Est-ce le début de la fin du téléchargement « pirate »? La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) devrait, en tout cas, siffler la fin de la récréation dans les prochains jours. Les premiers courriels d’avertissements aux internautes qui téléchargent illégalement des films, des séries TV ou de la musique sont « imminents » annonce Eric Walter, secrétaire général de l’Hadopi.
« Nous ne sommes pas les gendarmes du Net » clame Éric Walter. C’est pourtant la structure qu’il dirige, avec sa soixantaine de fonctionnaires et ses six millions d’euros de budget annuel, qui va dans les prochains jours déclarer ouverte la chasse aux pirates du Net. Âgé de 48 ans, cet ancien responsable du site Internet de l’UMP, attaché au cabinet de Rama Yade, préfère considérer la tâche de l’Hadopi comme « une mission de pédagogie et de responsabilisation » plutôt que de répression : « On ne part pas du principe que les internautes sont coupables, affirme-t-il, on les alerte sur la présence, dans leurs échanges, de fichiers dont ils ne possèdent pas les droits ».

2 avertissements sans frais

Pour saisir la nuance, un rappel du fonctionnement de l’Hadopi s’impose. Dans un premier temps, les « ayant droit » (artistes, maisons de disques, studios de cinéma…) signalent à la Haute Autorité l’existence, sur tel ou tel site d’échange, de fichiers piratés. L’Hadopi se tourne alors vers les fournisseurs d’accès internet afin d’obtenir l’adresse IP et les coordonnées personnelles des internautes qui partagent ces fichiers, via les réseaux P2P (Peer to Peer). Elle a deux mois pour leur adresser (ou pas) un premier mail d’avertissement aux contrevenants. Si, dans les 6 mois, le même internaute fait l’objet d’une nouvelle saisine, il reçoit une deuxième « recommandation » doublée par courrier avec AR. Si dans les 12 mois, il est à nouveau signalé, son dossier peut être transmis au parquet. Il est alors passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros pour « négligence caractérisée » et son accès internet peut-être suspendu pendant un mois.

Pas de barème minimum d’échanges frauduleux
On sait que les premières « saisines » sont parties en juillet (M. Walter refuse d’en communiquer le nombre).Les premiers mails devraient donc être envoyés dans le courant de septembre. « C’est imminent, confirme M. Walter. Mais l’Autorité a toute latitude pour choisir à qui elle envoie ses recommandations. Les premiers signalés ne seront pas forcément les premiers avertis ». Quels seront donc les critères de sélection? Le secrétaire général de l’Hadopi reste évasif : « On ne vise évidemment pas 100 % des contrevenants. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’il n’y aura pas de barème minimum : celui qui télécharge illégalement un seul fichier pourra être averti comme celui qui en télécharge cent». Que se passera-t-il, dans le cas d’une utilisation partagée de l’accès internet à domicile ou en entreprise, si la personne avertie n’est pas celle qui a téléchargé le fichier litigieux? « On ne fait pas la distinction, explique M. Walter. C’est l’abonné que l’on prévient en lui indiquant que sa connexion a été utilisée et en l’incitant à ne pas laisser son accès internet ouvert à tous les vents. On ne se bornera d’ailleurs pas à prévenir : la deuxième mission de l’Hadopi est d’appuyer l’offre légale et d’informer les usagers sur les moyens de protection de leur accès internet ».
La peur du gendarme sera-t-elle suffisante pour modifier les mauvaises habitudes prises depuis dix ans? « On en appelle à la bonne foi et au sens des responsabilités des usagers, répète M. Walter. Je n’ai pas envie d’être le gendarme du Net, mais j’ai la capacité à l’être ». Vraiment? Quid alors des systèmes de téléchargement direct vers lesquels les adeptes du P2P migrent actuellement en masse pour échapper aux poursuites? « Pour le moment, on ne s’intéresse qu’aux réseaux P2P, parce que ce sont ceux que les ayant droit nous signalent. Mais ça peut changer, prévient le secrétaire général. La loi permet à l’Hadopi d’intervenir sur tous types de réseaux». A bon entendeur...