Projet maudit du cinéma français, l'adaptation des mémoires de l'ex-ennemi public N°1 a mis plus de trente ans à trouver le chemin des salles de cinéma, comme le racontent avec un luxe de détails, Jean Pierre Lavoignat et Christophe D'Yvoire dans « Mesrine, 30 ans de cavale dans le cinéma » (éditions Sonatine).
Jean Paul Belmondo avait, le premier, acheté les droits de « L'Instinct de mort », l'autobiographie de Jacques Mesrine (prononcer : mé-rine), mais n'était pas parvenu à trouver un réalisateur pour porter l'histoire à l'écran. Godard était, paraît-il, volontaire mais son idée était de faire lire le livre à Belmondo seul assis sur une chaise face à l'écran...
Trente ans plus tard, c'est finalement le producteur d'Asterix aux Jeux Olympiques, Thomas Langmann (fils de Claude Berri), qui s'est lancé à corps perdu dans l'aventure. Langmann raconte avoir lu le livre à l'âge de onze-douze ans et avoir toujours rêvé de l'adapter au cinéma. Il s'est d'abord tourné vers Barbet Schroeder pour le réaliser, mais Vincent Cassel sur les épaules duquel reposait tout le film, n'était pas d'accord sur le traitement du personnage, trop « hagiographique » à son goût (voir interview). C'est finalement Jean-François Richet (Ma 6-t va crack-er, Assaut sur Central 13) qui a hérité du projet, devenu entre-temps, non pas un mais deux films. Le premier sort ce mercredi, le second (L'Ennemi public N°1) le 19 novembre.

Tout ça pour ça ?

C'est un peu ce que l'on se dit à la fin de L'Instinct de mort. Malgré le brio de la mise en scène, le rythme soutenu, le casting royal (Depardieu impérial en parrain de banlieue, Cécile de France méconnaissable en Jeanne Schneider, la Bonnie de « Clyde » Mesrine, Elena Anaya parfaite en première femme battue, Florence Thomassin, émouvante en pute au grand cœur...), les clins d'œil appuyés au cinéma des années 70 (split screens, moustaches, costumes d'époque et cætera), la performance de Vincent Cassel qui réussit à rester sexy malgré la moustache et 20 kilos de trop, sans toutefois rendre le personnage trop sympathique, malgré tout cela donc, ce vrai « blockbuster à la française » à l'ambition démesurée (c'est à la fois un biopic, un film de prison, un film de procès, un film de gangsters et un film d'amour), cale quand même sur un point crucial : la vie du gangster Jacques Mesrine méritait-elle vraiment qu'on lui consacre deux films de cinéma ? Surtout lorsqu'il s'agit de ne prendre parti, ni sur sa vie, ni sur sa mort ? La réponse, après avoir vu également le second film, est plutôt non. Un seul aurait largement suffi.