Considéré comme le père de la pédagogie moderne, Comenius (1592-1670) avait perçu la valeur éducative du jeu. Il préconisait déjà le jeu collectif à son époque. Il avait en outre pressenti “le temps où l’humanité jouira de l’usage d’une langue auxiliaire universelle incomparablement plus facile que nos langues naturelles“ (1).
Dans son ouvrage “Via Lucis (La voie de la lumière), rédigé en 1641-1642 lors d’un séjour à Londres, il avait reconnu que la connaissance des langues était une nécessité. Mais il avait déjà trouvé plus réaliste d’enseigner une langue en plus à tous plutôt que de faire apprendre toutes les langues à une certaine catégorie de gens :
“Lorsque nous aurons la langue universelle, et lorsqu’elle commencera à être utilisée par les nations, le monde entier deviendra accessible à toute sa population, de telle façon qu’il sera probablement possible à qui que ce soit, selon son gré et sans entrave, de voyager, d’enseigner et d’apprendre dans toutes les parties du monde.“Le jeu existe aussi dans le règne animal, mais il semble qu'il développe plus le réflexe, l'instinct et l'adresse alors que la part de réflexion, d'intellect, est plus importante chez l'être humain.
Il y a aussi le jeu qui, en surdose, conduit à l'abrutissement. C'est le cas de certains jeux vidéo. Des jeux électroniques, développés en particulier aux États-Unis, sont de véritables moyens de conditionnement à la violence et au bellicisme excluant tout éveil de la conscience, tout ce qui est humain. C'est l'alignement de l'humain sur le robot.
Il y a aussi un jeu, ou un jouet, auquel le professeur Michel Serres ne semble pas avoir pensé :
Une langue peut-elle être un jouet ou un jeu ?
Le jeu est souvent utilisé dans l'enseignement des langues pour le rendre plus attrayant, moins pénible et rébarbatif. Mais il existe une langue, celle que Comenius avait pressenti à Londres, conçue à l'origine de façon à ce qu'elle puisse apparaître comme un jeu. Curieusement, il se trouve que l'aspect ludique de cette langue, pour en faciliter l'apprentissage et la diffusion, fut le premier des trois motifs choisis par l'auteur d'un manuel pour russophones intitulé "Langue Internationale" dont le 125ème anniversaire de la parution sera fêté en 2012, plus précisément le 26 juillet :
1. Ke la lingvo estu eksterordinare facila, tiel ke oni povu ellerni ĝin ludante (page 12)
c'est-à-dire : Que la langue soit extraordinairement facile, de telle façon qu'on puisse la posséder en jouant.
En cela, l'auteur de ce petit manuel avait respecté un principe philosophique cher à Comenius. Le projet européen qui a reçu le nom de l'humaniste tchèque a peu de choses à voir avec son esprit.
Plus connue sous le nom d'espéranto, cette langue est aujourd'hui très présente sur la Toile. Le Dr Zamenhof, qui en a proposé les bases puisées dans des langues existantes, en connaissait, à divers degrés, une bonne douzaine appartenant à plusieurs familles : slave, germanique, latine, sémitique. Lorsqu'il commença ses travaux sur un projet de langue internationale, il lui apparut peu à peu que chaque langue comportait des règles compliquées et des formes sans utilité, comme les verbes irréguliers, le genre pour les objets, les cas, etc., si bien qu'il parvint à "faire fondre les énormes dictionnaires".
Chacune des langues ayant évolué à sa façon et sur une très longue durée, Zamenhof s'aperçut qu'il était possible de créer une langue mieux adaptée pour un usage entre personnes de langues différentes en prenant ce qu'il y avait entre elles de commun, de logique, de plus simple. Tout ceci est très bien expliqué dans un petit ouvrage du professeur Waringhien : "ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les Lettres"(2). En outre, dans "Langues sans frontières"(3), le grand polyglotte Georges Kersaudy a présenté des tableaux comparatifs sur lesquels apparaissent 39 langues de l'Europe, y compris l'espéranto. Il apparaît que bon nombre de mots, surtout d'origine latine, sont communs à beaucoup d'entre-elles.
L'espéranto a bénéficié de ce que les langues de grande diffusion on acquis de meilleur, un peu de leur "patine". Il est historiquement et linguistiquement lié à elles. Contrairement à ce que l'on peut encore lire ou entendre ça et là, ce n'est pas "une langue créée de toutes pièces" ou "la création d'un seul homme". Mais, comme l'avait dit Albert Einstein : "les préjugés sont plus difficiles à briser que les atomes". Voici pourtant déjà plus d'un siècle, en 1901, que Michel Bréal, le précurseur de la sémantique, avait écrit :
Mais l'originalité de Zamenhof, sinon son génie, c'est d'avoir choisi une structure comportant des traits des langues isolantes comme le chinois, c'est-à-dire des éléments ayant isolément un sens, et les langues agglutinantes comme le japonais, le coréen ou le turc, c'est-à-dire la faculté de combiner ces éléments invariables entre eux, de les agglutiner. En somme, l'espéranto est comparable à un jeu de Lego dans lequel chaque élément (racine, affixe) de cette langue agglutinante est comparable à une pièce que l'enfant (ou l'adulte) ne peut assembler ou monter n'importe comment (Démonstration pour enfants : PPS téléchargeable — fonctionne avec Power Point ou OpenOffice.org).
