Le 23 juin 1963, Neil Young enregistrait son premier disque avec son premier groupe The Squires. Un demi-siècle plus tard, le Loner (le Solitaire) est toujours là et bien là. Débordant d’activité et d’inspiration comme jamais, il vient de publier coup sur coup un disque de reprises de standards folks américains (le superbe Americana) , un double album de chansons originales (Psychedelic Pill) et une autobiographie fleuve de presque 600 pages qui, faute d’éclairer beaucoup l’œuvre du barde canadien (il livre peu de chose sur ses influences), permet de mieux saisir sa personnalité, à la fois attachante et agaçante.
Lorsqu’il en entreprend l’écriture, Neil Young, qui vient d' arrêter de boire et de fumer, se demande s'il pourra encore composer en étant clean. Il semble effectivement plus préoccupé par ses collections de voitures vintage, ses trains miniatures et le développement d’un nouveau format de musique digitale en qualité CD (PureTone) que par sa propre musique.L’évocation de sa jeunesse, de ses années de formation et des amitiés musicales qui ont jalonné sa longue carrière a apparemment stimulé sa créativité, puisqu’aussitôt le point final posé, il s’est précipité pour réunir son groupe, le Crazy Horse.

Groupe de crétins
Les plus belles pages de cette autobiographie, aussi brouillonne et désordonnée que l’esprit de son auteur (conséquence d’un abus de drogues sur lequel il ne s’attarde pas?), sont d'ailleurs consacrées à ce « groupe de crétins » (selon l’expression attribuée à David Crosby), avec lequel il a enregistré la plupart de ses chefs-d'œuvre. Il en évoque avec nostalgie les figures disparues (le guitariste Danny Whitten victime d’une overdose pour lequel il écrira « The Needle and the Damage Done », Ben Keith son joueur de steel guitar qu’il se refuse à remplacer, le producteur David Briggs) qui font de lui une sorte de survivant. Young parle aussi avec beaucoup de tendresse de ses enfants handicapés et de Bridge School, la fondation qu’il a créée avec sa femme Pegi pour venir en aide à leurs semblables. Il évoque longuement son amitié pour Stephen Stills (« Mon frère »), avec lequel il connut ses premiers succès au sein de Buffalo Springfield puis de Crosby Stills Nash & Young. Young parle aussi de Bruce Springsteen (« Un grand bonhomme ») et de Bob Dylan, avec lesquels il a conscience de former « une sorte de fraternité silencieuse ».
Après s’être perdu dans des expérimentations qui lui ont valu un procès de sa maison de disques pour non-respect de sa propre identité musicale, Neil Young a eu besoin, comme eux, de revenir aux sources de la musique folk pour retrouver son inspiration. Ce faisant, à 67 ans et même si ses chefs-d'œuvre datent tous des années 70, Neil Young réussit à faire mentir les fameuses paroles de Rust Never Sleeps: « It’s better to burn out than to fade away » (Mieux vaut brûler d’un coup que disparaître à petit feu).
Neil Young, une autobiographie, Robert Laffont, 552 p, 23 € . Album: Psychedelic Pill (Warner)