Le générique d’Amicalement Votre, la série TV qui l’a rendu célèbre en France, pourrait parfaitement illustrer sa nécrologie (Internet ne s’en privera probablement pas).On y voyait défiler, sur la fameuse musique de John Barry, les photos noir et blanc d’un gamin du Bronx, débrouillard et bagarreur, devenu riche et célèbre, mais ne devant sa réussite qu’à lui -même et ayant gardé ses manières de minot des rues. Tel était Tony Curtis, à la différence près que sa richesse et sa célébrité, il ne les devait pas à ses talents d’hommes d’affaires, mais au cinéma et à la télévision où il fit une longue carrière (émaillée de près de 130 films), avant de se retirer dans les années 80 pour se consacrer à ses deux autres passions : la peinture et la photographie. Né Bernard Schwartz, le 3 juin 1925, dans le quartier pauvre du Bronx à New York, de parents immigrants juifs hongrois, Tony Curtis est décédé d’une crise cardiaque mercredi à Las Vegas. Sa vie est une telle illstration de la « réussite américaine » qu’on la croirait tirée d’un des films de l’âge d’or d’Hollywood, dont il fut l’un des acteurs les plus populaires.
Cinéma
Après avoir connu l’orphelinat, la maison de redressement et s’être engagé pour participer à la guerre de 39-45, il attire l’attention dans un cours de théâtre qu’une bourse de l’armée lui avait permis de payer après sa démobilisation. Il obtient son premier rôle sous le nom de Tony Curtis dans un film policier, Criss Cross de Robert Siodmark, en 1949.Suivront Trapeze de Carol Reed qui lui offre un premier vrai rôle dramatique aux côtés de Burt Lancaster, Les Vikings de Richard Fleisher, superproduction qui lui vaut une reconnaissance internationale et Vacances à Paris de Blake Edwards, une comédie romantique dans laquelle il imprime sa marque de séducteur à la belle gueule orientale et aux répliques drolatiques.
Nommé aux Oscars pour La Chaîne de Stanley Kramer en 1958 (film pour lequel il exige que le nom de son partenaire noir, Sidney Poitier soit inscrit aussi gros que le sien sur l’affiche), il triomphe l’année suivante dans le rôle travesti de Certains l’aime chaud aux côtés de Jack Lemmon et de Marilyn Monroe, avec laquelle il a une brève mais intense liaison, comme il le racontait en détails dans un livre consacré au tournage du film publié cette année (1).
Télévision et séduction
Séducteur invétéré, Tony Curtis eut six femmes (dont Janet Leight) et autant d’enfants (dont l’actrice Jamie Lee Curtis). Dans les années 70, sa carrière, qui accusait un certain essoufflement, rebondit grâce à la télévision et notamment à la série Amicalement Votre, où il partage la vedette avec l’ex- Simon Templar (Le Saint) et futur James Bond, Roger Moore. Son personnage de Danny Wilde, faire valoir gouailleur et sympathique, doublé par la voix de Roger Roux dans la version française, finit d’assurer sa célébrité dans notre pays, où il est fait Chevalier des Arts et Lettres en 1995.
Ce fut l’une des rares distinctions de cet acteur attachant, plus soucieux de son public que d’honneurs ou de carrière. Oublié des oscars et de Cannes (ou trois de ses films ont été présentés et où il aimait particulièrement venir), Tony Curtis a tout de même reçu en 2004 la Caméra d’Or du Festival de Berlin pour l’ensemble de sa carrière.

(1) Certains l’aiment chaud! et Marilyn aux éditions Serpent à plumes.