L'espéranto est linguistiquement la plus ludique des langues, mais cela ne signifie en rien que sa vocation soit d'être un jeu ou un passe-temps. Le but de Zamenhof était avant tout humaniste. Il visait à créer un trait d'union économique, neutre, équitable, accessible et précis pour tous les peuples, quelque chose de très supérieur à une "lingua franca", à ce qu'est aujourd'hui le "Broken English".
L'espéranto est aussi un lien social à sa façon. C'est même précisément le lien dont les peuples ont besoin pour que se développe enfin un sentiment d'appartenance à l'humanité, cette nouvelle nation commune à tous les habitants de la planète. Le professeur Reinhard Selten, prix Nobel d'économie 1944, avait dit entre autres, devant le Parlement européen, le 9 mai 2007 : "Une langue facile à apprendre comme l’espéranto permet une solution neutre du problème linguistique. On apprend plus facilement une seconde langue étrangère que la première. L’effet d’une seconde langue est si fort, et l’espéranto est si facile, qu’il est plus favorable d’apprendre l’espéranto en premier, et ensuite une langue nationale, plutôt que cette langue étrangère seule. C’est scientifiquement prouvé par des tests scolaires. Quelques pays pourraient d’abord faire un traité sur l’enseignement scolaire de l’espéranto. On pourrait ensuite étendre ce traité aux autres pays".
Enfin, en conclusion, le sujet a été très bien développé dans un article rédigé par Claude Piron(5), un ancien traducteur francophone polyvalent de l'Onu et de l'OMS pour l'anglais, l'espagnol, le russe et le chinois qui a ensuite enseigné la psychologie à l'Université de Genève. Il a fait part de son expérience et de ses réflexions dans un article intitulé :
L’espéranto - un joyau éducatif méconnu
dont voici le premier paragraphe :
1. Ke la lingvo estu eksterordinare facila, tiel ke oni povu ellerni ĝin ludante (page 12)
c'est-à-dire : Que la langue soit extraordinairement facile, de telle façon qu'on puisse la posséder en jouant.
En cela, l'auteur de ce petit manuel avait respecté un principe philosophique cher à Comenius. Le projet européen qui a reçu le nom de l'humaniste tchèque a peu de choses à voir avec son esprit.
Plus connue sous le nom d'espéranto, cette langue est aujourd'hui très présente sur la Toile. Le Dr Zamenhof, qui en a proposé les bases puisées dans des langues existantes, en connaissait, à divers degrés, une bonne douzaine appartenant à plusieurs familles : slave, germanique, latine, sémitique. Lorsqu'il commença ses travaux sur un projet de langue internationale, il lui apparut peu à peu que chaque langue comportait des règles compliquées et des formes sans utilité, comme les verbes irréguliers, le genre pour les objets, les cas, etc., si bien qu'il parvint à "faire fondre les énormes dictionnaires".
Chacune des langues ayant évolué à sa façon et sur une très longue durée, Zamenhof s'aperçut qu'il était possible de créer une langue mieux adaptée pour un usage entre personnes de langues différentes en prenant ce qu'il y avait entre elles de commun, de logique, de plus simple. Tout ceci est très bien expliqué dans un petit ouvrage du professeur Waringhien : "ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les Lettres"(2). En outre, dans "Langues sans frontières"(3), le grand polyglotte Georges Kersaudy a présenté des tableaux comparatifs sur lesquels apparaissent 39 langues de l'Europe, y compris l'espéranto. Il apparaît que bon nombre de mots, surtout d'origine latine, sont communs à beaucoup d'entre-elles.
