Après le naufrage d’Astérix en Hispanie, que devait réaliser Gérard Jugnot (1), et le bling bling navrant d’Astérix aux jeux olympiques (du duo Thomas Langmann, Frédéric Forestier en 2008), on ne donnait plus très cher de la franchise Astérix, dont seul Alain Chabat avait vraiment réussi l’adaptation en 2001, avec son délicieux Mission Cléopâtre.
L’annonce d’un nouveau changement d’équipe avec Edouard Baer en Astérix et le réalisateur du Petit Nicolas, Laurent Tirard aux manettes, n’avait pas suffi à rassurer. Les premières bandes annonces faisaient même plutôt craindre le pire. Pourtant, le nouvel Astérix est une indéniable réussite. Subtil, léger, drôle, intelligent et même émouvant par instants, Astérix & Obélix: au service de sa majesté, séduit presqu’autant que Mission Cléopâtre.
Le scénario ( tiré des albums Astérix chez les Bretons et Astérix et les Normands) est impeccable et le casting est parfait (Edouard Baer en Astérix, Fabrice Lucchini en César, Guillaume Galienne en Jolitorax, Vincent Lacoste en Goudurix, Bouli Lanners en chef Normand et le duo Valerie Lemercier, Charlotte Le Bon, en Anglaises coincées, sont autant de trouvailles géniales). Il ne manque à la réalisation qu’un peu plus de rythme et un peu plus de modernité à l’esthétique générale pour que cet Astérix-là soit tout à fait au niveau de celui d’Alain Chabat. Laurent Tirard et son équipe auraient-ils enfin (re) trouvé la potion magique? On serait tenté de le croire tant le film est réussi.

La belle équipe
Gérard Depardieu, seul à avoir tourné dans les quatre Astérix, est bien placé pour faire la comparaison : « Le Chabat avait plus l’esprit Canal, celui de Laurent Tirard est plus fidèle à la BD et à l’humour de Goscinny » , estime-t-il. Anne Goscinny partage son avis : « Il n’y a sans doute pas d’Astérix idéal, mais on s’en approche avec Edouard Baer, note-t-elle. Il est intelligent, subtil, fin, élégant et tire le personnage vers le haut. Il me fait beaucoup penser à mon père ». Séduite par le duo composé par Edouard Baer et Gérard Depardieu, la fille de René Goscinny a même laissé passer l’allusion drôlatique à leur éventuelle homosexualité (« Deux types qui vivent ensemble avec un petit chien, c’est ça que vous appelez devenir un homme? leur demande Goudurix-Vincent Lacoste, auquel ils sont censés inculquer les valeurs viriles) : « Sur le coup, j’ai pensé que mon père allait se retourner dans sa tombe, confie Anne Goscinny, mais je n’ai rien dit et j’ai bien fait. La transgression est souvent positive si elle n’est pas totalement gratuite ».
« L’idée de départ était de remettre Astérix et Obélix au centre de l’histoire , explique pour sa part le scénariste Grégoire Vigneron. D’interroger leur tandem et de mettre à l’épreuve leur amitié. Plus que les BDs, ce qu’on avait en tête, c’était le duo de Des souris et des hommes ». Moins littéraire Depardieu, préfère évoquer leur côté « Laurel et Hardy » et avoue avoir pris un plaisir fou à jouer avec Edouard Baer.
Baer est, effectivement, le meilleur atout du film. Il campe un Astérix à l’esprit vif , raisonneur et râleur, à la fois jaloux et un peu honteux de son gros copain. Une complexité pas évidente à faire passer avec une grosse moustache collée sous le nez et un casque à ailes sur la tête. Premier étonné d’avoir été choisi par le réalisateur pour succéder à Christian Clavier et à Clovis Cornillac, l’acteur explique avoir pensé aux Copains de Jules Romains et à La Belle équipe de Duvivier pour composer son Astérix : « Des petits français francs du collier, un peu bagarreurs, un peu de mauvaise foi, qui n’aiment rien tant qu’être avec leurs copains ». Généralement peu prodigue de compliments envers ses partenaires, Gérard Depardieu (qui n’aura bientôt plus besoin de postiches pour la bedaine d’ Obélix) n’en tarit pas envers Edouard Baer: « Il m’a donné l’humanité d’Astérix », conclut -il .
C’est, effectivement, cette humanité –là qui fait tout le sel d’Astérix & Obélix: au service de sa majesté. Et, cette fois, on attend la suite avec impatience.