J'avais tellement envie de voir ce film que je pensais en sortir forcément déçu. Tout faux ! Le Gainsbourg de Joann Sfar est à la hauteur de l’attente qu’il suscite. Comme l’indique le sous-titre, c’est plus un conte qu’un biopic classique. Les principaux moments de la geste «Gainsbourienne» y sont évoqués chronologiquement, avec des acteurs très ressemblants à leur modèle (la palme à Eric Elmosnino qui EST Gainsbourg et à Laetitia Casta parfaite en Bardot), mais le film ne sombre jamais dans le « défilé de clones » que pouvait laisser craindre la bande-annonce. Bien que l’univers visuel soit plus proche de Tim Burton que de celui du « Chat du Rabbin », on sent à chaque image la patte de l’illustrateur génial qu’est Joann Sfar.
Évidemment très centré sur la « judéité » du créateur de Nazi Rock, le film s’ouvre avec l’épisode de l’étoile jaune (que le jeune Gainsbourg serait allé lui-même réclamer à la Kommandantur, si l’on en croit la légende) et se referme sur le scandale de « La Marseillaise Reggae » (avec citation in extenso de l’article haineux de Michel Droit sur l’affaire de Strasbourg, ce qui justifie la parenthèse « Vie héroïque »).
Le reste est plus léger et sonde surtout le rapport de Gainsbourg avec les femmes, avec la célébrité et avec sa « Gueule », incarnée physiquement par une marionnette, comme un double un peu maléfique mais pas forcément « Gainsbarrien ».
Zéro pathos, zéro emphase : on est plus proche de "I’m not There", le film de Todd Haynes sur Bob Dylan que de "La Môme". Gainsbourg aurait probablement adoré. On l’imagine bien du haut de son trône de nuages, gratifiant l’auteur d’un « Pas dégueu, p’tit gars ! » auréolé de fumée de Gitanes et, en l’occurrence, parfaitement mérité.