La France. Je viens d'arriver en France, dans ce beau pays. La France, c'est d'abord pour moi Marseille et son grand port de pêche.

Il y a quelques jours, ma famille avait fini par me convaincre qu'il fallait que je parte, que je quitte mon pays pour rejoindre l'Europe et la France. Après bien des péripéties, c'est là à Marseille que j'ai atterri.

J'étais là depuis quelques heures à me promener dans les rues avoisinant ce port. Il y avait près de moi des gens assis sur des tapis en train de discuter ensemble. Après quelques hésitations, je me suis décidé à venir à la rencontre de ces heureux habitants.

- Pardon Madame, j'ai plein de questions dans ma tête … Est-ce que je peux vous en poser une ?

- Bien sûr répond Gloria, tu peux toujours essayer d'en poser une …

- Est-ce que tous les gens sont riches, en France ?

Gloria a la figure rouge sous son foulard. Quand elle parle, un nuage sort de sa bouche. Depuis quelques semaines, un hiver rude et un vent froid du nord s'étaient installés dans les rues de la cité phocéenne.

- Tu t'appelles comment mon garçon ?

- Koumaïl ! madame

- Tu vois Koumaïl, on est là à Marseille, grand port de pêche mais aussi la porte d'entrée pour l'émigration en France depuis des dizaines d'années.
C'est dans cette ville lumière et port phare de la Méditerranée que sont passés et parfois venus s'installer des générations d'immigrés.

Il y a quelques années, moi Gloria, j'ai fui la guerre et une mort certaine pour arriver en France et c'est dans cette cité bigarrée que je suis venue poser mes sacs et tous mes espoirs sur ce trottoir pour me retrouver à mendier …

- Et tu as du rencontrer des gens riches ?


- Qu'est ce que tu appelles riche, Koumaïl ? Dis moi ?

- Ben, je ne sais pas … Par exemple, est-ce que les gens donnent des pièces quand on tend la main ?

- De l'argent, moi je n'en ai pas eu beaucoup. Des pièces, cela me fait surtout penser à ces passeurs qui m'avaient bien fait comprendre et payé au prix fort l'idée que l'avenir, mon avenir se trouvait là-bas de l'autre côté de cette mer océan.

- Alors, ils donnent quoi les gens ?

- Ils donnent des billets, affirme-t-elle.

- Oh, dis-je, très impressionné. OK !

- Tu ne devrais pas Koumaïl … Ils nous donnent des billets oui, des billets doux avec lesquels ils portent plainte contre nous et font faire des demandes d'expulsion … Oui, Koumaïl, on n'est pas le bien venu ici ...
Cela fait dix ans déjà que je suis là et tu vois moi, je n'en suis pas fier , ça non … Et si c'était à refaire Koumaïl, je crois que je ne serais pas partie …


Mars 2012

Dialogue écrit d'après le roman de Anne-Laure Bondoux
"Le temps des miracles" Editions Bayard jeunesse