Dans un pays d'Afrique au bord de la guerre civile, la plantation de café de Maria (Isabelle Huppert) est assiégée par des troupes rebelles composées d'enfants soldats, qui rackettent et massacrent les habitants. Maria, qui exploite la plantation avec son ex-mari André (Christophe Lambert) et leur fils (Nicolas Duvauchelle), refuse de partir, malgré les injonctions de l'armée régulière et contre l'avis d'André qui préfererait la céder au maire du village et rentrer au pays...
Claire Denis, dont c'est le quinzième long métrage, a écrit White Material pour Isabelle Huppert. Elle s'est faite aider par la romancière Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009 pour Trois Femmes puissantes. Isabelle Huppert leur avait demandé d'adapter "Vaincue par la brousse" de Doris Lessing, mais les deux femmes se sont plutôt inspirées (très librement) de "Disgrace" de J.M Coetzee.
Toute ressemblance avec "Un barrage contre le Pacifique", dans lequel Isabelle Huppert jouait une propriétaire de rizière s'accrochant à son exploitation malgré la faillite, est forcément fortuite puisque White Material a été tourné avant (mais sort après, comprenne qui pourra). Le film de Claire Denis est d'ailleurs beaucoup plus réussi que celui de Rithy Panh, dans un style pourtant plus abstrait et difficile à maitriser. On peut même légitimement penser que c'est le chef d'oeuvre de la réalisatrice de "Chocolat" et de "Trouble Every Day" tant, cette fois, le résultat frise la perfection. Réalisme et onirisme s'y entremèlent savamment pour donner, non pas une vision, mais une sensation de l'Afrique.
Injustement ignoré à la Mostra de Venise, "White Material" est le premier choc cinéphilique de l'année. Huppert y est comme toujours : géniale et insupportable. Voici ce qu'elle m'en a dit...



Comment se fait-il que vous ayez joué coup sur coup quasiment le même rôle dans deux films différents: Barrage contre le pacifique et celui ci?
Ca m'a amusée de voir les correspondances quand j'ai reçu le scénario du Barrage après celui de Claire. Dans Home aussi je joue une femme qui s'accroche. Du coup plutôt que de choisir ou de n'en faire aucun, j'ai décidé de les faire tous les trois! (rires)



Comment jugez vous l'entêtement de Maria?
Je ne le juge pas. Pour moi c'est de la résistance , pas de l'entêtement, ni de la folie, même si celle-ci permet parfois de faire bouger les lignes. Je la vois plus du côté de l'espoir que de la folie. C'est le monde autour d'elle qui est fou, pas elle. J'aime aussi qu'elle n'ait pas de regard compassionnel, ni politiquement correct sur l'Afrique. Elle est dans le concret : elle doit sauver son exploitation et son fils, tout le reste est accessoire.



Quel est le secret de votre carrière sans faute?
La volonté et la disponibilité. Si Woody Allen vous propose un film vous pouvez choisir de partir en vacances avant ou après le tournage. Si Jacques Audiard me proposait de faire La Prophète, j'irai aussi.



Une question me tarabuste depuis Cannes l'an dernier: comment se fait-il que le film de Gaspard Noe (Enter the Void) n'ait pas été au palmarès compte tenu des choix de votre jury?
Certains films prennent tellement de place que, finalement, ils ne trouvent pas de place... (sourire sibyllin).