La possible faillite de Dubaï World, le plus important conglomérat d’investissements immobiliers de l’émirat, a mis en émoi les marchés financiers mais elle n’inquiète pas outre mesure les dubaïotes. «La crise, on a plutôt envie de lui dire merci», m'explique Jean-Marc Sanchez, pilote d’Offshore Tropézien installé depuis 15 ans dans l’émirat. Les prix de l’immobilier, qui avaient flambé ces dix dernières années, sous l’effet d’une spéculation effrénée, ont baissé de moitié cette année, ce qui permet à nouveau de s’y loger à un prix raisonnable. Symptomatiquement, les cadres expatriés qui travaillent dans l’émirat voisin d’Abou Dhabi, distant d’environ 140 kilomètres, commencent à venir habiter à Dubaï Marina, où les prix sont désormais plus abordables que ceux pratiqués dans la capitale des Emirats Arabes Unis. «J’ai pu négocier la location de mon trois pièce à la moitié de son prix de 2007», confirme Amad Harake, un entrepreneur niçois d’origine libanaise qui s’y est installé au début de l’année. Il paye tout de même près de 2000 euros par mois son 90 m2 au dix-huitième étage d’une luxueuse résidence avec salle de fitness et piscine de la Marina. Un an plus tôt, c’était 4000 ! «Le coût de la vie à grimpé de manière incroyable depuis cinq ans et les salaires n’ont pas suivi», constate Jean Marc Sanchez.

Mirage

Un week-end à Dubaï suffit à se convaincre que l’Emirat n’a désormais plus grand-chose à envier à la Côte d’Azur en matière de cherté des prix. Malgré l’absence de taxes et la présence massive d'une main d’œuvre immigrée sous payée, les boutiques et les restaurants pratiquent des tarifs trés proches des normes occidentales. Même au légendaire Duty Free de l’aéroport, les bonnes affaires sont devenues rares. «Tout le monde espère que la crise va permettre de revenir à la raison» résume Amad Harake. Mais «raisonnable» est un mot que Dubaï semble avoir définitivement rayé de son vocabulaire usuel.
La crise, vue d’ici, ressemble fort à un autre mirage. Certains chantiers semblent effectivement ralentis, mais les plus importants ont été menés à bien, contrairement à ce qu’annonçaient les Cassandre. La Burj Dubaï Tower, le plus haut édifice jamais construit, pointe son nez de métal à 818 mètres (162 étages) et doit être inaugurée le 4 janvier. Le Dubaï Mall, l’un des plus grands centres commerciaux du monde, situé juste au dessous, l’a déjà été l’an dernier. Le métro aérien ultra moderne, qui relie le centre ville à Jebel Ali (50 kilomètres), vient d’entrer en service, avec des stations dignes d’un hub d’aéroport. Les milliers de villas et d’appartements de la fameuse «palme» de Jumeirah, gagnée sur la mer, commencent à être habités et l’hôtel Atlantis, réplique de celui de Nassau, construit en moins de 18 mois, ne désemplit pas depuis son inauguration en septembre 2008. La suite royale de 1450 M2, qui réunit les deux tours au dernier étage, a même dû être augmentée de 25 000 à 35 000 dollars la nuit pour réduire la durée des séjours et assurer une rotation plus régulière de ses occupants ! Le trafic sur Sheik Zayed Road, l’autoroute à six voies qui va du centre ville à la plage, est toujours infernal et un deuxième aéroport est en construction à Jebel Ali pour absorber le trafic démentiel du premier, pourtant gigantesque. Dubaï sert surtout de transit pour l’Asie et l’Australie, mais de plus en plus de voyageurs y font désormais escale. La compagnie aérienne Emirates, fleuron de l’économie dubaïote, inaugurera d’ailleurs en janvier une liaison quotidienne avec Nice.

Foire permanente

Avec la plupart des capitales mondiales accessibles à moins de sept heures de vol, Dubaï, qui ne possède pas de réserves pétrolières, a fait le pari du tourisme de luxe et d’affaires, ce qui justifie la frénésie immobilière des dix dernières années et explique son ambiance de foire internationale permanente. Rien que la semaine dernière, l’émirat accueillait la finale du circuit européen de golf, un championnat du monde de Beach Soccer et le Dubaï Air Show, équivalent local du salon du Bourget, où l’on a vu l’Airbus A 380 faire des pirouettes, le Rafale de la figuration et l’avion de chasse européen Starfighter Typhoon sa première sortie. La crise n’a pas empêché Airbus d’y faire d’excellentes affaires et Dubai Aerospace Enterprise (DAE) d’y passer pour un milliard de dollars de commandes.
Pendant ce temps, touristes et résidents continuaient à faire la queue pour emprunter le télésiège de la piste de ski artificielle de l’Emirate Mall. Dehors, la température avoisinait 35 degrés et il était bien difficile, même à l’ombre, de se convaincre que tout cela avait la moindre réalité.