Appelez-la « madame la présidente ». Le 13 mai prochain, Isabelle Huppert montera la première les marches du 62e Festival de Cannes, dont elle a accepté de présider le jury après Sean Penn, l'un des rares acteurs dont elle avoue ouvertement admirer le travail. « Isabelle, on est sûr qu'elle fera le boulot » dit d'elle Gilles Jacob, qui la connaît bien et depuis longtemps. L' « Huppert présidente », telle qu'on la surnomme déjà, pour souligner les hautes qualités qu'on lui prête (intelligence, détermination, contrôle...), a effectivement un côté « bon petit soldat » du cinéma d'auteur français qui ne peut que rassurer les partisans d'un festival auteuriste et cinéphile... et inquiéter les autres ! Habituée de Cannes, où elle a reçu deux prix d'interprétation et dont elle a été jurée (l'année de Paris- Texas, une référence), Isabelle Huppert avoue pourtant ne pas savoir encore elle-même exactement quelle présidente elle veut être mais assure en tout cas qu'elle respectera la démocratie et ne donnera pas de consignes.
D'ici là, on la verra (le 8 avril) dans Villa Amalia, l'adaptation du roman de Pascal Quignard par Benoît Jacquot, dans lequel elle joue Ann Hidden, une pianiste trompée, qui organise méthodiquement sa disparition et abandonne son art pour s'inventer une autre vie. Un rôle « Huppert classe », dont on n'imagine pas qu'il eut pu être tenu par une autre...
C'est votre cinquième film avec Benoît Jacquot, vous avez tourné sept fois avec Chabrol... Qu'est-ce qui vous pousse à une telle fidélité ?
J'aime infiniment tourner avec Benoît Jacquot, qui est attentif aux acteurs en général et à l'actrice que je suis en particulier. Il y a une entente tacite très grande entre nous. Les choses vont vite et c'est très plaisant dans un métier où elles vont plutôt lentement d'ordinaire. Il y a une immédiateté extrêmement réjouissante comme des enfants qui veulent jouer ensemble. On dit « on joue à la marelle » et on joue. C'est aussi simple que cela. Benoît Jacquot fait partie, avec Chabrol et Haneke, de ces réalisateurs auxquels je dis oui sans même avoir besoin de lire un scénario, parce que je sais qu'ils m'offrent la possibilité d'être pleinement moi-même et de faire mon film au milieu du leur.
Le personnage d'Ann Hidden est, il faut dire, particulièrement « Huppertien », non ?
Elle est très proche de moi, c'est vrai, dans son apparence et son expression. Dans ce cas, on n'a l'impression de ne pas faire grand-chose. J'ai même tellement eu le sentiment de ne pas jouer que j'ai été surprise de la densité du jeu en voyant le film. Le cinéma a cette capacité d'imprimer des choses qui vous échappent. On est dans la maîtrise et l'abandon à la fois. Le récit parle d'ailleurs beaucoup de ça.
Comment expliquez-vous son attitude « abandonniste » ?
Elle est condamnée au mouvement. Si elle reste, elle meurt. Cela explique la radicalité avec laquelle elle met en œuvre sa disparition. C'est quelqu'un qui passe de l'enfance, à la mort. Elle ne peut pas traverser l'âge adulte.
C'est encore une pianiste : voyez-vous une correspondance entre vos différents rôles ?
Il y a des personnages qui sont des expressions plus intériorisées ou extériorisées de ce que je suis. Dans ceux qui sont plus de l'ordre de la confection, il y a effectivement comme une résonance. Gabrielle, par exemple, était aussi un rôle trés introspectif, mais j'ai quand même du mal à les comparer. Dans Villa Amalia, l'utilisation de la musique et de son métier est très différente de celle de La Pianiste. Chez Haneke, c'était une métaphore du sentiment amoureux qui ne pouvait pas égaler sa perception de la musique. Là, au contraire, c'est quelqu'un qui se débarrasse du matériel, mais aussi de ce qui constitue sa vie spirituelle. Elle veut effacer sa vie. La musique fait appel à des choses trop bouleversantes pour elle. Elle a besoin de garder ces émotions pour sa nouvelle vie. Elle cherche une réponse extérieure alors que l'expression artistique c'est très intérieur. Si j'abandonnais tout, je ferais sans doute comme elle. J'aime l'idée de mettre de côté la création, momentanément au moins. Qu'elle ne soit pas incontournable...
