Le thème traité le dimanche 4 décembre 2011 par le philosophe Michel Serres avec Michel Polacco dans la chronique "Le sens de l'info" colle étrangement au cas de l'espéranto : la faiblesse.
Staline, dont le régime a écrasé le mouvement espérantophone en URSS comme le firent ceux d'Hitler en Allemagne, de Salazar au Portugal, de Ceaușescu en Roumanie et de bien d'autres dictateurs, avait répondu à Churchill à propos de respect des libertés religieuses, en 1945 : "Le Vatican... Combien de divisions ?". Il aurait pu poser la même question à propos de l'espéranto.
Comme l'a rappelé Michel Serres, bien des génies envers lesquels l'humanité est redevable sont tombés dans l'oubli ou ont eu une fin tragique, celle de vaincus. Il a évoqué les cas d’Évariste Galois, victime d'un duel à 20 ans, qui a donné les clés de l'algèbre; d'Antoine Lavoisier, le père de la chimie moderne, guillotiné en 1794; du mathématicien anglais Alan Turing, qui ouvrit la voie de l'informatique et qui dirigea les travaux de décryptage du système de codage nazi Enigma, condamné à la castration chimique en raison de son homosexualité, ce qui eu pour effet de l'acculer au suicide; de l'Autrichien Ignace Philippe Semmelweis dont les découvertes sur l'hygiène et la prophylaxie ne reçurent pas la considération attendue des milieux médicaux autrichiens, allemands, français et anglais, et qui en devint fou; du physicien autrichien Ludwig Boltzmann à qui nous devons la théorie de l'énergie mais que ses relations avec ses collègues poussèrent au suicide; de l'astronome et climatologue allemand Alfred Wegener qui eut l'intuition de la dérive des continents et qui, pour démontrer sa théorie, mena une expédition au Groenland où il périt de froid. Michel Serres a enfin évoqué le cas de Jésus Christ dont la doctrine, quand elle n'a pas été dévoyée, a été à l'origine de magnificences, mais qui a été couvert de crachats, humilié à l'extrême, coiffé d'une couronne d'épines puis crucifié.
Certes, Zamenhof est mort dans son lit, avant d'avoir atteint la vieillesse, à 58 ans. Mais le régime nazi fit payer au prix fort, par sa descendance, le don qu'il a fait à l'humanité. Pour la seule raison qu'ils avaient un lien avec le Dr Zamenhof, humaniste juif et père de l'espéranto, ses trois filles Lydia, Sofia et Ida finirent leurs jours au camp d'extermination nazi de Treblinka, son fils Adam et son gendre Henrik Minc furent fusillés. C'est grâce à sa présence d'esprit que Wanda, l'épouse d'Adam, échappa au même sort que Lydia et Sofia sous le nom de Zaleski, avec son fils Louis Christophe qui vit aujourd'hui en région parisienne et qui est le dernier témoin de cette abomination.
Malgré tout, même si certains — plutôt par ignorance ou par bêtise — font encore passer le Dr Zamenhof pour un doux rêveur ou un utopiste, son souvenir a été perpétué par l'Unesco en 1959 et il l'est dans de nombreuses villes de pas moins de 58 pays, dont 36 capitales, sous une forme commémorative désignée sous le nom d'« Objets Zamenhof / Esperanto », c'est-à-dire, des noms de rues et de voies de circulation, de lieux ou d'édifices public, de ponts et autres d'ouvrages d'art, de monuments, de lieux géographiques, etc., qui portent ces noms.i
Ce n'est pas pour "la gagne" que Zamenhof a consacré une part très importante de sa vie, qu'il a sacrifié le peu d'argent que lui faisait gagner sa profession d'ophtalmologiste en milieux désargentés ou peu fortunés, qu'il a sacrifié son temps de repos et de loisirs. La force de ce faible face aux Etats était dans son coeur et dans sa tête.
