022917.jpg-r 1920 1080-f jpg-q x-xxyxx Dès l’exergue, on a compris qu’il allait y avoir un énorme problème.Sur des images léchées de camps de réfugiés de guerre en Afrique (filmées à grands frais d’hélicoptère), il est dit texto : « Les conflits au Sud Soudan et au Liberia ont eu un impact dévastateur.Le meilleur moyen pour l’Occidental de comprendre ce déchirement est de le comparer à une histoire d’amour impossible entre un homme et une femme »! On ne sait pas si Sean Penn a trouvé ça tout seul, mais en tout cas c’est ce qu’il va s’appliquer à démontrer pendant plus de deux heures, en mettant en scène « l’amour impossible » de deux médecins humanitaires (Javier Bardem et Charlize Theron) immergés dans l’horreur des guerres africaines.

Apparemment, personne n’a songé à prévenir le réalisateur que le spectacle des amours contrariés d’une égérie Dior et d’un héros de Woody Allen, au milieu de milliers de réfugiés traumatisés, affamés et mutilés, risquait d’être légèrement indécent. Surtout s’il était filmé comme un blockbuster de Michael Bay! Difficile de comprendre ce qui a pu pousser le réalisateur sensible de The Indian Runner, The Pledge ou même Into the Wild et le militant sincère des causes humanitaires qu’est Sean Penn à se fourvoyer dans un tel mélange des genres, contre nature et, qui plus est, totalement contre productif.
Car rien ne fonctionne dans ce film, qui est peut-être le plus gros ratage qu’on ait vu à Cannes de mémoire de festivalier. L’intrigue, on l’a dit, est au minimum maladroite.Les dialogues, surécrits, sont ridicules et pontifiants.Ils ont arraché des rires nerveux et gênés aux festivaliers (mention spéciale aux deux tirades de Jean Reno- alias Dr Love!- dignes de Galabru dans le Gendarme de Saint Tropez). En dehors des deux stars, aucun autre personnage n’existe.La mieux dotée, Adèle Exarchopoulos, bombardée cousine de l’héroïne, est au centre d’un mini-drame vaudevillesque expédié en deux minutes! La musique grandiloquente d’Hans Zimmer est vite insupportable.Les flashes back et forward sont incompréhensibles : on ne sait jamais à quel moment de la relation des deux tourtereaux on se situe, mais d’ailleurs on s’en fiche.La voix off (Charlize) semble sortir d’un mauvais Mallick.Les scènes censées être les plus réalistes sont les plus ratées. Ainsi, celle dite de « la césarienne au whisky dans la brousse » (plongée des deux mains dans l’utérus de la parturiente, flot de sang, bouche à bouche du nouveau né couvert de liquide amniotique par Charlize…), déjà gratinée, est-elle désamorcée par un plan sexy sur le corsage de la star. Le contexte politique et sanitaire des guerres au milieu desquelles les deux héros s’ébattent n’est jamais évoqué.Par contre, on a droit à une (très) longue scène de questionnement sur le bien fondé de l’aide humanitaire, dont on ressort, hélas, sans avoir compris quel était le point de vue de l’auteur. Le discours final de la belle héroïne (qui passe par tous les états capillaires pour le plus grand bonheur des amateurs de coiffure), devant l’assemblée de l’organisation humanitaire qui l’emploie, est un sommet de lieux communs assénés avec force… Bref, par comparaison, sur un sujet similaire, The Search, de Michel Hazanavicius, très critiqué lors de sa présentation à Cannes, était un chef-d’œuvre.
Ce qui pose la question de la sélection d‘un tel film en compétition. Sauf à y voir un effet du « syndrome de la montée des marches » (Sean Penn, Charlize Theron et Javier Bardem sur le tapis rouge c’est plus glamour que l’équipe d’un film africain, ou serbo moldave), difficile de comprendre ce qu’il fait là. Il ne manquerait plus qu’il soit palmé pour décrédibiliser le plus grand festival de cinéma du monde.