Un homme dont “L'Homme enchaîné“, le journal de Georges Clemenceau, avait annoncé le décès le 14 avril 1917 à Varsovie et auquel il avait rendu hommage dans son numéro du 18 avril 1917 :
“Ne laissons pas partir sans un adieu cet homme de bonne foi, de volonté et d'apostolat... Il passa sa vie à bâtir de toutes pièces une langue internationale, l'Esperanto, qui a peut-être des chances, même après la mort de son créateur, de rester une œuvre vraiment vivante. (...)“
Un homme auquel l’écrivain britannique Herbert George Wells rendit hommage lors d’une réunion commémorative qui eut lieu en Angleterre en mai 1918 :
“L’un des plus nobles spécimens de cet idéalisme international qui est le don naturel du monde juif à l’humanité.“
Un homme dont l'UNESCO honora la mémoire en 1959, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, comme “personnalité importante universellement reconnue dans les domaines de l'éducation, de la science et de la culture.“
Un homme dont la valeur de l’œuvre fut reconnue dans un rapport de la Société des Nations en 1922 et par deux conférences générales de l'UNESCO lors de la Conférence générale de l’UNESCO en 1954 à Montevideo, en Uruguay puis celle de 1985 à Sofia, en Bulgarie.
Un homme qui connut les haines inter-ethniques, inter-religieuses et les pogroms et qui déclara lors de l'ouverture du second congrès mondial d'espéranto, à Genève, en 1906, à propos d'un pogrom qui avait eu lieu à Białystok, sa ville natale :
“Dans les rues, des sauvages armés de haches et de barres de fer se jetaient bestialement contre de paisibles habitants dont la seule faute était de parler une autre langue et de pratiquer une autre religion qu'eux. Pour cela, on fracassait les crânes, on crevait les yeux d’hommes, de femmes, de vieillards impotents et d'enfants sans défense (...)
De toute évidence, la responsabilité en retombe sur ces abominables criminels qui, par les moyens les plus vils et les plus fourbes, par des calomnies et des mensonges massivement répandus, ont créé artificieusement une haine terrible entre les peuples. Mais les plus grands mensonges et calomnies pourraient-ils donner de tels fruits si les peuples se connaissaient bien les uns les autres, si entre eux ne se dressaient des murs épais et élevés qui les empêchent de communiquer librement et de voir que les membres des autres peuples sont des hommes tout à fait semblables à ceux de notre propre peuple, que leur littérature ne prêche pas de terribles crimes mais la même éthique et les mêmes idéaux que la nôtre ?”
Un homme qui, en 1907, au prestigieux Guildhall de Londres, après le Troisième Congrès mondial d'espéranto qui se tint à Cambridge, avait dit :
“Tandis que le pseudo-patriotisme, c'est-à-dire le chauvinisme national, fait partie de cette haine commune qui détruit tout dans le monde, le vrai patriotisme fait partie de ce grand amour universel qui construit tout, conserve et rend les peuples heureux. L'espérantisme qui prêche l'amour et le patriotisme qui prêche aussi l'amour ne pourront jamais être ennemis entre eux. Chacun peut nous parler de toute sorte d'amour et nous l'écouterons avec gratitude; mais lorsque ce sont des chauvinistes qui nous parlent d'amour de la patrie, ces représentants d'une haine abominable, ces sombres démons qui incitent l'homme contre l'homme non seulement entre les pays mais dans leur propre patrie — alors nous nous détournons avec la plus grande indignation. Vous, noirs semeurs de discorde, ne parlez que de haine envers tout ce qui n'est pas vôtre, parlez d'égoïsme, mais n'utilisez jamais le mot « amour », car dans votre bouche le saint mot « amour » se souille.“
Un homme qui, tourmenté pas le sort du monde juif auquel il appartenait et qui avait milité pour le sionisme dans sa jeunesse, prit ses distances avec ce mouvement par une lettre du 30 juin 1914 en déclinant une invitation à participer au congrès fondateur de la “Hebrea Ligo“:
