Journée culturelle : cet après-midi j’emmène les enfants au musée Robert Tatin. Bastian était intéressé et a voulu venir avec nous, du coup c’est lui qui conduit (mais pas le Master, un autre qui a neuf places et non pas six) : c’est très bien comme ça !
Ce musée a une histoire très particulière : il est axé autour de la maison dans laquelle Robert Tatin a passé les 21 dernières années de sa vie, avec sa femme, Lise.
Né en 1902 à Laval (donc pas très loin du musée), il est parti pour Paris à l’âge de seize ans. Il a exercé de nombreux emplois (charpentier, décorateur, peintre en bâtiment, mosaïste…), tout en suivant de multiples formations artistiques (arts plastiques, émaux, peinture, sculpture, céramique…).
Après la seconde guerre mondiale, il a côtoyé de nombreux artistes, et on sent effectivement dans ses œuvres que ses références à d’autres artistes sont permanentes. Mais assez parlé de lui, je vais essayer de vous présenter ce que nous avons vu, et si possible de façon un peu moins ennuyeuse que la guide qui nous a pris en charge. Le problème c’est qu’elle savait plein de choses, mais elle débitait ça de façon assez plate. Pour Bastian et moi ça pouvait encore aller, mais c’était vraiment trop compliqué et pas assez vivant pour les enfants…
Le cœur du musée est donc la maison de Robert Tatin, baptisée « La maison des Champs » par ce dernier, mais il y a bien des choses à découvrir avant d’y arriver.
Nous nous engageons tout d’abord dans « L’allée des Géants ».

Ce qui était avant un chemin communal a été bordé de vingt statues, construites sur place par Robert Tatin. Leur structure est faite de parpaings recouverts de ciment : il les a ensuite peintes afin de leur donner un aspect granitique.
En réalité, il n’y en a plus aujourd’hui que dix-neuf car l’une d’elle a été heurtée par un camion en 1976 et Robert Tatin a préféré la détruire. On entre tout d’abord dans l’Histoire de France, accueillis par les statues de Vercingétorix et Jeanne d’Arc.


Notre guide nous explique que le cheminement dans l’allée peut être interprété comme un cheminement dans la vie de Robert Tatin. Ainsi, l’Histoire de France et ces deux grands personnages symboliseraient ses années sur les bancs de l’école, tout comme les deux statues suivantes, qui semblent nous indiquer qu’être est préférable à avoir. La possession est un peu inquiétante, avec ses yeux et sa bouche qui voudraient tout engloutir !


Viennent ensuite Sainte Anne, la Vierge de l’Épine (référence aux questionnements mystiques) et le Maître Compagnon qui évoque son parcours professionnel.


La seconde partie de l’allée est un hommage au monde de l’art des 19ème et 20ème siècles. On y croisera entre autres André Breton, Gauguin, Alfred Jarry, Toulouse-Lautrec, Jules Verne, Pablo Picasso…


N’oublions pas non plus les femmes, très présentes, qu’elles soient artistes, mères, muses…
Seurat semble tout petit dans les jupons de celle qui pourrait être Madeleine Knobloch (sa compagne, dont l’existence n’a réellement été connue par la famille de Seurat que lorsqu’il est mort, à 31 ans, de diphtérie). Considéré comme un pionnier du pointillisme, il a vécu à la fin du 19ème siècle, à Paris.


Suzanne Valadon a tout d’abord été modèle, dans le Montmartre de la fin du 19ème siècle. Elle se mettra peu à peu à la peinture et sera reconnue de son vivant. Elle a eu un fils naturel à l’âge de dix-sept ans, Maurice Utrillo, qui deviendra peintre à son tour.


Ci-dessous la statue « Les mystères de la nuit et Leonor Fini », hommage à cette artiste qui adorait les chats, d’où cette représentation.


L’Allée des Géants nous mène à La Porte des Géants, qui représente les cinq grands peintres privilégiés par Robert Tatin : Rembrandt, Van Gogh, Léonard de Vinci, Goya et Delacroix. Remarquez au passage les femmes devant eux, une fois encore très présentes.


