190 000 spectateurs en deux jours, samedi et dimanche, dans un Stade de France plein comme un œuf. Près de 55 000 attendus ce soir à Nice... Qui dit mieux? Personne.U2 confirme en 2009 son statut de « plus grand groupe de rock du monde » encore en activité. Le nouvel album (No Line On The Horizon), pourtant, a divisé les fans : trop intimiste, pas assez « punchy », aucun hit évident. Qu’en serait-il de la tournée? L’annonce du 360° Tour, avec son budget pharaonique de 150 millions de dollars (le plus important à ce jour pour le groupe) et sa scène centrale « révolutionnaire », a suffisamment rassuré les fans pour déclencher un nouveau record de réservations. Les trois dates françaises ont été bookées en quelques heures à peine. Restait à voir ce que cela allait donner en stade.
Après deux dates de rodage à Barcelone et Milan, la caravane du 360° Tour (390 tonnes de matériel, 180 camions!) s’est donc posée ce week-end au Stade de France où l’on a pu enfin découvrir la fameuse scène, que le groupe a baptisée « The Claw » (La Griffe) et que Bono décrit, selon l’inspiration comme « un engin spatial conçu par Gaudi » ou « cette chose... Quelle qu’elle soit »... On pouvait déjà en apercevoir l’horrible superstructure verte et orange dépassant du toit de Nikaïa lundi matin (nos éditions d’hier) : une sorte de pince à glaçons de 50 mètres de haut dont les pieds, fichés dans la pelouse, supportent les enceintes. Les éclairages et les écrans video sont suspendus en cercle tout en haut de l’édifice. Au centre, se trouve une scène circulaire d’assez petite dimension, doublée d’un « chemin de ronde » (catwalk) plus large qui enserre la fosse réservée aux fans (Red Zone).Le groupe y accède par des passerelles métalliques rotatives pour déambuler à sa guise autour de la scène. Mais dans les faits, seuls Bono et The Edge l’utilisent réellement.

Peu fonctionnel
La « griffe » est transpercée en son centre par une sorte de fusée lunaire qui pointe son nez vers le ciel et fume parfois de manière inquiétante. L’ensemble rappelle un peu le fameux « Citron » du PopMart Tour, en plus moche si c’est possible.
Surtout, le dispositif conçu par Willie Williams, s’il permet de caser plus de monde sur la pelouse (U2 devrait battre à Nice son propre record de fréquentation), se révèle assez peu fonctionnel du point de vue du spectateur.
Les écrans perchés trop haut obligent à se démonter les cervicales pour voir les images des membres du groupe qui, filmées en très gros plans, sont loin d’avoir la qualité de celles du Vertigo Tour. Certes, en fin de concert, les écrans glissent sur leur axe pour descendre vers la scène et l’ensemble s’étire alors comme un bas de laine. L’effet est assez spectaculaire et coloré... mais on ne voit plus les images du groupe!
Le concept fait aussi que, de face et de côté, le regard du spectateur traverse la scène pour se perdre dans les gradins, sans rien pour l’arrêter comme avec un fond de scène classique.Pire : de l’arrière, on ne voit que le backstage et le dos des musiciens, qui n’y font que de trop rares incursions! Fort heureusement, la disposition du stade Charles Ehrmann, avec la scène adossée au Nikaïa, évitera ce problème.
Côté son, les nouvelles ne sont pas terribles non plus.La disposition circulaire des enceintes, sur les pieds de La Griffe, semble nuire à la qualité de diffusion dans le stade. A Paris, les trois quarts des titres étaient noyés dans une bouillie sonore d’où peinaient à émerger la voix de Bono et la guitare de The Edge. On espère, là encore, que la configuration et la taille plus réduite du stade de Nice permettront une nette amélioration.
Reste la question de la setlist, qui fait une (trop?) large place au nouvel album (6 titres) et oublie quelques hits pourtant incontournables pour les fans. Le show est, par ailleurs, encombré d’interludes et d’hommages sans grand intérêt (Medley Michael Jackson, connexion vidéo avec la station spatiale internationale, prêche de Mgr Desmond Tutu, hommage à Aung San Suu Kyi...), qui l’empêchent de vraiment décoller, alors que le groupe se donne toujours à fond et que Bono n’a rien perdu de ses qualités de performer hors-norme.
On espère donc que ces défauts seront corrigés ce soir à Nice, où les « Irlandais d’Eze » joueront comme à domicile.U2 y avait donné en 2005 l’un des meilleurs concerts de la tournée Vertigo, laissant un souvenir impérissable à ceux qui y ont assisté. Une bonne raison d’espérer... ou de se préparer psychologiquement à être un peu déçu.