Une expérience de cinéma. Difficile de qualifier autrement Pater, le nouveau film d’Alain Cavalier (Thérèse), dans lequel Vincent Lindon tient à la fois son propre rôle et celui d’un futur premier ministre, tandis que le réalisateur « joue » ,lui aussi, son propre rôle, en même temps que celui du futur président de la République.
Les deux hommes se retrouvent, tour à tour, chez l’un et chez l’autre et se filment en train de parler du film qu’ils pourraient faire ou répétant quelques scènes clés.Comme celle où ils jettent les bases d’un programme politique qui consisterait à réduire l’écart maximal des salaires de 1 à 15 selon le souhait du président ou de 1 à 10, selon celui de son premier ministre. Une divergence qui finira par les conduire, à la fin du film, à se présenter l’un contre l’autre aux élections. Entre-temps, on les verra « faire campagne » en allant à la rencontre de français moyens (de préférence dans des endroits où on mange et où on boit) et discuter stratégie politique avec leurs « équipes » (amis, assistants, chauffeur…). Dans une scène d’improvisation, Lindon débarque chez Cavalier et commence à lui raconter, en plan fixe, ses problèmes de voisinage.Cela dure plusieurs minutes et c’est l’une des scènes les plus drôles de ce drôle de film. L’une des plus « politiques » aussi, puisqu’il y est question, entre les lignes, de capitalisme moral.

Standing ovation
Mais où le projet prend un tour totalement surréaliste, c’est lorsque, vers la fin, l’acteur, filmé dans sa cuisine, se plaint à des amis que le réalisateur l’ait remplacé dans le rôle du premier ministre sans le lui dire. Réalité et fiction ont fini par se mélanger à tel point que même l’acteur principal et le réalisateur ne savent plus très bien où ils en sont…
Présenté à Cannes comme « l’une des choses les plus bizarres de l’histoire du cinéma », selon les mots de Thierry Frémeaux, Pater a été salué par une standing ovation de 17 minutes (la plus longue du festival), mais n’a obtenu aucune récompense.Sans doute n’avait-il pas sa place en compétition, plutôt dans une section parallèle. C’est à la fois une fable politique plus drôle et (im)pertinente que La Conquête, une réflexion sur les rapports père-fils, un portrait de Vincent Lindon et une profession de foi renouvelée d’AlainCavalier dans le cinématographe. Visuellement, cela ressemble au makin of du DVD d’un film qui n’existe pas ou à un bout d’essai de film devenu le film lui-même.C’est effectivement très bizarre et déconcertant, mais très intéressant d’un point de vue cinéphilique. Mercredi, si vous voulez du changement, votez pour le ticket Cavalier-Lindon.