Veux-tu bien regarder s'il y a encore des jours dans le sac ! crie le charbonnier à sa femme.

Elle ne répond pas, fixe ses savates. Depuis longtemps elle s'est tue.

Enfin, me répondras-tu bourrique ? Cherche !

Elle traîne les pieds, ouvre le sac, y plonge une main gantée d'épingles.

Aïe ! Aïe ! Aïe !

Alors ? Rugit le charbonnier.

Pour l'instant, répond la femme, je ne trouve que des pépins !!

Des pépins ? Te moques-tu ?

Non, je ne me moque point, des jours plein de pépins, voilà ce que je trouve, il y a tant de pépins que je n'arrive pas à trouver les jours !

Raaaahhhh ! Tu veux que je te tue ? Plonge ta tête dans le sac avec la lampe torche et compte ou je te , je te , je...

La bonne femme enfile une cagoule agrémentée de pelotes d'épingles. Elle plonge dans le sac, la torche à la main.

Le charbonnier, assis près de la porte d'entrée, attend. Il ne voit plus que les bas de sa femme qui s'agitent, tels des cous de dindons. Il l'entend glousser très fort.

Hé hé je le disais bien que tu n'étais qu'une grosse dinde ! Ah ah ah !

Mais soudain les pieds et les jambes disparaissent. Le sac s'affaisse. On n'entend plus de bruit.

Quelle est encore cette sorcellerie nom d'un tutu de femme battue ?

Un chat noir s'approche du sac, son poil se hérisse comme une pelote d'épingles, il pousse un miaulement rauque avant de s'enfuir à toutes pattes.

Par la barbe de Saint-Turlututu ! crie le charbonnier, sans oser approcher du sac.

Mais il se rappelle la prophétie de la gitane. En tenant sa main, elle avait dit :

Je vois du noir, tout est noir, noir, noir ! Ohhhhhh monsieur, oh, je ne vois même plus votre ligne de vie !

Et ma ligne de coeur ? A demandé le charbonnier en faisant un large sourire de gargouille barbouillée.

Votre ligne de coeur ? Elle est très sombre aussi, je ne vois pas grand-chose, il vaudrait mieux aller consulter le sac !

Courageusement, le charbonnier tire les bords du sac. Tout a disparu, il n'y voit goutte, ni femme, ni jours. Peut-être quelques pépins, ça sent le citron.

ah ça je n'y comprends rien ! Je vais aller chercher un autre sac à la cave.

Il remonte un sac de charbon sur son dos, le vide sur le carrelage. Puis jette les boulets de charbon dans la cheminée. il plonge la tête dans le sac. Une voix de femme sort de la cheminée.

- Charbonnier, tu es noir, tout noir, noiraud, sale, répugnant ! pire que le ramoneur ! Noir de la tête aux pieds ! vas te laver les mains, gredin !!