L’actualité Stonienne est décidément chargée en ce mois de mai 2010 avec la sortie du coffret Deluxe remasterisé de leur chef-d’œuvre Exile on Main Street, la projection à Cannes du documentaire « Stones in Exile » qui raconte l’enregistrement de l’album sur la Côte d’Azur durant l’été 1971, deux expositions parisiennes qui retracent également en images l’aventure, une exposition des photos de Bill Wyman à Saint Paul de Vence (1) et la resortie de Performance au cinéma. Si l’on ajoute que les Stones sont attendus sur la Croisette pour la présentation du film à la Semaine de la critique on aura une idée de l’émoi provoqué chez les fans par cet inespéré « retour d’Exile ».

Garage Band

L’histoire d’Exile on Main Street commence le 5 mars 1971 avec la confirmation de l’exil des Stones en France pour raisons fiscales. Entre le 1er et le 5 avril l’armada des Stones débarque sur la Côte d’Azur. Jagger s’installe à Mougins, Bill Wyman à la bastide Saint-Antoine à Grasse (il déménagera rapidement pour Saint Paul de Vence où il vit toujours), Mick Taylor se pose à Grasse également, Charlie Watts dans les Cévennes et Keith Richards, dernier arrivé, dans une superbe villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat, la désormais célébrissime Nellcote. C’est là qu’après avoir cherché sur toute la Côte d’Azur où enregistrer un nouvel album les Stones décideront finalement d’installer leur matériel dans la cave, comme le premier « garage band » venu.

Café Keith

Le 6 avril 1971 les Stones sont au Midem pour annoncer la création de leur propre label, Rolling Stones Records, dont le logo est la fameuse langue tirée au monde. Le 12 mai, Mick Jagger épouse Bianca Perez Morena de Macias à Saint-Tropez. Le mariage, auquel assiste le gratin du rock anglais, vire à l’émeute et se conclut au Café des Arts par une fête et un bœuf mémorables qui préludent à ce qui va se passer à Nellcote dans les semaines qui suivent.
De juin à novembre, dans une atmosphère de fiesta décadente, les Rolling Stones enregistrent jour et nuit dans les caves de la maison rebaptisée Café Keith. Les rumeurs les plus folles d’orgies de drogue commencent à circuler et alarment les autorités.D’autant que les incidents se multiplient dans le sillage du groupe. Le premier octobre la police fait une descente à Nellcote pour enquêter sur le vol d’un lot de guitares.Mais ce que constatent les enquêteurs les renforce dans l’idée que la villa est devenue le repaire de tous les dealers de la Côte.

Cocksucker Blues

À la mi-novembre, fuyant une nouvelle et inévitable descente de police, tous les membres du groupe prennent l’avion pour Los Angeles où l’album doit être mixé. Le 12 mai 1972, Exile on Main Street sort enfin. Les critiques sont partagées : le son est confus et, à part « Tumblin Dice », il n’y a pas de single. La tournée qui suit, baptisée STP (pour Stones Touring Party, mais aussi en référence à une drogue en vogue à l’époque) est un modèle de chaos organisé et perpétue l’esprit de Nellcote à tel point que le film qui devait en être tiré, Cocksucker Blues, ne sera jamais officiellement publié. Début décembre, les Stones comparaissent à Nice pour répondre des accusations de trafic de stupéfiants pendant leur séjour à Nellcote. La plupart des charges sont abandonnées faute de témoins, mais Keith Richards et sa femme Anita Pallenberg sont condamnés à un an de prison avec sursis et à une interdiction de séjour qui empêchera la tournée de passer par la France. 39 ans plus tard, Exile on Main Street est considéré comme LE chef-d’œuvre des Stones et Mick Jagger et son gang de sexagénaires seront reçus avec tous les honneurs dus à leur rang sur les lieux mêmes de leurs incartades. Preuve que tout cela n’était que du Rock’n’Roll...

(1) » The Story Of » à la boutique Renoma, 129 bis rue de la Pompe et « Soul Survivors » à la galerie de l’instant 46 rue de Poitou qui présente les fameuses photos de Dominique Tarlé prises à Nellcote et des images de la tournée 72 par Ethan Russel. « Stone Alone in Saint Paul » photos de Bill Wyman à partir du 6 juin dans les deux musées de St Paul de Vence avec vernissage et concert d’ouverture des Rhythm Kings le 5 juin.