Quant à l'espéranto, il naquit "tout nu" comme Jésus, le 26 juillet 1887, dans un pays de froidure, rayé de la cartes. Il vint au monde dans l'imprimerie Gebethner & Wolf, à Varsovie, sous la forme d'une petite brochure de 42 pages intitulée "Langue Internationale"ii, en édition pour russophones. L'année 2012 marquera donc le 125e anniversaire de cet événement. Le bébé eut tout de même une première chance : celle d'avoir franchi le barrage de la censure tsariste, d'avoir échappé au peloton des avorteurs. Son papa avait choisi le pseudonyme "Doktoro Esperanto". C'est finalement sous ce nom que se popularisa le fiston.
Ses premiers pas se firent au sein du couple Ludwik et Klara, les seuls à le connaître. Puis un petit cercle commença à se former, tout d'abord avec Antoni Grabowskiiii, un grand polyglotte amoureux de la poésie. Puis la famille s'agrandit d'abord vers l'Est, en Russie. Même Tolstoï lui fit l'honneur de lui prêter attention. Hélas, en 1895, alors qu'il n'était qu'un gamin de huit ans, le geste que fit le géant de la littérature russe en lui confiant une tâche risquée — un article qui ne plut pas à la censure dans le seul journal d'alors en espéranto — eut pour effet de le frapper d'interdiction de séjour en Russie. Les Suédois vinrent à la rescousse pour le sauver, puis, peu à peu, il se trouva une famille d'accueil dans la plupart des pays dont la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Japon, la Chine, le Pérou, l'Afrique du Sud, etc.. Si bien que le premier historien de la langue, Z. Adam (Adam Zakrzewski) put écrire en conclusion de son "Historio de Esperanto — 1887-1912", pour le premier quart de siècle d'existence de la langue : "Nous pouvons déjà dire que maintenant, au Pays de l'espéranto, le soleil ne se couche jamais". C'est aussi en 1912 que le Dr Zamenhof, lors du Congrès de Cracovie, déclara son retrait de tout rôle officiel dans la diffusion de l'espéranto. Voici donc bientôt cent ans que l'espéranto a atteint sa majorité, que son sort et son évolution ne dépendent plus d'un seul homme, ni même d'un petit groupe d'hommes.
Politique linguistique
Le commentateur politique anglais Bruce Anderson a eu une réflexion très judicieuse dans le numéro du 1er décembre 2011 du "Financial Times". Après avoir rappelé de façon moqueuse et dédaigneuse que l'espéranto existe depuis bientôt 125 ans, et qu'il est encore utilisé, il a cependant conclu que, contrairement à notre système économique "il n'a jamais exigé le recours à une opération de sauvetage international, encore inadéquate, qui coûte des centaines de milliards de dollars."iv
En effet, plus souvent entravé et asphyxié que soutenu par les États, l'espéranto a poursuivi sa route parsemée d'embûches. Et elles n'ont pas manqué. Grâce à la persévérance de ses locuteurs, il a pu se hisser au rang d'une langue reconnue par l'Onu, l'Unesco, le PEN-Club International, au niveau de 27e langue parmi les 282 de Wikipedia. Une analyse réalisée par New England Complex Systems Institute a montré objectivement l'existence et l'utilisation effective de l'espéranto sur Internet dans les heures qui ont suivi la mort de Steve Jobs. L'espéranto apparaît parmi les 15 langues mentionnées et autres non mentionnées les plus utilisées pour la circonstance avec 12 691 tweets (0,8%) pour l'espéranto, même devant le danois (5 607 = 0,4 %), l'allemand (9 758 = 0,6% !), le thai (10 424 = 0,7%) et autres (3845 = 0,2%). La statistique était basée sur deux millions de tweets envoyés du 5 octobre à 21 h jusqu'à 9h le lendemain; elle n'inclut pas les alphabets non-occidentaux. Et ceci alors que Steve Jobs n'a jamais été une idole du monde espérantophone.
