Premier film français (et premier film tout court) en compétition, Tournée de Mathieu Amalric place d’emblée la barre à une hauteur quasiment inespérée.
Il y a du Fellini (si!) et du Cassavetes (yes!) dans ce road-movie déglingué, qui suit une troupe américaine de New Burlesque (stip tease amélioré, façon cabaret) dans une tournée de province (Le Havre, Brest, Toulon...) fauchée et chaotique, montée par un ancien producteur de télévision parisien à la ramasse au nom de dompteur de cirque, Joachim Zand (Mathieu Amalric tout en moustaches, cheveux filasses et costumes cintrés).
Malgré les hôtels de seconde zone, leurs musiques d’ascenseurs (gag récurrent) et la maigreur des cachets inversement proportionnelle aux rondeurs des danseuses, ces showgirls tatouées et pétulantes, inventent au quotidien un monde d’insouciance, de fantaisie et de fête permanente, pendant que leur producteur marron se débat dans ses problèmes de salle, de billetterie et de famille (Évidemment divorcé, il n’a d’autre choix que d’embarquer ses deux petits garçons sur la route pendant leurs vacances).
Leur rêve commun d’achever la tournée en apothéose à Paris vole en éclat quand un « vieil ami » de Joachim lui refuse finalement la salle qui lui était promise. Un aller-retour nocturne dans la capitale pour tenter d’arranger l’affaire va tourner au fiasco pour Joachim et raviver les plaies du passé...
Habitué de Cannes comme acteur (il y a notamment accompagné Comment je me suis disputé en 1996, Le scaphandre et le papillon en 2007 et Les herbes folles l’an dernier) et comme réalisateur (La chose publique, son avant dernier film, a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs), Mathieu Amalric entre dans la cour des grands avec ce quatrième long-métrage en compétition officielle.
Pour ce faire, il a débauché une véritable troupe de New Burlesque et l’a dirigée, caméra à l’épaule dans les conditions d’une véritable tournée de province durant laquelle les actrices ont en fait joué leur propre rôle et exécuté leurs numéros.
Inspiré d’un texte de Colette (L’envers du Music-hall), dans lequel l’écrivain racontait sous forme de feuilleton sa vie d’actrice de pantomime un brin scandaleuse (« Nous courrons, pressés bavards, avec des cris de volaille, vers l’illusion de vivre très vite, d’avoir chaud, de travailler, de ne penser guère, de n’emporter avec nous ni regret, ni remords, ni souvenir...»), le film est une réussite presque totale. Il pourrait valoir à l’équipe une moisson de prix (mise en scène et interprétation féminine collective), les références « felliniennes » (La Strada, Ginger et Fred) et « cassavetiennes » (Opening Nights, Love Streams, Meurtre d’un bookmaker Chinois), rehaussées d’un soupçon de Nouvelle Vague , n’étant sûrement pas pour déplaire au jury de Tim Burton. Champagne!