L'échelle du temps, des distances, des températures, des forces d'attraction et des pressions fait apparaître notre "minusculité" ou même notre "nanominusculité" face à un chantier astronomique qui dure depuis des milliards d'années. S'imagine-t-on seulement les vents de 2000 km/h qui soufflent sur Neptune, la force d'attraction écrasante de la planète gazeuse Jupiter et une multitude de "petits détails" similaires ? A elle seule, la Voie Lactée a quelques centaines de milliards d'étoiles, et l'estimation du nombre de galaxies de l'univers observable tourne autour de plusieurs centaines de milliards, et la partie non observable ne peut être estimée.
La compréhension même élémentaire de l'astronomie devrait nous faire prendre conscience que, même s'il existe quelque part une "planète de rechange", un équivalent de la Terre, le temps nécessaire pour l'atteindre restera du domaine de l'impossible même pour un seul couple humain apte à procréer. Donc pas d'Arche de Noé spatiale possible en vue...
Même si notre belle planète Terre, qui a fini par devenir propice à la vie et habitable, est encore le théâtre de violents phénomènes telluriques et climatiques, elle apparaît finalement comme un extraordinaire cocon très douillet en comparaison avec toutes les planètes connues et observables. Et nul ne sait jusqu'à quand la vie pourra y exister.
Et si nous devions un jour communiquer avec des extra-terrestres ?
La question qui n'a pas été posée lors de l'émission concerne l'existence éventuelle d'êtres vivants et intelligents dont on sait aujourd'hui qu'il ne peut pas s'agir de Martiens. Est-ce impossible qu'une planète habitable et habitée existe aux fins-fonds de notre galaxie ou dans d'autres, et que ses habitants, au lieu de se faire la guerre, n'ont utilisé leur intelligence que pour construire, embellir, améliorer, vivifier au lieu de préparer la guerre pour ne recevoir rien d'autre que la guerre ? Avons-nous imaginé un instant ce qui aurait pu être fait sur Terre depuis la nuit des temps avec la somme de forces et de vies humaines, de travail, d'entrainement et de préparation physique et psychologique, de matériel, de recherches, tout cela englouti pour une seule fin de destruction qui a entraîné des souffrances inouïes, des séquelles persistantes ? Car la préparation de la guerre n'a rien fait d'autre que de la différer avec des moyens toujours plus destructeurs. La philosophie de Georges Brassens exprimée dans "Les deux oncles" n'a pas prévalu sur Terre...
Si de tels êtres existent, et s'ils ont atteint un niveau de civilisation autrement supérieur au nôtre, il peut apparaître naturel qu'ils se posent la même question que nous : "Sommes-nous seuls dans l'Univers ?". Et si leur niveau scientifique et technique nous dépasse de très loin, n'ont-ils pas tenté ou ne tentent-ils pas d'entrer en contact avec d'autres êtres intelligents ? Ne nous observent-ils pas ? Le comportement hollywoodien, incapable d'imaginer autre chose qu'une guerre des étoiles par rapport à l'éventualité de tels êtres est le triste reflet d'une mentalité qui pousse à croire qu'il n'y a pas meilleur et mieux intentionné que les Terriens.
Lancée en 1977, la sonde spatiale Voyager II porte un disque d'or nommé "Voyager Gold Record" qui contient des enregistrements très divers visant à faire connaître l'existence de notre planète et de l'extrême diversité de ses formes de vie.
Si des extraterrestres cherchaient à communiquer avec les Terriens, il faut se rendre à l'évidence : ils ne connaîtraient pas plus nos 6000 langues — pas même le chinois ou l'anglais— que nous ne connaîtrions la leur. Ce serait pour eux aussi complexe que le déchiffrage des hiéroglyphes.
Dans une tentative d'établir la communication dans les meilleurs délais et avec le plus de précision possible, la langue la plus adaptée ne serait aucune des langues nationales ou ethniques qui ont évolué pour les besoins de communautés spécifiques plus ou moins importantes sur une aire géographique plus ou moins limitée, mais une langue conçue pour jouer le rôle d'inter-langue, de langue-pont.
