ils allaient nous les vendre! Ils sont congelés » (JS)
Public : « Ouais c’est vrai, on a un nouveau public de BoBos.On aurait peut-être dû regarder les listes de réservation et virer tous les noms à consonance française? » (JS)
« C’est vrai qu’on vend des places à 100 euros, mais à Bercy la moitié était quand même à 50 » (KS)
Réference: «Quand on nous dit qu’on en est une, on se dit peut-être bien oui.Mais le reste du temps, on essaie juste d’être à la hauteur» (KS)
«Ouais, on met des talonnettes!» (JS)
Répertoire : « On est plus axés sur les 3e et 4e albums parce qu’ils sonnent mieux.Les premiers ne sont pas au niveau coté son.Dans les grandes salles où on joue, faut que ça claque » (KS)
Répertoire (bis) : « On a drôlement dépoussiéré.Il y a des titres, c’est même pas que je ne me souvenais pas des paroles : je ne me rappelais même pas les avoir écrits! » (KS)
Retrouvailles : « Ca a pris dix minutes pour tourner comme avant » (KS)
« En fait, on fait semblant de bien s’aimer.Pourquoi, tu veux un câlin aussi? » (JS)
Saint-Denis (Style) : « Si on se sent loin de notre quartier aujourd’hui?Non, pas plus d’une demi-heure en RER » (JS)
Sponsoring (Nokia et NRJ) : « Nokia, j’ai un problème avec le mien : je n’arrive pas à télécharger Spiderman 3 » (JS)
« NRJ, ils ont dit oui au bon moment.Skyrock ne pèse plus rien » (KS)
Succès (médiatique) : « L’accueil très favorable des médias nous a un peu surpris, c’est un fait.Sans doute que les rédactions ont un peu rajeuni.Ils travaillent plus dans la diversité qu’il y a dix ans » (KS)
« On est plus qu’agréablement surpris.On se prend pour James Brown » (JS)
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