Politologue, spécialiste en politique linguistique, le professeur Jonathan Pool a enseigné dans de nombreuses universités des États-Unis et d'autres pays. Lors d'un entretien avec la revue "National Geographic", le 15 décembre 2009, à propos de l'hommage rendu par Google au Dr Zamenhof à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, il a dit : "La chose la plus proche d'un langage universel humain est aujourd'hui l'anglais, mais, à de nombreux égards, l'anglais ne parvient pas à la hauteur du rêve de Zamenhof qui a été d'aider à la création d'un monde plus équitable."v Cette excellente analyse d'un spécialiste compétent montre qu'il est aussi insensé de parler de succès de l'anglais que d'échec de l'espéranto. Avec le budget dilapidé pour renforcer la position de l'anglais par tous les États du monde depuis des décennies, et ceci de plus en plus, les problèmes de communication linguistique et d'inéquité linguistique seraient en grande partie résolus depuis longtemps dans le monde, même si l'on se basait sur la période postérieure au dépôt d'une proposition formulée en 1921 par 14 nations, dont plus de la moitié non européennes, afin que l'espéranto soit enseigné dans toutes les écoles du monde. Un rapport de la Société des Nationsvi, publié en 1922, dressait un état de l'enseignement de la langue dans le monde, mais le gouvernement français de l'époque a eu une grave responsabilité dans le blocage du processus, tout comme dans son attitude envers l'Allemagne qui facilita l'accession d'Hitler au pouvoir.
Le monde espérantophone apparaît certes minuscule, quasi invisible, à côté du monde anglophone. Mais, contrairement à certaines langues dites "grandes", il n'a pas eu besoin de faire couler du sang pour se hisser à un niveau qui n'est pas négligeable. Il ne doit rien à des expéditions militaires, à la guerre, à des pressions, des contraintes, à la corruption. L'anglais doit sa position en grande partie à des crimes contre l'humanité. Président des EUA de 1892 à 1901, méthodiste, William McKinley affirma qu'il avait demandé des conseils à Dieu pour engager une guerre contre le peuple des Philippines, une guerre d'une cruauté inouïe qui dura de 1899 à 1913. C'est ainsi que l'anglais est devenu la langue principale des Philippines, celle qui fait foi en cas de litige. Comme Dieu a bon dos, presque un siècle plus tard, George W. Bush, méthodiste aussi, utilisa le même procédé pour attaquer l'Irak en 2003. Voir aussi le témoignage du général Smedley D. Butler dans son livre “War is a racket“ et la liste des conflits dans lesquels les EUA ont été impliqués à travers le monde : List of wars involving the United State.
Voici environ 20-30 ans, l'espéranto était écarté de toute discussion politique, y compris dans les médias, sous prétexte qu'il était absolument exclu, pour l'Union européenne, qu'il y ait une "langue unique". Ceci alors que la vocation de l'espéranto n'a jamais été de devenir la langue unique mais la langue commune, et pas seulement en Europe. Mais ceux qui ont proféré ce mensonge se sont toujours gardés de donner la parole et le droit de réponse à des représentants du monde espérantophone. Le discours officiel a toujours eu lieu sans tenir compte de leur avis. La nature de cette tromperie a été révélée par l'obscure affaire de TV5, avec la complicité de Bouthros Bouthros Ghali et le piège tendu à l'éminent cinéaste Costa Gavras pour lui faire tenir des propos qu'il n'aurait jamais prononcés en connaissance de cause.vii
Des linguistes, dont la profession est de travailler à longueur de journée sur une science qui les passionne, ont préconisé le multilinguisme en oubliant que, pour les gens du peuple fatigués par leur journée de travail et par divers soucis, l'idée de suivre des cours de langues après leur travail n'avait rien d'enthousiasmant. Sous leur influence, Michel Rocard était même allé jusqu'à faire passer comme possible l'étude de six langues par les étudiants. Théoriquement, c'est évidemment possible, mais ceci se fait inévitablement au détriment d'autres matières qui exigent des connaissances toujours plus vastes et approfondies, des approches polytechniques. Le résultat, c'est que cette politique a