“Je suis profondément convaincu que tout nationalisme ne peut apporter à l’humanité que de plus grands malheurs et que le but de tous les hommes devrait être de créer une humanité fraternelle. Il est vrai que le nationalisme des peuples opprimés – en tant que réaction naturelle de défense – est bien plus pardonnable que celui des oppresseurs ; mais si le nationalisme des forts est ignoble, celui des faibles est imprudent… L’un engendre l’autre et le renforce, et tous deux finissent par créer un cercle vicieux de malheurs dont l’humanité ne sortira jamais à moins que chacun de nous ne sacrifie son propre égoïsme de groupe et ne s’efforce de se placer sur un terrain tout à fait neutre… C’est pourquoi – bien que je sois déchiré par les souffrances de mon peuple – je ne souhaite pas avoir de rapports avec le nationalisme juif et désire n’œuvrer qu’en faveur d’une justice absolue entre les êtres humains. Je suis profondément convaincu que, ce faisant, je contribuerai bien mieux au bonheur de mon peuple que par une activité nationaliste…”
Un homme et une œuvre à propos desquels le politologue Jonathan Pool, spécialiste des questions politiques et économiques, a pu dire au magazine “National Geographic“ :
“La chose la plus proche d'un langage universel humain est aujourd'hui l'anglais, mais, à de nombreux égards, l'anglais ne parvient pas à la hauteur du rêve de Zamenhof qui a été d'aider à la création d'un monde plus équitable.“ (15 décembre 2009)
Un homme à qui l'humanité doit une langue cachée à une jeunesse qui subit un gavage du cerveau à l'anglais.
Dès 1934, Winston Churchill avait vu l'avantage de propager une version simplifiée de l'anglais comme appât linguistique : le Basic English du sémanticien Charles Kay Ogden. Il écrivit en juillet 1943 à la BBC :
“Je suis très intéressé par la question de la langue anglaise basique. L'utilisation généralisée de ceci serait un gain bien plus durable et profitable que l'annexion de grandes provinces.“
Avant même que la Grande-Bretagne ait accompli des démarches pour entrer dans ce qui allait devenir l'Union européenne, le 12 octobre 1978, le quotidien “International Herald Tribune“ avait déjà titré un article : “English is a Profitable Export“.
Dans une brochure de 1979, l'école londonienne de langues International House annonça pour sa part :
"Il fut un temps où nous avions l'habitude d'envoyer à l'étranger des canonnières et des diplomates; maintenant nous envoyons des professeurs d'anglais."
Dans son numéro du 7 juillet 1992 l'“International Herald Tribune“ souligna :
“L’emploi de l’anglais accroît l’influence politique des pays anglophones beaucoup plus puissamment qu’une forte économie ou une grande puissance de feu.”
Personnage influent de l'administration Clinton, David Rothkopf, écrivit en 1997 dans “Foreign Policy“ :
“Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais“. (In Praise of Cultural Imperialism? Effects of Globalization on Culture)
Le 19 juillet 2000, Margaret Thatcher put enfin annoncer triomphalement, lors d'une conférence à l'Université de Stanford :
“En ce XXIème siècle, le pouvoir dominant est l’Amérique; le langage dominant est l’anglais; le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon.“ ("A Time for Leadership")
En fait, lors d'une conférence qui se tint à Cambridge du 26 au 30 juin 1961, les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient déjà manigancé un plan pour contraindre le monde à faire de l'anglais la langue unique.
Beaucoup d'autres faits montrent que l'anglais, langue NATIONALE avant tout, ne convient pas dans le rôle de langue INTERNATIONALE. Il rend les non-natifs moins sûrs d'eux-mêmes, plus imprécis, plus lourds et plus maladroits qu'il ne le sont. C'est comme pratiquer la natation avec des brodequins plutôt qu'avec des palmes.
