Fran-ci-sseu Ca-brê-leu. Son fier accent de mousquetaire gascon. Son air sérieux et pensif derrière des lunettes d'instit qui lui font de gros yeux globuleux. Son débit mesuré et son souci de ne jamais poëter plus haut que son luth. Sa façon de reculer devant les questions comme un cheval rétif face à l'obstacle. Et puis d'y aller quand même d'une réponse franche et réfléchie. Son amour du travail bien fait et ses chansons « faites maison »... On peut toujours en sourire (lui-même ne s'en prive pas), mais lorsqu'il publie un nouvel album (1), le respect s'impose. « Des Roses et des Orties » contient treize nouvelles chansons qui sont autant d'alternatives au bling-bling général, pour ce qui est sans doute son disque le plus dense, le plus engagé et le plus personnel à ce jour. Extrait d'Astaffort pour les besoins de la promo, l'ermite folk-rock évoque pour nous son « makin of »...
Comment est né ce nouvel album ?
Pour une fois, ça n'a pas été trop compliqué. J'en étais même assez surpris. Je me disais : « C'est louche, ça s'écrit un peu trop facilement ». Normalement, la gestation d'un disque, ce sont des semaines d'angoisse. Là, j'avais pris des notes en tournée, des petites phrases qui sonnent un peu ou qui commencent une histoire. Un « cygne d'étang » par-ci. Un gars qui marche dans le désert, par là... Je me suis arrêté toute l'année dernière pour composer et les chansons sont arrivées facilement, les unes derrière les autres.
De quelle façon composez-vous ?
À la guitare, le plus souvent, ou au piano. Pour les textes, j'utilise les notes que je prends dans un carnet qui ne me quitte jamais. Il peut rester fermé pendant des semaines, mais dés que je trouve des associations de mots ou d'idées qui me paraissent un accident heureux, je les note. Ca dort là-dedans pendant des semaines, et puis un jour ça devient quelque chose. Il n'y a pas d'heure, pas de tempo. C'est un peu au hasard...
Cette fois, les textes paraissent plus intimes, plus engagés. La tonalité est assez grave finalement...
C'est ce qu'on me dit. Ce n'était pas conscient, ni voulu. J'ai toujours fait des chansons un peu engagées. J'ai peut-être un peu forcé le trait cette fois ? C'était pas l'intention en tout cas. C'est peut-être l'époque qui veut ça ? Les prises de positions politiques sont plus brutales, ces temps-ci. Comme je suis un citoyen qui me tient au courant de l'actualité, peut-être que les réactions sont en rapport.
Pourtant, on ne vous a pas beaucoup entendu lors des récents scrutins...
Pourquoi, il y a eu des élections ? (rires) Je ne prends pas position publiquement. D'abord, je ne suis pas assez sûr de moi pour dire que le bon chemin c'est par ici plutôt que par là. Et puis, je n'aime pas l'idée de profiter de sa notoriété pour influencer les gens sur un plan politique.
Vous avez quand même été conseiller municipal à Astaffort...
Pendant douze ans. Dans un petit bled comme celui-là, on voit tout de suite le résultat des décisions, c'est gratifiant. Mais j'ai passé la main. C'était trop prenant, je devais garder du temps et de l'énergie pour faire mes chansons. Je reste quand même impliqué avec les Voix du Sud et d'autres associations que je préside ou copréside. C'est un peu pareil finalement.
Politiquement, qu'est-ce qui peut vous faire sortir de votre réserve ?
Des mots comme « immigration choisie », par exemple. Demander un diplôme aux gens qui veulent venir dans ce pays, je trouve ça brutal, atroce. Comme je le fais dire au héros de la chanson « African Tour » : « Rester chez moi, je veux bien, mais chez moi il n'y a rien ».
Plusieurs chansons parlent de religion, ça vous travaille ?