accéléré la progression de l'anglais dans le rôle de langue unique, car la plupart des gens se tournent vers la langue qui offre le plus de débouchés pratiques sans mesurer les conséquences de ce prétendu choix. Le choix ne peut exister sans variété de l'offre. La dictature de l'anglais s'instaure de plus en plus vite. Les établissements d'enseignement qui proposent plusieurs langues au programme se raréfient. C'est comme dans les pays à parti unique où il n'y a qu'un seul candidat aux élections présidentielles. Et c'était bien l'objectif de la Conférence qui se tint à Cambridge en 1961 entre la Grande-Bretagne et les EUA : le formatage des cerveaux.viii
Comme pour détourner l'attention du vrai problème, d'autres intellectuels ont proposé une "solution" aussi bancale basée sur le principe de l'intercompréhension qui existe entre langues d'une même famille, par exemple latine, germanique, slave, etc. L'échange consiste pour chacun des acteurs à parler sa propre langue en imaginant que tout sera compris par les autres du moment que la langue appartient à la même famille. Comme s'il suffisait de comprendre un mot ou un groupe de mots par-ci par-là pour décider de choses qui engagent le sort des citoyens européens, voire de toute l'humanité ! Le résultat, c'est que lorsqu'une plus grande précision sera nécessaire, le besoin apparaîtra pour se tourner vers une langue de référence qui sera... l'anglais ! Il s'agit encore là d'une "trouvaille" d'intellectuels qui fera apparaître l'anglais encore plus nécessaire et qui ne pourra que renforcer son caractère incontournable. Comme toujours, la situation du citoyen moyen, dont les connaissances ne sont ni étendues, ni diversifiées, à plus forte raison s'il n'a eu accès à d'autres connaissances qu'à celle d'un semblant d'anglais, n'est pas prise en compte.
"Créée en 1992 à Paris par Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, l'Académie Universelle des Cultures conduit son action grâce au soutien des pouvoirs publics". La langue de cette académie est le français. Elle est constituée de personnalités du monde entier. Alors qu'elle s'est définie comme "universelle", elle n'est pas plus universelle que l'Association Universelle d'Espéranto (Universala Esperanto-Asocio — UEA) qui poursuit des objectifs analogues mais dont la langue officielle est l'espéranto. Mais la première reçoit des fonds publics alors que la seconde ne vit que grâce aux cotisations et aux dons de ses adhérents disséminés dans environ 120 pays. Alors que l'AUC tient ses réunions à Paris, l'UEA tient ses congrès chaque année dans un pays différent : 2006 à Florence, 2007 à Yokohama, 2008 à Rotterdam, 2009 à Bialystok (Pologne, ville natale du Dr Zamenhof), 2010 à La Havane, 2011 à Copenhague, 2012 à Hanoï, 2013 à Reykjavik... (liste complète depuis 1905). Mondialement, elles n'ont guère plus d'écho l'une que l'autre alors que, sur le plan national, les congrès mondiaux d'espéranto ont en général un certain écho dans le pays d'accueil.
"Le pari de la fraternité"
Des comportements méprisants, dédaigneux ou condescendants existent encore aujourd'hui dans certains milieux intellectuels et politiques français à l'encontre de l'espéranto. Ils ont des racines qui doivent être connues. Considéré comme "langue de juifs et de communistes" sous le régime hitlérien, de "langue de sionistes et de cosmopolites" sous le régime stalinien, l'espéranto avait surtout un grand défaut pour ce genre de pouvoir. Ce défaut était de rendre la communication plus facile, de permettre l'échange d'informations, d'échapper à la propagande officielle, d'ouvrir la voie à l'abolition de ce mur de la honte linguistique — bien peu ébréché par le tout-anglais par rapport aux moyens investis — qu'est aujourd'hui la barrière des langues. Il est donc compréhensible qu'ils aient éprouvé le besoin de ternir sa réputation, de le faire passer pour une langue de farfelus, pour une langue mort-née, pour un échec, etc.. Même de Gaulle se prêta à ce jeu par une boutade lors de sa conférence de presse du 15 mai 1962, lorsqu'il fit un amalgame entre l'espéranto et le "volapük intégré".ix Il existe encore des traces d'une mentalité impérialiste et colonialiste..
