Profitant des facilités financières accordées aux tournages depuis l’ouragan qui a ravagé l’État, Jean-Paul Salomé est allé filmer Le Caméléon en Lousiane, comme l’avait fait avant lui Bertrand Tavernier pour Dans la brume électrique. Les images de bayou, de maisons détruites et de friches industrielles, sur lesquelles s’attarde le réalisateur, donnent au film son rythme et son esthétique déglinguée. Les acteurs américains assurent le reste du dépaysement, avec une Ellen Barkin méconnaissable en mère droguée au bout du rouleau et une Famke Janssen impeccable en femme-flic compatissante mais qui ne lâche jamais l’affaire. Canadien Français, Marc-André Grondin était un choix idéal pour le rôle du serial imposteur Frederic Bourdin (39 usurpations d'identité avouées) puisque, pour être crédible, son personnage devait parler couramment anglais avec une pointe d’accent français. Il apporte à Bourdin-Fortin, une part supplémentaire de mystère et de malaise.
De son côté, outre un réel penchant pour le fait divers (Les Braqueuses), Jean Paul Salomé cultive avec cette histoire, l’un de ses thèmes favoris : la question de l’identité hante la plupart de ses films (Bélphégor, Arsène Lupin, Les femmes de l’ombre). Tout cela serait parfait si le réalisateur ne tenait pas absolument à mettre tous les points sur tous les « i ». Polar noir et moite plutôt réussi, Le Caméléon eut sans doute gagné à garder un peu de son mystère.