À la question "Qu’avez-vous aimé dans Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures ?", les membres du jury ont eu beaucoup de mal à répondre.

Tim Burton, qui avoue avoir découvert cette année l'existence d'Apichatpong Weerasethakul , a parlé d’« un rêve étrange et beau » ; les autres de « belle expérience », ou de « film compassionnel » qui « donne une idée de l’éternité ». « Il est resté en nous », a conclu le président du jury.

Le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul, que l’on surnomme Joe dans son pays pour faire plus court (et Chapi Chapo à Cannes pour faire rire), est tellement éloigné des standards occidentaux qu’il défie l’analyse critique.

Oncle Boonmee est une méditation poétique sur la vie après la mort, dans laquelle les esprits et les fantômes ont autant d’importance que les êtres vivants. Ils peuvent prendre forme humaine ou ressembler comiquement à des clones de Chewbacca dans La Guerre des Etoiles (j'avais titré ma chronique du film dans Nice Matin "Wookie vient dîner ce soir").

On y croise aussi de vieilles princesses à la recherche de leur jeunesse perdue dans une cascade, des poissons chats philosophes et queutards, de jeunes soldats posant avec le wookie et des bonzes défroqués. Le tout sur fond de bruits de jungle et de grenouilles. Comprenne qui pourra ou qui voudra.

Dernière coqueluche en date du Festival de Cannes, Joe éait donné gagnant bien avant le début du Festival par la frange la plus cinéphile de la critique française, déjà bien affolée par son film précédent, Tropical Malady (Prix du jury 2004).

Un esprit aussi curieux et ouvert que celui de Tim Burton ne pouvait qu’être sensible au charme étrange et pénétrant de ce cinéma différent, plus proche de l’installation vidéo d’art contemporain que de la fiction classique.

Mais le grand public risque, une fois de plus, d’avoir beaucoup de mal à comprendre, lorsque le film sortira en salles, le triomphe cannois d’Oncle Joe.