Diplomate et écrivain français (1853-1855), auteur d'un "Essai sur l’inégalité des races humaines", Arthur de Gobineau fut, au XXe siècle, l'un des principaux inspirateurs du national-socialisme hitlérien. Dans son sillage, on trouve Léon Bérard qui fut ministre de l'éducation nationale lorsque le gouvernement français s'opposa farouchement à toute discussion sur l'espéranto à la Société des Nations, à partir de 1921. Il alla même jusqu'à interdire l'utilisation des locaux scolaires pour son enseignement. Sous l'occupation, Bérard devint ambassadeur du gouvernement de Vichy auprès du Saint Siège. C'est ce qu'on appelle "un serviteur de l'État"...
Dans le même camp des pourfendeurs de l'espéranto devant la SDN, nous trouvons aussi le professeur suisse Gonzague de Reynold qui devint idéologue d'extrême-droite et partisan du régime hitlérien. Il y eut aussi Gabriel Hanotaux (1853-1944), membre de l'Académie française, ancien ministre des affaires étrangères et historien. Il importe de savoir ce que furent ceux qui ont entravé l'espéranto et qui ont cherché à détruire son prestige. Hanotaux fut un apologiste de l'impérialisme et un thuriféraire de Napoléon 1er, cet empereur dont les guerres firent plus d'un million de morts en Europe, celui qui rétablit l'esclavage et la traite des Noirs, celui dont les méfaits sont passés sous silence. Devant l'écrivain Louis de Fontanes (1757-1821), qu'il avait nommé grand maître de l'Université à partir de 1808, Napoléon reconnut : "Savez-vous ce que j'admire le plus au monde ? C'est l'impuissance de la force à fonder quelque chose. Il n'y a que deux puissances au monde : le sabre et l'esprit. A la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit."
L'historien Louis de Villefosse a écrit de l'empereur, dans son livre “L'opposition à Napoléon“, qu'il fut "le grand promoteur du militarisme français et par contre-coup du militarisme allemand", et que "l'engrenage des conflits qui mettront le XXe siècle à feu et à sang, il lui a imprimé sinon l'impulsion première, du moins la plus violente, et déterminante".
En fin de chronique, Michel Serres à lancé cette interrogation sur l'idéologie de la force pratiquée par Napoléon 1er lors de la bataille de la Moscova, avec un bilan de 30 000 morts : "Ne croyez-vous pas que si ces vainqueurs-là, s'ils revenaient maintenant, on ne les traduirait pas devant des tribunaux pour crimes contre l'humanité ?".
Il est vraisemblable que Michel Serres ne désavouerait pas cet avis exprimé par le chanteur Guy Béart à un journaliste du "Dauphiné Libéré" (9 août 1998) : “Apprendre l’espéranto, c’est faire le pari de la fraternité. Certains amis me disent que ce truc est ringard, que l’anglais a gagné la partie parce que c’est la langue de l’économie. Et comme l’argent est gouverné par les États qui sont gouvernés par les maffias, il faudrait se résigner ? Sûrement pas ! Si le fric domine tout, en gros, c’est la fin de l’humanité. Heureusement, il y a toujours en l’homme un gêne de fraternité. Il y a l’amour et les sentiments, que la langue du pognon ne pourra jamais traduire. Alors, vive l’utopie, vive l’espéranto qui n’a pas d’étiquette politique, pas de religion et qui n’est l’émanation d’aucun pouvoir.“
Tous ensemble, les faibles peuvent faire barrage à l'idéologie de la force, mais il faut aujourd'hui que ce processus soit engagé à l'échelle mondiale. La démonstration en a été faite à l'échelle nationale par Gandhi en Inde, Martin Luther King aux États-Unis, Desmond Tutu en Afrique du Sud, Wangari Maathai au Kénya. Mais, à l'échelle mondiale, ils ont besoin d'une identité commune qui ne peut se trouver dans les nationalismes et dans des religions pourvoyeuses de fanatismes. Le sentiment d'appartenance à une communauté d'intérêts plus vastes que celui de la nation est une nécessité, et une langue commune anationale — non nationale — en est la clé de voute. Cette langue existe. Elle est encore faible, mais avec le concours de tous, elle peut devenir forte pour mettre cette force au service de l'humanité, pas au service d'une minorité qui s'accapare tout.
