Il a donc fallu attendre le tout dernier moment de la compétition pour voir enfin un film qui ait un peu de souffle et d’envergure. Alors que nombre de festivaliers ont déjà fui la Croisette épouvantés par la vision du monde donnée par les cinéma mondial et frustrés par le niveau très moyen des œuvres en présence, le Russe Nikita Mikhalkov récompense l’assiduité des plus endurants avec un film enfin digne des fastes déployés par le plus grand Festival de cinéma du monde.
On pouvait pourtant craindre une nouvelle fois le pire puisqu’il s’agissait à la fois d’une suite (seize ans après Soleil Trompeur, Grand Prix 1994), d’un film de guerre et d’une vaste fresque historique destinée à être déclinée en quinze volets pour la télévision Russe. Si l’on ajoute que Soleil Trompeur 2 l’exode était précédé sur la Croisette d’un buzz plutôt déplaisant selon lequel il s’agissait d’un film pro Stalinien, mal accueilli dans son pays ou Nikita Mikhalkov traîne une réputation de réalisateur trop proche du pouvoir, on comprendra que l’on était plutôt crispé et sur la défensive en s’installant dans la salle Lumière pour la dernière projection de presse.
Et là : surprise! Malgré la longueur de son film (2h30, et ce n’est qu’un premier volet) et quelques facilités, Mikhalkov nous embarque dès la première scène (effectivement très pro-stalinienne puisque le petit père des peuples, l’air déjà un peu gâteux, finit la tête la première dans la crème d’un gâteau à son effigie), dans les aventures du général Kotov (joué par lui-même).
À la fin de Soleil Trompeur, Kotov, héros de la révolution devenu ennemi du régime, finissait dans un camp de travail. Il s’en évade en 1941, à la faveur de l’invasion allemande.Considéré comme mort par l’administration, il se retrouve enrôlé comme simple troufion dans un bataillon disciplinaire et envoyé au front. Persuadé que sa femme et sa fille sont mortes, il est résolu à y mourir lorsque, par le plus grand des hasards, il retrouve trace de sa fille. Après bien des aventures, celle-ci s’est engagée comme infirmière et soigne les blessés sur le front en espérant y retrouver son père. Trois ans plus tard, l’officier du KGB, qui avait fait arrêter et condamner Kotov pour lui voler sa femme, reçoit l’ordre de le retrouver par Staline en personne...
Mikhalkov croise les recherches de ses trois personnages principaux sur trois années de guerre et réussit une fresque épique époustouflante sur l’absurdité et les horreurs de la guerre.
Si ce film-là ne reçoit pas un prix majeur, alors oui il faudra désespérer de Cannes pour de bon.