Un peu d'histoire. En 1994, année balladurienne pour autant qu'on s'en souvienne, les Guns N'Roses se séparent, au grand soulagement des gens de goût. Depuis 1987 et son formidable premier album (Appetite for Destruction), ce groupe californien white trash bénéficie d'une sorte d'immunité diplomatique pour avoir écrit une poignée de chansons (« Welcome to the jungle », « Paradise City », « Sweet Child of Mine »...) permettant de croire à une relève possible d'Aerosmith. Pour vérifier le bien fondé de cette hypothèse, certains (dont votre serviteur) firent même le voyage de l'hippodrome de Vincennes, où les Guns donnèrent, circa 92, leur unique mega concert français. Erreur de jeunesse. Force est, en effet, de reconnaitre, a posteriori, que ces types représentaient tout ce que l'on déteste dans les années 80 et 90 : le rock FM, la boursouflure, les voix nasillardes, les prénoms ridicules pré-Star Ac' (Axl, Slash, Izzy, Gilby...), les jeans dans les santiagues, les mini-shorts moulants, les bandanas sur cheveux gras et les groupies top models transformées en punching-ball. Une honte.
Casse-tête chinois
Musicalement, après le deuxième album (l'encore très écoutable G'n'R Lies), rien ne va plus chez les Guns. Écouter aujourd'hui les deux CDs de Use Your Illusions (160 minutes de bruit surproduit et de hurlements de chat écorché) est une expérience à vous dégoûter du rock'n'roll. L'album de reprises qui suivit étant aussi ridicule que le laissait présager son titre (The Spaghetti Incident ?), on tira sans regret un trait que l'on espérait définitif sur l'affaire Guns N'Roses.Mais, Axl Rose ne l'entendait pas de cette oreille. Devenu moitié fou et ayant viré la totalité des membres de son groupe, le gars prétendait encore enregistrer « le meilleur album de rock de tous les temps » sous le nom de Guns N'Roses. Le titre était déjà déposé : Chinese Democracy.
Quatorze ans et des JO de Pekin plus tard, la démocratie n'a toujours pas vu le jour en Chine, mais le disque oui. Il a fallu à Axl Rose 14 années, quelques séjours en hôpital psy, une armée d'avocats, six producteurs, cinq guitaristes, quatorze studios et treize millions de dollars pour en venir à bout.
Chef-d'œuvre... de prétention
Si l'on compte le manque à gagner pour un groupe suicidé au sommet de sa popularité, qui aurait pu enchaîner facile trois tournées mondiales de stades avant qu'on s'aperçoive de son inanité, c'est sans nul doute le disque le plus cher de l'histoire du rock et de la musique populaire. Un chef-d'œuvre ? De prétention.
On ne passe pas quatorze ans en studio à rajouter couche sur couche sur un malheureux embryon de chanson sans qu'elle devienne monstrueuse. Tout l'album l'est. Une folie d'ingénieur du son à 13 millions de dollars : des murs de guitares, des synthés comme s'il en pleuvait, des batteries titanesques, des pistes de vocalises à la pelle, des samples à n'en plus finir, des riffs à la douzaine, des solos de shredder labyrinthiques (Satriani jammant avec Yngwie Malmsteen, genre)... Mais pas une chanson qui tienne la route ! Au fond, c'est tant mieux. Si elles avaient été bonnes, on aurait été obligé de supporter le nouveau look « Fifi brin d'acier » d'Axl. Et ça, c'était vraiment au-dessus de nos forces.