Dans un rapport commandé par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, rédigé par le professeur François GRIN, économiste suisse, l'auteur a décrit avec une précision horlogère trois scénarios qui méritent une attention particulière :
“Les principaux résultats de la comparaison entre scénarios sont les suivants :
1) le Royaume-Uni gagne, à titre net, au minimum 10 milliards d’Euros par année du fait de la dominance actuelle de l’anglais ;
2) si l’on tient compte de l’effet multiplicateur de certaines composantes de cette somme, ainsi que du rendement des fonds que les pays anglophones peuvent, du fait de la position privilégiée de leur langue, investir ailleurs, ce total est de 17 à 18 milliards d’Euros par année;
3) ce chiffre serait certainement plus élevé si l’hégémonie de cette langue venait à être renforcée par une priorité que lui concéderaient d’autres États, notamment dans le cadre de leurs politiques éducatives respectives ;
4) ce chiffre ne tient pas compte de différents effets symboliques (comme l’avantage dont jouissent les locuteurs natifs de la langue hégémonique dans toute situation de négociation ou de conflit se déroulant dans leur langue) ; cependant, ces effets symboliques ont sans doute aussi des répercussions matérielles et financières ;
5) le scénario « plurilingue » (qui peut, en pratique, revêtir des formes très différentes, dont une est analysée ici) ne réduit pas les coûts, mais les inégalités entre locuteurs ; toutefois, étant donné les forces à l’œuvre dans la dynamique des langues, il présente un risque certain d’instabilité, et exige tout un train de mesures d’accompagnement pour être viable ;
6) le scénario « espéranto » apparaît comme le plus avantageux, car il se traduirait par une économie nette, pour la France, de près de 5,4 milliards d’Euros par année et, à titre net pour l’Europe entière (Royaume-Uni et Irlande compris), d’environ 25 milliards d’Euros annuellement.
Les fréquentes réactions de rejet à l’égard de l’espéranto rendent impraticable la mise en œuvre à court terme du scénario 3. Il peut par contre être recommandé dans le cadre d’une stratégie de long terme à mettre en place sur une génération. Deux conditions sont toutefois critiques pour son succès : premièrement, un très gros effort d’information, afin de surmonter les préventions qui entourent cette langue — et qui sont en général basées sur la simple ignorance — et d’aider les mentalités à évoluer; deuxièmement, une véritable coordination entre États en vue de la mise en œuvre commune d’un tel scénario. Quatre-vingt cinq pour cent de la population de l’Europe des 25 y a un intérêt direct et évident, indépendamment des risques politiques et culturels que comporte l’hégémonie linguistique.“ (p. 6-7)
Il apparaît donc qu'une grande partie de l'humanité s'est soumise à ce jeu truqué.
Mais le comble, c'est que l'Académie française a dernièrement admis en son sein une personne qui fait fréquemment, depuis 2012, étalage de cette ignorance remarquée par l'économiste François Grin. Cette personne a pour nom Barbara Cassin. Ainsi, elle a pu écrire pas moins de huit énormités sur l'espéranto en deux phrases (42 mots, 274 caractères). (voir “Barbara Cassin, les pets de la sagesse).
L'honneur de l'Académie est toutefois sauvé par Maurice Genevoix qui occupa les fonctions de secrétaire perpétuel de 1958 à 1974, qui connut les abominations de la Première Guerre mondiale :
“L'espéranto est en mesure d'exprimer les nuances les plus subtiles de la pensée et du sentiment, il est propre à permettre, par conséquent, l'expression la plus juste, la plus littéraire, la plus esthétique et de nature à satisfaire les esprits les plus ombrageux et les plus particularistes, et il ne peut pas porter ombrage aux fidèles des langues nationales...”
Le 12 octobre est la journée nationales des "dys", ce qui inclut la dyslexie.
Or, selon Wikipédia :
“Divers travaux ont démontré la moins grande fréquence du diagnostic de dyslexie dans les pays utilisant une « langue transparente » (comme l'italien, l'espagnol, ou encore l'allemand) par rapport à ceux utilisant une « langue opaque » (comme l'anglais)“.
Et c'est précisément cette langue “opaque“ (pas pour lui) que Gordon Brown, quand il était premier ministre britannique, avait vanté comme la langue mondiale dans un discours de propagande diffusé le 17 janvier 2008 par la BBC sur le thème : “English - The world's language“*.
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* Texte original avec traduction en français : “L'anglais - la langue du monde.“
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