Lorsqu'il était ambassadeur d'Australie à l'Onu, Ralph Harry avait enregistré un message destiné à être porté dans l'espace par la sonde Voyager II. Il l'avait prononcé en anglais et en espéranto :
“Amikoj, mi parolas al vi el la planedo Tero. Mi reprezentas la landon Aŭstralio, la insulan kontinenton en la suda hemisfero de nia planedo. Ni strebas vivi en paco kun la popoloj de la tuta mondo, de la tuta kosmo, kaj labori kun ili por la komuna bono de ĉiu homa estaĵo. Mi salutas ĉiun, kiu komprenas. Adiaŭ.“Un journaliste new-yorkais crut bon de lui demander s’il croyait vraiment que des êtres intelligents habitant la Voie Lactée pourraient comprendre l’espéranto. Ralph Harry répondit que des extra-terrestres intelligents déchiffreraient un texte en espéranto bien plus rapidement qu’un poème de Baudelaire.
Traduction : Amis, je vous parle depuis la planète Terre. Je représente le pays Australie, le continent insulaire dans l’hémisphère sud de notre planète. Nous nous efforçons de vivre en paix avec les peuples du monde entier, de tout l’espace, et de travailler avec eux pour le bien commun de tout être humain. Je salue toute personne qui comprend. Adieu.
Il n'y a rien de sorcier en cela. Quarante-deux savants de l'Académie des sciences l'avaient qualifié en 1924 de "chef-d'oeuvre de logique et de simplicité". Même si l'anglais apparaît simple à première vue par rapport à beaucoup de langues, il est en fait bien plus compliqué qu'on ne veut le faire croire. L'anglais est mal adapté à la communication entre locuteurs de diverses langues. Les élèves britanniques sont les derniers en Europe à savoir lire et écrire dans leur langue maternelle. Charles Dickens s'était lui-même plaint de la difficulté d'écrire en anglais. L'anglais ne doit pas sa diffusion à des qualités linguistiques mais à la contrainte de l'apprendre et d'en faire usage. Les premières victimes en furent les Indiens d'Amérique. Une association fut fondée en 1908 pour le rendre plus simple : "The English Spelling Society". Le Basic English mis au point par Charles K. Ogden fut salué par Churchill qui vit en cela un excellent appât pour faire tomber le monde dans le piège du tout-anglais. Souvent désigné comme la langue de l'aviation, il est en fait dans ce domaine bien plus un code qu'une langue. Ce fait est assez bien illustré par les échanges pénibles entre un pilote chinois et la tour de contrôle de l'aéroport JFK (vidéo Youtube) et par divers documents comme "Misfunctional FAA phraseology", "Des inconvénients de la langue anglaise pour les communications aéronautiques internationales" ou par le fait que, comme l'a révélé une enquête, 11% des accidents aériens sont dus à la mauvaise qualité de communication en anglais arbitrairement imposé comme langue de l'aviation en 1951 : "Fatal words: Communication clashes and Aircraft crashes"*, ou, plus dernièrement un article de l'AFP repris par "Le Monde" (1er décembre 2011) : "Incident sur un vol Japon-Chine : l'anglais des pilotes chinois en cause"**. En fait, c'est l'anglais qui est en cause, et non celui des pilotes chinois.
Le génie de l'espéranto se trouve dans sa conception : a) une grammaire en partie inspirée par le meilleur de celle de l'anglais, mais encore plus simple et régulière, b) un vocabulaire réduit permettant la formation d'une quantité extraordinaire de mots nuancés, c) la grande part laissée à l'intuition, à la déduction, à l'intelligence plus qu'à la mémoire.
Et même si nous n'avons aucune chance de rencontrer un jour des extraterrestres, rien n'empêche de réaliser, quelque part dans le monde, dans une région pas encore contaminée par l'anglais — chose de plus en plus rare ! — une expérience qui consisterait à organiser des classes parallèles d'anglais d'une part, d'espéranto d'autre part. Il pourrait y avoir deux expériences parallèles consistant, l'une à évaluer le niveau de communication atteint par les élèves de même langue en anglais et en espéranto au sein de leurs classes au bout d'un délai déterminé, par exemple un an, l'autre au sein de classes d'enfants composée d'élèves de divers pays et langues, n'ayant évidemment jamais touché à l'anglais comme à l'espéranto auparavant. D'autres expériences pourraient consister en une évaluation de l'anglais et de l'espéranto comme langues d'enseignement, et ceci à partir de zéro, c'est-à-dire sans connaissance préalable des ces langues. Qui osera ?
Notes
* "Fatal words: Communication clashes and Aircraft crashes". Steven Cushing, University of Chicago Press, 1994.
** Il est conseillé d'enregistrer cet article, car il risque de ne plus être accessible au bout d'un certain temps.
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