« Les Cardinaux en costumes », c'est une chanson politique, sur le pouvoir et l'apparence. Mais « Le chêne-liège » et « Des roses et des orties » parlent effectivement de religion. C'est un thème que j'ai déjà abordé, probablement parce que mon éducation catholique m'a marquée. C'était assez rigide à l'époque. J'y reviens aujourd'hui, par rapport à mes enfants. Que leur dire ? Quelles certitudes avons-nous ? N'étant sûr de rien, je fais des petites chansons en espérant laisser derrière moi « plus de roses que d'orties ».
« Mademoiselle l'Aventure » s'adresse sans doute à votre fille adoptive, Thiu ?
C'est la première chanson que j'ai écrite pour cet album... et la dernière que j'ai enregistrée. C'est un texte très personnel, très difficile à chanter pour moi. D'ailleurs, je ne suis pas du tout certain que je la chanterai en tournée. Peut-être que c'est un peu trop intime ? On a vécu dans la discrétion avec ça jusqu'à présent. Je n'ai pas envie que ça devienne n'importe quoi. L'idée, c'était de remercier cette mère que je ne connais pas de nous avoir fait ce cadeau magnifique. J'ai essayé de placer ça sur le plan de l'adoption en général. Plein de gens m'ont déjà écrit pour me remercier de l'avoir fait.
Il y a aussi trois reprises : Creedence, JJ Cale et Dylan. Votre panthéon personnel ?
Creedence, c'est parce que j'étais en manque de rock 'n'roll. Mon souci, c'est toujours de faire une balance entre les choses assez écrites et celles plus organiques, où il n'y a rien à comprendre. On se lève et on danse. Et puis celle-là (« Né dans le Bayou ») parle de la Nouvelle-Orléans. C'était ma manière d'y retourner. Celle de JJ Cale (« Madame n'aime pas ») se moque de mon côté musicien, un peu accaparant. Surtout quand on travaille à la maison... (sourire faussement désolé)
Et celle de Dylan, « Elle m'appartient (C'est une artiste) », qui est cachée en fin d'album ? C'est un clin d'œil à votre camarade Carla ?
Non pourquoi ? À cause de la parenthèse ? C'est amusant je n'y avais pas pensé... J'ai ajouté la parenthèse au titre parce que l'adaptation avait déjà été faite. Et je l'ai cachée parce que c'était la 13e de l'album et que je suis superstitieux. Mais il y a peut-être une intention inconsciente (rires)...
«Les gens formidables » pourrait passer pour une critique du charity-business. C'est étonnant venant d'un pilier des Restos du Cœur, non ?
Aux Restos, on est un peu le contre exemple de l'égoïsme et du carriérisme que je décris dans la chanson. La critique s'adresse plutôt à moi-même. Pour ce que je n'ai pas fait, le courage que je n'ai pas eu, parfois. Les « Actes Manqués » de Goldman, c'est une de mes chansons préférées. On n'en fait jamais assez par rapport aux privilèges qu'on a, on n'est jamais assez généreux...
Vous avez déjà un plan de tournée ?
Non pas encore. Je n'arrive pas à y penser tranquillement. Tout ce que je sais, c'est qu'on attaque en septembre par les Zéniths avec les musiciens de l'album, en formation basse, batterie, guitare, accordéon. Mais je ne sais pas encore combien de chansons du disque trouveront leur place dans la setlist, ni quels anciens titres je retiendrai.
Y a-t-il des chansons que vous ne voudriez plus chanter ?
Non. Je ne chante pas très souvent au fond, alors si on me demande encore de chanter « Petite Marie », je le fais avec plaisir. En tournée, c'est quelquefois un peu mécanique parce quand tu chantes les mêmes tous les soirs, tu ne peux pas être à chaque fois illuminé par la grâce. Mais c'est généralement sur ces chansons-là que le public renvoie le plus d'énergie, alors ça vient tout seul. Je ne refuse d'en chanter aucune en tout cas.
Pour conclure, quelle serait la définition du bonheur selon Francis Cabrel ?
Un bon match de rugby, toute la famille en bonne santé, des enfants tout autour. Le soir, un bon verre de mon vin avec les amis... Mais mon principal plaisir, après tout ce temps, c'est encore de jouer de la musique.
(1) «Des roses et des orties» (Columbia) sortie le 31 mars
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