Deux hommes discutent, ensemble, à l'entrée d'un foyer d'asile pour réfugiés.

Blaise - Tu sais quoi , la vie, moi, elle ne m'a pas gâté !

Modeste - Mais … de toute façon, tu ne lui avais rien demandé … Non ?


Blaise - C'est vrai ! J'avais tout pour moi … Des parents qui m'aiment

et une bonne situation … J'étais heureux quoi ! …

Modeste - Oui ! Et à t'entendre, c'était la belle vie pour toi ! C'est ça …

Là-bas, tu n'avais pas à te plaindre … Tu n'avais pas de soucie d'argent

ni de chercher à savoir ce que tu allais pouvoir faire demain …


Blaise - J’admets que tu as raison mais je ne savais pas, moi, que

j'étais un enfant
privilégié … Je ne savais pas non plus que ce bonheur

que je vivais, il
allait disparaître, du jour au lendemain, après cette

maudite guerre civile ...


Modeste - Tu vois, moi, je ne sais pas si, un jour, je vais pouvoir arriver

à te
comprendre … Oui … Et si je peux avoir un peu de pitié pour toi …


Blaise - Pourquoi tu me dis ça ? …

Modeste - Parce que moi, cette guerre, je l'ai tellement souhaité ! …

Oui. Là-bas,
au pays, je n'avais pas de réelles attaches et, surtout,

vraiment rien à
perdre … Non … J'ai prié pour qu'une révolution puisse

mettre à mal
notre pays gangréné par l'argent et la pauvreté …


Blaise - Ah ! … Mais … Mais ne me dis pas que tu as participé à ces

tueries
et ces massacres ? … Hein !?



Modeste - Non ! … Moi, je voulais, juste, faire la révolution … et

aujourd'hui, je me
retrouve, là en France, dans ce nouveau pays et je

voudrais croire que
ce destin soit une chance … Une chance pour moi

de faire page
blanche et de réussir, enfin, ma vie …


Blaise - Eh ben ! … Toi, tu as le moral ! Moi, je n'ai plus rien, plus de

famille et
je me sens comme perdu ici ...

Modeste - Tu vois, cette guerre … Elle n'a pas eu que des mauvais

côtés …
Elle nous as permis de nous rencontrer … Qui sait, il faudrait,

peut-être,
que l'on travaille ensemble pour construire, demain, une

nouvelle vie ? ...


Blaise - Tu crois ? ...

Modeste - Oui ! … Malgré tout ce qui nous ait arrivé, être heureux est

recommandé
par tous les temps Monsieur Blaise
*** ...


Blaise - Amen alors Monsieur Modeste ...

Modeste - Si tu le penses vraiment, alors j'ai aussi envie d'y croire …

...


Mars 2012
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A partir de l'extrait ***
du roman d'Anne-Laure Bondoux
"le temps des miracles"
aux Ed. Bayard