Nous passons ensuite devant Le Dragon, qui représente l’entrée symbolique du cœur du musée. Robert Tatin avait projeté d’en faire l’entrée réelle : les gens se seraient glissés dans sa gueule pour pénétrer dans le musée. Mais apparemment le projet était un peu compliqué à mettre en œuvre et a été abandonné…


Notre guide nous emmène ensuite visiter la maison de Robert Tatin, qu’il a voulue comme étant le cœur du musée, et où il a habité jusqu’à sa mort en 1983, en compagnie de sa jeune épouse Lise, surnommée par lui Liseron.
Il est enterré ici, les enfants trouvent ça un peu bizarre, d’être « enterré comme ça dans son jardin, dans un musée » ! Sur la pierre tombale, on peut aussi lire « Liseron », mais avec uniquement sa date de naissance car elle est encore vivante (ils avaient me semble-t-il une trentaine d’années de différence). Lorsque Robert Tatin est mort, Lise a décidé de quitter la Maison des Champs. Tout y restera en l’état : meubles, livres… Impressionnant ! J’ai été particulièrement marquée par la salle à manger : les chaises ont été fabriquées à partir de poutres puis paillées par un artisan local, ce qui fait qu’elles ont des pieds d’une largeur démesurée par rapport à leur taille : très marrant visuellement. Malheureusement aucune photo de cette visite, car elles étaient interdites.
À un moment, après dix bonnes minutes de visite de la maison, Hubert vient me voir, visiblement pensif : « C’est la maison de Robert Tatin, là ? » me chuchote-t-il, impressionné. J’acquiesce. Il reprend, perplexe : « Mais… C’est quand qu’on va le voir ? » Trop drôle… Je lui explique qu’on ne va pas le voir, qu’il n’habite plus ici parce qu’il est mort. Devant son air attristé, j’ajoute « Mais ce n’est pas grave, tu sais, il est mort il y a plusieurs années et il était très vieux, c’est qu’il était né il y a très très longtemps ! »
Après cette visite, notre guide nous laisse dans le « Jardin des Méditations » : il est organisé autour d’un bassin central dans lequel les enfants seront ravis d’apercevoir des poissons ! Autour du bassin, des petites statues représentent les douze mois de l’année. J’aime beaucoup ces deux éléphants :


Tout autour, des escaliers mènent sur une sorte de « chemin de ronde », mais l’accès est interdit. Quoi qu’il en soit, j’adore les décorations sur les contre-marches.


Autour du bassin, on peut également pénétrer dans quatre salles d’exposition qui présentent essentiellement les nombreux tableaux de Robert Tatin, mais aussi des céramiques, des sculptures, des lithographies et même des vêtements, car il en a dessiné un certain nombre. Ses peintures sont très « compliquées », très denses, avec une multitude de petits détails. Je resterai notamment en arrêt devant la suivante (cliquez dessus pour l'agrandir parce que là on ne voit pas grand-chose ! ) :


Les couleurs me plaisent particulièrement, c’est vif, gai, vivant. D’une façon générale, les autres tableaux ont des couleurs un peu plus « ternes », plus neutres. Ce sont plutôt des grands formats (il y a pas mal de 130 X 195 cm). Il y en a beaucoup et les enfants commencent à en avoir un peu marre, surtout Hubert et Firmin qui s’excitent. J’observe un tableau avec Firmin et lui demande pourquoi celui-là lui plaît. Il ne sait pas trop, et remarque soudain qu’on voit beaucoup les seins des femmes. Et comme c’est effectivement très présent, chez cet artiste, il passera toute la fin de notre visite à nous les montrer dès qu’il en voit, en disant « Des seins, des seins, des seins ! »… ce qui fait beaucoup rire les autres, bien entendu… En même temps il n’a pas tout à fait tort, comme on peut le voir avec le tableau suivant :


Intitulé « Le cirque », il mêle un univers plutôt gai et aérien à un autre nettement plus inquiétant. On pense qu’il a été inspiré à Robert Tatin par ses jeunes années, pendant lesquelles son père a travaillé dans le milieu forain. Évidemment, la thématique du tableau fait que les enfants vont bien accrocher dessus.
Une dernière petite photo dans une des salles d’exposition (on n’avait pas trop le droit, d’ailleurs !…) et nous repartons.


Nous traversons un pré, le Champ des Sculptures, où sont présentées des sculptures offertes par des artistes se sentant proches de Robert Tatin et ayant exposé dans son musée. Nous ramassons quelques feuilles avec Gabrielle, puis d’autres « trésors » (noix, noisettes, glands) avant de retourner au chapiteau.

Plus j'y pense, plus je me dis que ce mode de vie est chouette pour ces enfants. Ils en retiendront ce qu’ils veulent, mais c’est un terreau très fertile qui les enrichira à coup sûr.