C’est l’année Kitano. Avec une exposition de ses œuvres à la Fondation Cartier, une rétrospective de ses films à Beaubourg et une sélection en compétition au Festival, il ne lui manque qu’une Palme d’Or pour finir de consacrer ses multiples talents de scénariste, réalisateur, acteur et artiste. Elle pourrait bien lui échoir, vu le niveau général de la sélection.Une Palme par KO technique conviendrait parfaitement à Outrage, son quinzième long métrage, dans lequel le réalisateur Japonais renoue violemment, neuf ans après Aniki mon frère, avec le film de yakuzas. Il le fait avec une maestria telle qu’elle pourrait lui valoir les plus hautes marches du podium : palme, grand prix, mise en scène, scénario et même interprétation masculine pour son rôle de demi-caïd flegmatique. Pourquoi ce retour à un genre désormais galvaudé? « Pourquoi pas répond Kitano. C’est comme demander à un cuisinier japonais de faire un katsu-don (côtelette de porc panée avec du riz). Il doit pouvoir le faire les yeux fermés. Filmer la violence, c’est mon katsu don à moi. C’est un plat que je suis toujours prêt à faire ». Outrage raconte donc, sur un mode à la fois violent et burlesque, une guerre de pouvoir au sein de trois clans mafieux à Tokyo. Déclenchée sur un motif futile (un cadre yakusa se fait arnaquer comme un cave dans une boîte à strip-tease), elle va aboutir, de vengeances en trahisons, à l’élimination de la plupart des caïds et à la refondation totale des trois clans. Un grand classique du film de mafia, mais dynamité par l’humour caustique de Kitano. Il s’agit moins pour lui, en effet, de dénoncer la violence (tarte à la crème bien éculée), que de caricaturer le monde d’intrigues imbéciles et de violence aveugle dans lequel baigne la culture yakusa. Ce qu’il parvient à faire avec brio. Il faut certes avoir le cœur assez bien accroché pour supporter quelques scènes de tortures et d’exécutions (on se souviendra particulièrement de l’une d’elles la prochaine fois qu’on ira consulter un dentiste). Mais leur accumulation finit par produire un effet si comique qu’on attend la suivante avec un mélange de rire et d’effroi. Bienvenue sur le Grand Huit de Beat Takeshi!