L'espéranto a bénéficié de ce que les langues de grande diffusion on acquis de meilleur, un peu de leur "patine". Il est historiquement et linguistiquement lié à elles. Contrairement à ce que l'on peut encore lire ou entendre ça et là, ce n'est pas "une langue créée de toutes pièces" ou "la création d'un seul homme". Mais, comme l'avait dit Albert Einstein : "les préjugés sont plus difficiles à briser que les atomes". Voici pourtant déjà plus d'un siècle, en 1901, que Michel Bréal, le précurseur de la sémantique, avait écrit :
"Ce sont les idiomes existants qui, en se mêlant, fournissent l’étoffe de la langue nouvelle. Il ne faut pas faire les dédaigneux; si nos yeux, par un subit accroissement de force, pouvaient en un instant voir de quoi est faite la langue de Racine et de Pascal, ils apercevraient un amalgame tout pareil […] Il ne s’agit pas, on le comprend bien, de déposséder personne, mais d’avoir une langue auxiliaire commune, c’est-à-dire à côté et en sus du parler indigène et national, un commun truchement volontairement et unanimement accepté par toutes les nations civilisées du globe.” "Le Choix d'une langue internationale" (4).Une personne de culture moyenne qui ne connaît que sa langue, et même l'anglais en plus, serait le plus souvent incapable de faire la différence entre une même idée exprimée oralement, par exemple en finnois, en hongrois, en indonésien, en hébreu, en turc, en estonien, en arménien, en mongol, en irlandais et en espéranto. Peut-être y aurait-il moins d'erreurs si l'expérience était effectuée aussi avec ces mêmes idées exprimées par écrit.
Mais l'originalité de Zamenhof, sinon son génie, c'est d'avoir choisi une structure comportant des traits des langues isolantes comme le chinois, c'est-à-dire des éléments ayant isolément un sens, et les langues agglutinantes comme le japonais, le coréen ou le turc, c'est-à-dire la faculté de combiner ces éléments invariables entre eux, de les agglutiner. En somme, l'espéranto est comparable à un jeu de Lego dans lequel chaque élément (racine, affixe) de cette langue agglutinante est comparable à une pièce que l'enfant (ou l'adulte) ne peut assembler ou monter n'importe comment (Démonstration pour enfants : PPS téléchargeable — fonctionne avec Power Point ou OpenOffice.org).
L'espéranto est linguistiquement la plus ludique des langues, mais cela ne signifie en rien que sa vocation soit d'être un jeu ou un passe-temps. Le but de Zamenhof était avant tout humaniste. Il visait à créer un trait d'union économique, neutre, équitable, accessible et précis pour tous les peuples, quelque chose de très supérieur à une "lingua franca", à ce qu'est aujourd'hui le "Broken English".
L'espéranto est aussi un lien social à sa façon. C'est même précisément le lien dont les peuples ont besoin pour que se développe enfin un sentiment d'appartenance à l'humanité, cette nouvelle nation commune à tous les habitants de la planète. Le professeur Reinhard Selten, prix Nobel d'économie 1944, avait dit entre autres, devant le Parlement européen, le 9 mai 2007 : "Une langue facile à apprendre comme l’espéranto permet une solution neutre du problème linguistique. On apprend plus facilement une seconde langue étrangère que la première. L’effet d’une seconde langue est si fort, et l’espéranto est si facile, qu’il est plus favorable d’apprendre l’espéranto en premier, et ensuite une langue nationale, plutôt que cette langue étrangère seule. C’est scientifiquement prouvé par des tests scolaires. Quelques pays pourraient d’abord faire un traité sur l’enseignement scolaire de l’espéranto. On pourrait ensuite étendre ce traité aux autres pays".
Enfin, en conclusion, le sujet a été très bien développé dans un article rédigé par Claude Piron(5), un ancien traducteur francophone polyvalent de l'Onu et de l'OMS pour l'anglais, l'espagnol, le russe et le chinois qui a ensuite enseigné la psychologie à l'Université de Genève. Il a fait part de son expérience et de ses réflexions dans un article intitulé :
L’espéranto - un joyau éducatif méconnu
dont voici le premier paragraphe :
Toute expérience, toute connaissance impliquent une responsabilité. Celui qui connaît un moyen efficace et bon marché de faciliter la vie à ses contemporains n’a pas le droit d’en taire l’existence. Je plaiderai donc coupable. Parce que, ayant tiré profit dès mon enfance d’une expérience de grande valeur pédagogique, je l’ai considérée comme allant de soi et n’ai pas su la faire connaître aux milieux qui auraient pu l’étudier objectivement et en tenir compte dans leurs décisions. Je voudrais me décharger de cette culpabilité en indiquant dans cet article pourquoi, à mon avis, l’inscription de l’espéranto dans les programmes scolaires présenterait beaucoup plus d’avantages qu’il n’y paraît de prime abord. Nous examinerons successivement la question du point de vueSuite
1) du développement de l’intellect,
2) du développement affectif et
3) de l’utilité pratique.
Notes
1. "Janua linguarum reservata" / Porte ouverte sur les langues
2. "ABC d'espéranto à l'usage de ceux qui aiment les Lettres". Paris : L'Harmattan. 2001. 78 p.
3. "Langues sans frontières — À la découverte des langues de l' Europe". Paris : Autrement. 2001, coll. "Frontières". 383 p,
4. "Revue de Paris".VIII-14.. 1901. p. 229-246.
5. Claude Piron est l'auteur de "Le défi des langues — du gâchis au bon sens". Paris : L'Harmattan. 1994. 336 p.
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