Prix Nobel de littérature, ami de Gandhi et de l'espéranto, Romain Rolland avait écrit : "Que l'espéranto rende l'ouïe à ces sourds dont chacun, depuis des siècles, est muré dans son langage."
Notes
i En espéranto,Z EO, pour Zamenhof/Espéranto-Objektoj : FR/EO — Exposition virtuelle mondiale d'OZE / Tutmonda virtuala ekspozicio pri ZEOj
ii МЕЖДУНАРОДНЫЙ ЯЗЫК.
iii L'espéranto permet de dire tout naturellement que Grabowski était “tridek-lingvulo“, c'est-à-dire une personne parlant une trentaine de langues. C'est à la portée d'un débutant. En français, il est possible de dire monolingue, bilingue, trilingue, quadrilingue, mais ça paraît déjà moins naturel de dire quintilingue, sextilingue, octolingue, nonalingue, décalingue... Et quel pourcentage de natifs francophones pourrait exprimer tout cela correctement et donner la suite ?
iv The Goldilocks guide to saving the eurozone :
"But it has never required an international rescue operation costing hundreds of billions of dollars, and still inadequate."
v L.L. Zamenhof: Who He Was, Why He's on Google, Jonathan Pool, National Geographic : “The closest thing to a universal human language today is English, he added, but English in many ways fails to live up to Zamenhof's dream, which was to help create a more egalitarian world.“
vi Société des Nations / League of Nations (1922) :
Esperanto as an international auxiliary language
vii Le 30 septembre 1998, le premier ministre Lionel Jospin avait effectué un voyage en Chine, un pays ouvert à l'espéranto. Curieusement, devant des étudiants chinois, à Hong Kong, après avoir reconnu la nécessité d'une “langue de communication universelle“, il avait fait passer l'espéranto pour une affaire du passé. Puis, le 9 novembre 1998, il y eut l'affaire l'Affaire TV5 qui fut une véritable entreprise de torpillage de la langue :
L’affaire TV5-Europe
L’affaire TV5
C’est aussi durant le “règne“ de Jospin au ministère de l’Éducation nationale (12.05.1988-03.02.1992) qu’un terme fut mis à l’expérience concluante d’enseignement de l’espéranto au Collège de Villefranche-sur-Saône. L'affaire TV 5 s'est déroulée la même année.
viii Prof. Robert Phillipson, auteur de “Linguistic Imperialism“ (1992) et “Linguistic Imperialism Continued“ (2010) :
FR. L’anglais pour transformer l’univers des étudiants
EN. English to transform the students’ whole world
EO. La angla por transformi la studentaran tutan mondon
ix Conférence de presse tenue au Palais de l'Élysée, 15 mai 1962. A la suite de cette conférence de presse les ministres M.R.P. (Pierre Pflimlin, Maurice Schumann, Robert Buron, Paul Bacon, Joseph Fontanet) démissionnent du gouvernement de Georges Pompidou. Le 12 novembre 1953 Charles de Gaulle avait déjà parlé un peu près dans les mêmes termes du volapük et de l'espéranto. (source : Une certaine idée de l'Europe, Laurent de Boissieu. Centre d'information sur le Gaullisme.)
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