Grâce à votre mère, vous aviez déjà quitté Budapest, votre ville natale, quand un Suédois espérantophone, écrivain et journaliste, y accomplissait des actes héroïques et sauvait de nombreux Juifs des griffes nazies : Valdemar Langlet, pionnier de l'espéranto en Suède. Plusieurs ouvrages en suédois lui sont consacrés, en particulier "Kaos i Budapest" de Nina Langlet. Traduit en espéranto par Kalle Kniivilä, reporter au "Sydsvenskan".

C'est aussi à Budapest que vécut Tivadar Soros, l'éditeur de "Literatura Mondo" la plus prestigieuse revue d'espéranto, père du financier George Soros.

J'aime Budapest, une très belle ville que je n'ai malheureusement visité qu'une fois et où j'ai pu avoir des échanges mémorables, en particulier lors d'une visite chez Károly (Karlo) Fajszi, un homme passionné et passionnant à qui l'on doit l'une des plus belles collections d'ouvrages, de documents et d'objets liés à l'espéranto. Si j'avais dû me forger une idée de la Hongrie et des Hongrois seulement à travers l'image de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa ou de Viktor Orban, l'évocation du nom de ce pays me donnerait la nausée.

L'histoire de l'espéranto en Hongrie est l'une des plus belles entre celles de tous les pays de l'Europe. L'espéranto y a reçu des soutiens prestigieux tels que le professeur István Szerdahelyi qui a fortement contribué à l'élévation du niveau de l'enseignement de la langue à l'Université ELTE de Budapest. Il y eut aussi l'académicien Géza Bárczi qui l'avait appris dans sa jeunesse, l'écrivain et traducteur Kálmán Kalocsay. Le premier cosmonaute hongrois et espérantophone Bertalan Farkas qui fut enthousiasmé par la rapidité de son acquisition. Les soeurs Polgár — Judit, Suzan et Sofia —, à qui leur père l'enseigna, sont devenues de brillantes championnes mondiales très précoces d'échecs. Il y aurait beaucoup d'autres noms à citer.

J'ai de l'admiration pour beaucoup de Hongrois, en particulier aujourd'hui pour trois Hongroises qui font un travail remarquable dans le cadre du site "Edukado.net", des cours d'interlinguistique de l'Université Adam Mickiewicz à Poznan (Pologne), de la ville allemande de Herberg-am-Harz (qui se nomme aussi "Die Esperanto-Stadt / Esperanto-urbo / Ville de l'espéranto par décision de son Conseil municipal depuis 2006) respectivement Katalin Kováts, Ilona Koutny et Zsófia Kóródy...

Par un curieux hasard, vous nous ressortez la citation archi-réchauffée faite par le président de Gaulle sur l'espéranto lors de sa conférence de presse du 15 mai 1962 justement au moment où je viens de finir la rédaction d'un document d'une cinquantaine de pages consultable en ligne sous le titre “La visite de Zhang Ping“ suivi par “Quelle idée du journalisme ?.
(Rédaction d'espéranto de Radio Chine Internationale, photo ĈRI)

D'une façon générale, lorsque quelqu'un ironise sur l'espéranto en reprenant cette citation gaullienne, ça en dit long sur son savoir — ou plutôt son ignorance — et ses références en la matière.

Ce document est dédié à une jeune femme dont le nom honore le journalisme : Camille Lepage, tuée le 10 mai dernier en République Centrafricaine dans l'exercice de sa profession.

Je suis opposé à la critique systématique et généralisée des journalistes. La conscience professionnelle existe partout. Il en en de même pour la négligence et la goujaterie professionnelles. Qui aura le courage de s'interroger sur les origines de l'impopularité des journalistes ? Le journalisme consiste-t-il à raconter n'importe quoi ? "La Charte du Journalisme" de 1918 est-elle déjà morte avant avant d'avoir atteint le bel âge de cent ans ? La déontologie journalistique est-elle déjà enterrée ?

J'ai écrit ce document suite à une dérive semblable de l'un de vos confrères, très connu à Radio France
, et qui avait dit de l'espéranto que c'est "une langue artificielle, sans histoire et sans culture". Il avait même affirmé avec le même aplomb qu'il avait eu les faveurs d'Hitler et de Staline (!!). Il crut même bon d'ajouter, sans s'imaginer un instant qu'il soulignait admirablement son ignorance, que Zamenhof était mort en 1950 (!!!).

A propos du pape François qui, selon vous, "parle toutes les langues" (Ethnologue en dénombre 7106 vivantes, y compris l'espéranto !), ses prédécesseurs ont fréquemment utilisé l'espéranto lors de leurs bénédictions urbi et orbi, et Radio Vatican en fait usage depuis 1976.

En France, c'est de Gaulle qui avait mis fin aux émissions en espéranto. La récompense, faute d'avoir compris la différence entre une langue anationale (non-nationale, comme le fut le latin, donc neutre), et une langue hégémonique, c'est que le français est de plus en plus évincé, même en France :

"Je pense qu'aujourd'hui il y a sur les murs de Paris plus de mots anglais qu'il n'y avait de mots allemands pendant l'Occupation, et ça c'est quand même sous la responsabilité de ceux qui veulent bien le mettre, parce qu'il n'y a pas de troupes d'occupation aujourd'hui. Je les appelle des collabos".
(Michel Serres à Michel Polacco sur France Info, 18 décembre 2005 : "Mots anglais et langue française")

Un autre document dont je suis aussi auteur peut vous donner aussi une idée sur la relation entre l'espéranto et le journalisme : Journalisme sans frontières

Dans l'espoir que ces informations vous seront utiles... Mi salutas vin.