Alors que le nouveau gouvernement de cohabitation se met en place sous la direction du premier ministre d’opposition, Raila Odinga, l’ONU a renouvelé cette semaine son appel à la mobilisation d’une aide d’urgence de 189 millions de dollars, destinée à éviter la famine qui menace dans plusieurs régions du pays. Jusqu’ici considéré comme le meilleur élève d’Afrique de l’Est, en matière de développement économique et de démocratie, le Kenya doit, en effet, faire face à une grave crise économique, après les émeutes consécutives à la réélection contestée du président Kibaki en décembre dernier.

fréquentation: - 60 à 90 % !
Le tourisme, qui constitue la première source de revenus du pays, s’est effondré dans les semaines qui ont suivi les troubles, fortement médiatisés dans le monde entier. Selon l’Office du Tourisme Kenyan (KTB), la baisse de fréquentation atteindrait 60 % pour les trois premiers mois de l’année. De son côté, la Mara Conservancy, institution privée à but non lucratif qui gère une partie de l’immense réserve de Masaï Mara, chiffre les pertes à 90 % en janvier, 75 % en février et 67 % en mars. Sur le terrain, les Rangers doivent déjà gérer la pénurie et commencent à connaître de sérieux problèmes pour assurer leur mission essentielle de lutte contre le braconnage et d’entretien des pistes.Plus grave encore, les populations alentours, qui vivent (chichement) des revenus induits par le tourisme, connaissent également des problèmes d’approvisionnement et de subsistance et certaines ont déjà menacé de reprendre la chasse dans les zones protégées.

Plan de reconquête
« Seul le tourisme permettra l’éradication de la pauvreté dans notre pays » a rappelé, sitôt nommé, le ministre du tourisme, Najib Balala, ancien maire de Monbasa qui a approuvé un plan de « reconquête » visant à restaurer et à accroître les flux touristiques, pour atteindre l’objectif de 5 millions de visiteurs par an à l’horizon 2030.
Dans l’immédiat, le KTB a lancé une première campagne de communicationen invitant 200 journalistes internationaux à venir constater sur place que les infrastructures n’avaient aucunement souffert des troubles du début d’année. Les Tour Operators internationaux suivront en juin.
« Nous avons déjà connu ce type de situation dramatique en 2002, après l’attentat contre l’ambassade américaine. Cette fois nous sommes mieux armés pour y faire face », estime Rebecca Nabutola, secrétaire permanente au tourisme. Jusqu’à l’an dernier, en effet, le tourisme kenyan enregistrait une croissance à deux chiffres (+16 % en 2007) que le nouveau gouvernement espère retrouver dès l’an prochain, pour ensuite se fixer sur un cap de 10 % par an. Rien sur le terrain ne semble s’y opposer.

Aucun signe de tension dans les zones touristiques
Les 200 journalistes qui ont arpenté les sites touristiques du pays pendant 8 jours n’ont absolument rien vu qui puisse justifier une quelconque inquiétude pour les visiteurs étrangers.Au contraire. La qualité extraordinaire de l’offre, de l’accueil et du service, qui a fait la réputation justifiée de la destination, est toujours au top, les prix restent raisonnables (1) et aucune espèce de tension n’est perceptible dans les hôtels, les lodges et les réserves (2). Les infrastructures n’ont aucunement souffert des troubles de l’hiver, pour la plupart circonscrits à des zones urbaines éloignées des sites touristiques.Les lodges et les hôtels, aux trois quarts vides durant notre séjour, sont prêts à accueillir normalement les flots de touristes espérés et tout le monde forme des vœux pour que la cohabitation politique difficile que le pays se prépare à vivre ne soit pas l’occasion de nouveaux débordements. Pour un peu, les Kenyans, qui ont pourtant la critique politique facile, s’abstiendraient presque de râler devant l’inflation des postes de ministères (92!), qui ont plus que doublé avec l’entrée de l’opposition au gouvernement et risquent de grever encore le budget de l’État.


(1) autour de 1500 euros la semaine avec safari en pension complète et hébergement 4-5 étoiles
(2) les recommandations de prudence maintenues dans les « conseils aux voyageurs » du site du ministère des affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) s’appliquent à des zones non ouvertes au tourisme et aux bidonvilles de Nairobi où, quelle que soit la conjoncture, il est évidemment déconseillé de se promener...