Plus de vingt ans après le succès de Wall Street, alors que la crise financière fait toujours des ravages, c’est peu dire que cette suite, présentée en avant-première mondiale au Festival de Cannes, était attendue. Le personnage de Gordon Gekko, qui a valu un Oscar d’interprétation à Michael Douglas, figure toujours en bonne place dans l’anthologie des salauds magnifiques du cinéma et on avait hâte de le retrouver. Malin, Oliver Stone joue avec cette attente dans la géniale scène d’ouverture, où l’on voit un prisonnier non identifié récupérer ses objets personnels au dépôt, avant sa sortie de prison : une montre en or, une pince à billet vide, une chevalière, un téléphone portable des années 80... Inutile d’en montrer plus : on a déjà deviné qui sort de prison.
Deux heures durant le réalisateur va donc jouer au chat et à la souris avec le personnage de Gekko et avec le spectateur.Le vieux rapace a-t-il définitivement perdu ses griffes en prison? S’est-il vraiment amendé?Ou cache-t-il seulement son jeu et attend-t-il son heure pour ne faire qu’une bouchée de ses anciens coreligionnaires qui l’ont trahi et des nouveaux jeunes loups qui ont fait fortune en appliquant ses méthodes (« La cupidité c’est bien »)?
Au passage, le professeur Stone ne peut évidemment pas s’empêcher de donner des leçons de « krach boursier pour les nuls ».Mais on ne saurait lui reprocher d’avoir voulu coller à l’actualité, même avec deux ans de retard et ses gros sabots de réalisateur de blockbusters. On a plus de mal, en vérité, avec la partie mélo du film (histoire d’amour, relation père fille) et avec sa fin, un peu trop morale et rédemptrice. À tout prendre, on préfèrait Gekko en prison que grand-papa gâteau.
Ces réserves posées, le film remplit parfaitement son double office de suite d’un film culte et de divertissement de qualité, ancré dans l’actualité.On mentirait en disant qu’on s’y est ennuyé. Avec Oliver Stone, l’argent ne dort peut-être jamais, mais le spectateur non plus.