Alors que la Langue internationale — plus connue et popularisé sous le nom d'espéranto — n'a aucune ride à 132 ans et donne des signes de vigueur dans de nombreux pays (le 160e anniversaire de la naissance du Dr Zamenhof vient d'être fêté ce 15 décembre dans de nombreux endroits de divers pays), c'est Hélène Carrère d'Encausse, membre et secrétaire perpétuelle de l'Académie française — qui plus est : "historienne" ! —, qui vient de s'illustrer par des propos inexacts sur cette langue lors d'un discours prononcé ce 12 décembre 2019 sur le thème « La langue française et l’influence de la France dans le monde » :
“Et le Tchèque Comenius ajoutait : « Une langue commune, plus facile à apprendre que toutes celles qui existent ». Cette simplicité voulue explique probablement l’insuccès des diverses tentatives de créer une langue universelle dont la plus récente aura été l’esperanto, pourtant soutenu par Tolstoï et Gandhi.“
"explique probablement l'insuccès..." !
Ça en dit long sur les connaissances de cette dame en la matière, tant à propos de l'histoire de la langue que de ses aspects linguistiques et son actualité, ceci dans un pays où l'ignorance de ce phénomène linguistique unique dans l'histoire de l'humanité est particulièrement cultivée dans les médias, dans l'éducation et par certains intellectuels.
Un pays qui, au début des années 1920, s'est illustré à la Société des Nations par une tentative de le faire disparaître et par l'interdiction d'utilisation des locaux scolaires pour les cours d'espéranto : circulaire du 3 juin 1922 du ministre de l'instruction publique Léon Bérard, antisémite notoire, qui fut plus tard ambassadeur du régime de Vichy auprès du Saint-Siège. Une interdiction semblable eut lieu sous le 3e Reich en 1935 par Bernhard Rust, le ministre de la Science et de l’Éducation...
C'est donc affligeant car, voici quelques années, sur France 5, j'avais entendu Marina Carrère d'Encausse, sa fille, tenir des propos tout à fait honnêtes sur l'espéranto.
Depuis 1887, malgré des périodes et des épreuves particulièrement éprouvantes, l'espéranto n'a pris aucune ride. Aucune de celles et aucun de ceux qui l'ont qualifié de “langue morte“ — ce qu'à fait la nouvelle académicienne Barbara Cassin — ne lui a survécu...
Ainsi donc, même à l'Académie française, il est possible d'abuser de la confiance, voire de l'ignorance des membres de l'Académie en la matière. S'imagine-t-elle servir la langue française et élever le prestige de la France en tenant des propos d'un niveau que l'on peut attendre dans des bistrots ou de la part de commères ?Claude Hagège, ainsi qu'Umberto Eco, qui a été amené à l'étudier pour la préparation d'un cours au Collège de France, ont déjà donné les raisons pour lesquelles l'espéranto n'a pas encore la place qu'il mérite : elles ne sont pas linguistiques mais politiques.
Maurice Genevoix, qui fut secrétaire perpétuel de 1958 à 1974, avait exprimé un avis éclairé sur l'espéranto dans lequel il ne voyait aucune menace contre quelque langue que ce soit.
Abraham Lincoln est tout à fait d'actualité :
“Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps, et vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps, mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps.”
Membre de l'Académie Française espérantiste de cœur
Le 18 février 1955, l'éminent écrivain, M. Maurice Genevoix, membre de l'Académie Française*, était interviewé à la Radio, sur la Chaîne
Nationale, par M. Pierre Delaire.
Voici quelques extraits des réponses que le célèbre auteur de Raboliot, M. Genevoix, fit aux questions posées par M. Delaire :
“Ce que je souhaite, et ce que je souhaite vivement, ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que les Nations se soucient d’abord de tout ce qui peut les rapprocher, de tout ce qui peut les amener à une compréhension et à une tolérance mutuelles — et dans ce domaine-là une seconde langue, vraiment internationale et commune, peut être — cela va de soi — d'extrême conséquence, d’une bienfaisance sans prix, pour les générations à venir.
L'Espéranto n'est pas du tout une langue uniforme, une langue robot, mais, au contraire, une langue naturelle et souple.
Je sais qui est Zamenhof, je sais que vous avez traduit des œuvres qui appartiennent au patrimoine de la littérature universelle et d’ailleurs vous devriez continuer dans cette voie.
L’Espéranto est en mesure d’exprimer les nuances les plus subtiles de la pensée et du sentiment, elle est propre à permettre, par conséquent, l'expression la plus juste, la plus littéraire, la plus esthétique et de nature à satisfaire les esprits les plus ombrageux et les plus particularistes, et il ne peut pas porter ombrage aux fidèles, des langues nationales.
Puisqu’à force de conviction, de foi, d'efforts convaincus, vous avez déjà alerté les opinions internationales, puisque le nombre de vos adeptes va sans cesse se multipliant, puisqu’ainsi la question de l’Espéranto est à l’ordre du jour, vous êtes en passe de gagner...
Il manque quelquefois au dernier moment l'impulsion décisive, ce que Lucrèce appelait le clinamen, mais cela, M. Delaire, c’est votre affaire précisément. Par ces temps atomiques de réactions en chaîne, c'est à vous, en somme, de déclencher cette chaîne-là. Bon courage donc, car celle-là au moins n'a rien pour nous effrayer, au contraire.“
* Secrétaire Perpétuel de 1958 à 1974
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