Cela vous a déjà effleuré l'esprit de tout quitter et de disparaître ?
L'idée ne me séduit pas plus que ça, mais je la crois constitutive de la nature humaine. On supporte tous ici parce qu'on imagine qu'il y a un ailleurs. Cela peut rester un état mental ou induire, plus rarement, un passage à l'acte.
Une vie d'actrice n'offre-t-elle pas des occasions de changer facilement de vie ?
Si bien sûr. Ce rôle peut se voir comme une métaphore de la condition d'actrice : elle change de vie, de cadre, de costumes, de coiffure... Et il y a ce refus de quitter l'enfance, qui est évidemment très en relation avec le métier de comédien. Mais d'une certaine façon, être condamnée au changement permanent, ça peut aussi lasser au point qu'on veuille s'en extraire. Jouer c'est un moment très préservé, très intime mais aussi très court. Le moment où on est vraiment acteur ne dure qu'entre « action » et « coupez ». Et il est conditionné par tellement de choses auxquelles on aimerait échapper...
Y-a-t-il aussi des rôles dont on a du mal à se débarrasser ?
Je fais plus difficilement le deuil du tournage que du personnage. On a créé des liens, traversé des moments agréables ou difficiles, et puis, du jour au lendemain, c'est fini. On ne se reverra peut-être jamais. « Quitter le rôle », en « faire son deuil », ça ne m'évoque rien. Je joue pour me séparer du personnage, justement. C'est une sorte de compte à rebours : je commence par me remplir du rôle, puis je m'en délivre, morceau par morceau. L'analogie entre la délivrance d'un rôle ou d'un enfant est assez forte. En anglais, le mot est d'ailleurs le même pour jouer et enfanter on dit « to deliver ».
Comment préparez-vous vos rôles ?
J'aime m'appuyer sur le physique, parce que j'ai coutume de dire qu'avant la métaphysique il y a le physique. Pour ce film, en particulier, j'ai fait un gros travail sur le corps parce qu'il me semblait que les portes d'accès au personnage étaient particulièrement physiques. J'ai nagé tous les matins et pratiqué le piano.
Et celui de présidente du Festival de Cannes comment l'imaginez vous?
C'est effectivement un rôle auquel je pense, que je dois remplir de quelque chose, mais je ne sais pas encore de quoi.
Dans le livre de Gilles Jacob, Francis Ford Coppola donne un mode d'emploi dont vous pourriez peut-être vous inspirer ?Oh non, surtout pas de consignes ! Je ne dirais pas ce qu'il faut faire. Présidente du jury, ce n'est pas un pouvoir absolu. Chacun est libre de s'exprimer. Mais il est difficile d'affirmer quoi que ce soit tant qu'on n'a pas les éléments
essentiels à cette aventure : le jury et la sélection...
Quels souvenirs gardez-vous de vos participations au Festival ?
Je retiens surtout mes prix d'interprétation, évidemment. Sinon, aller au Festival pour présenter un film, c'est très gai, ça fait un peu peur, c'est excitant. Faut pas, non plus, que ça dure trop longtemps. Trois jours, c'est un maximum quand vous avez un film en compétition. C'est un tel faisceau d'attention qu'on supporte mal qu'il soit aussitôt dirigé sur quelqu'un d'autre dès le lendemain. Mieux vaut partir rapidement ! (rires)
Quel rapport avez-vous avec votre image d'actrice intellectuelle et insaisissable ?
Ca me convient, mais ce n'est pas aussi maîtrisé que ça. C'est plus un fait qu'une stratégie. Je n'ai pas fait beaucoup d'efforts à faire pour ça. L'image publique que l'on a est très conditionnée par les films qu'on fait. Si je n'avais tourné que dans « Les Bronzés », on aurait sans doute une autre image de moi...
Vos choix de carrière suscitent l'admiration générale. Comment faire pour ne pas se tromper ?
Je fais des films dont le scénario me plaît, avec des gens dont je crois au talent. Quand Chabrol, Haneke ou Jacquot vous réclament, il n'y a pas beaucoup de questions à se poser. Mais je fais aussi beaucoup de premiers films. Aucun altruisme là-dedans : il n'y a pas d'âge pour être un grand metteur en scène. Je choisis seule mes rôles. De toute façon, on est toujours plus seul qu'on ne le croit...
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