Dans une note d’intention, Alejandro Gonzales Inarritu prévient que « Certains films vous entraînent vers des territoires dont on craint ne jamais revenir. Biutiful est un de ces films ». C’est aussi un film qu’on aura du mal, malgré ses qualités, à conseiller au spectateur non averti. Il serait même judicieux d’éviter son visionnage à toute personne un tant soit peu déprimée. À la sortie, elle risquerait bien d’aller se jeter sous un train!
Biutiful, comme son nom ne l’indique pas, raconte les derniers jours d’un marginal, Uxbal (Javier Bardem), père de deux jeunes enfants, qu’il élève seul dans un logement insalubre d’un quartier misérable de Barcelone.Leur mère (Maricel Alvarez), bipolaire et alcoolique, fait des allers-retours en hôpital psychiatrique et couche avec le frère d’Uxbal le reste du temps. Pour subsister, Uxbal fait du trafic de main-d’œuvre immigrée, africaine et chinoise, avec son frère Tito (Eduard Fernandez).Il arrondit ses fins de mois avec ses dons de médium en allant parler aux morts. Mais c’est par un classique examen médical qu’Uxbal apprendra qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre (cancer).Dès lors, il cherchera désespérément un moyen de protéger ses enfants.On sait déjà qu’il ne le trouvera pas...
C’est peu dire que Biutiful est un drame social. Plus noir et désespéré, tu meurs! À côté, La Route, passerait presque pour une ode à l’optimisme béat.
Javier Bardem, mal rasé, en loque, christique et accablé, y porte toute la misère du monde.Normal : le destin de son personnage est probablement une métaphore de l’impasse dans laquelle s’est fourvoyé le monde moderne. A mille lieux des charmes de carte postale de Vicky Cristina Barcelona, la capitale catalane est filmée comme une mégapole du tiers-monde, polluée, miséreuse et sale.
Inarritu, a écrit Biutiful sans l’aide de son scénariste habituel, Guillermo Arriaga.Cela se sent surtout dans la forme du récit, moins éclatée qu’à l’habitude. Le chemin de croix d’Uxbal est raconté de manière assez linéaire.Seul le plan de début est un peu énigmatique, mais il est repris à la fin pour l’expliquer.Ce n’était pas vraiment nécessaire, on avait compris.
Après le Prix de la mise en scène accordé à Babel en 2006, Alejandro Gonzales Inarritu brigue la Palme d’Or avec ce film asphyxiant qui aura peut-être du mal à trouver son public lors de sa sortie en salle le 25 août (idéal pour se plomber la rentrée!). À défaut, Javier Bardem pourrait décrocher le prix d’interprétation qu’aurait dû lui valoir sa prestation dans No Country For Old Men.