Finalement, la surprise ne vient pas tellement de la sélection en dernière minute du nouveau film de Ken Loach (grand habitué de la Croisette, le réalisateur Anglais y a sa place assurée), mais plutôt du genre qu’il emprunte.
Après nous avoir régalés l’an dernier d’une comédie jubilatoire (Lookin for Eric avec Eric Cantona), Ken Loach se frotte, cette fois, au thriller « à l’américaine ».Le scénario de Route Irish, coécrit avec son partenaire habituel Paul Laverty, aurait très bien pu être tourné par Paul Greengrass, avec Matt Damon dans le rôle principal. Le sujet n’est d’ailleurs pas très éloigné de celui de Greenzone...
«Route Irish » est, en effet, le nom de la seule route qui mène de l’aéroport de Bagdad à la Zone Verte, partie sécurisée de la capitale irakienne.C’est la route la plus dangereuse du monde et les occidentaux n’y circulent qu’en véhicules blindés accompagnés d’escortes armées. Celles-ci sont souvent formées de « contractors », mercenaires appointés par des sociétés paramilitaires privées (américaines et anglaises pour la plupart), qui ont trouvé en Irak un « marché » particulièrement juteux : celui de la protection des biens et des personnes.
Fergus (Mark Womack), le héros de Route Irish est l’un de ses anciens militaires Anglais venus chercher fortune à Bagdad.Il y a fait suffisamment d’argent pour pouvoir se retirer, mais son meilleur ami, qu’il avait convaincu de le rejoindre, y est resté, victime d’une embuscade sur la fameuse Irish Route.Quand le film débute, Fergus se rend à son enterrement.Mais des messages laissés sur sa boîte vocale par son pote, quelques heures avant d’être tué, lui laissent penser qu’il n’est pas mort par hasard et que la société qui l’employait a peut-être une part de responsabilité. Fergus va donc remuer ses réseaux pour connaître la vérité, quitte à y laisser ses dernières illusions...
Bien qu’efficace et remarquablement interprèté, ce nouveau Ken Loach « déroute » un peu par le mélange des genres qu’il pratique. On y retrouve, certes, la patte du réalisateur, qui s’intéresse finalement plus au contexte social dans lequel évoluent ses personnages et à leur parcours psychologique, qu’à l’enquête proprement dite.Mais les nécessités du genre le conduisent à filmer des scènes sur lesquelles on le sent beaucoup moins à l’aise, comme celle pendant laquelle Fergus torture un de ses anciens « confrères » qu’il soupçonne d’avoir fait tuer son ami. Cela donne un film bancal, qui sera probablement le plus « commercial » du réalisateur, mais qui déçoit un peu dans le cadre de la compétition cannoise.