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III.-LE RITUEL.

De toutes les fêtes, les unes sont célébrées simplement : ce sont les lễ sóc et les lễ vọng, le lễ thường-tân, les lễ thượng-điền et hạ-điền, les fêtes thượng-nguyên et trung-nguyên ; les autres sont célébrées avec beaucoup de pompe et d'éclat : ce sont les xuân-tế et thu-tế et surtout la fête vào đám « entrée en assemblée ».

Dans le premier cas, le sacrifice est dit lễ 禮 « saluer », et dans le second, le sacrifice est dit tế 祭 « officier ». Les auteurs européens semblent ignorer cette différence, soit que leurs observations soient incomplètes, soit qu'ils n'y attachent pas d'importance (1). Nous allons ouvrir ici une parenthèse pour montrer une fois pour toutes en quoi les deux sacrifices diffèrent l'un de l'autre.

Notons d'abord que dans les deux sacrifices, le nombre de lạy (prosternations) est fixé à dix, et celui des libations d'alcool, à trois.

Dans le lễ (sacrifice simple), les offrandes étant disposées convenablement sur l'autel, l'officiant (en l'espèce le cai đám ou tế đám) commence par brûler de l'encens, puis fait quatre lạy au génie « pour le recevoir » (nghênh thần 迎神) et reste à genoux, les mains jointes, les bras formant cercle, à hauteur du front. Pendant ce temps, un assistant verse une première fois l'alcool dans trois tasses sur l'autel, un autre lit la prière (2). La lecture terminée, de l'alcool est versé une deuxième fois dans les mêmes tasses. Alors l'officiant se relève, fait encore deux lạy au génie. On verse une troisième fois l'alcool dans les trois tasses. L'officiant fait quatre lạy, dits lạy de remerciement (lễ tạ 禮謝). On brûle la prière, et le sacrifice est terminé. Les autres assistants peuvent alors venir faire quatre lạy au génie devant l'autel. Pendant tout ce temps, la musique joue, mais une musique réduite le plus souvent à un gros tambour (trống cái) et à un gong (chiêng).

Le tế, ou sacrifice solennel, exige le concours de plusieurs notables: il faut un chủ tế 主祭 (principal officiant), deux bồi tế 陪祭 (officiants assistants), un đông xướng 東唱 (proclamateur de commandements de l'Est), un tây xướng 西唱 (proclamateur de commandements de l'Ouest) (3), et des chấp sự 執事 (notables qui seront chargés de remettre au chủ tề l'encens et l'alcool à offrir et de les porter ensuite au sanctuaire). Le nombre des chấp sự varie de deux à huit. Mais ce chiffre n'a rien de rigoureux ; plus le nombre en est grand, plus la cérémonie est solennelle. Tous ces personnages mettent pour la circonstance la robe bleue, le bonnet de gaze et les boites de flanelle ou de velours. Les mandarins, quand ils sont appelés à officier, revêtent leurs beaux costumes de cérémonie (áo chào), coiffent leurs bonnets à ailes de libellules (mũ cánh chuồn), chaussent leurs bottes et tiennent des deux mains leur hốt (plaquette d'ivoire munie d'un petit miroir dans lequel ils se regardent constamment pour surveiller leur maintien).

Trois nattes sont étendues à la suite devant l'autel du génie. Sur la première, la plus proche de l'autel, sont faites l'offrande de l'alcool et la lecture de la prière; sur la deuxième, a lieu le rite dit ẩm phúc 飲福, « breuvage du bonheur » ; la troisième est la place qu'occupe le chủ tế à son arrivée, et c'est là qu'il doit revenir après chaque déplacement pour les offrandes. Les bồi tế restent debout derrière le chủ tế, et les chấp sự se divisent en deux groupes à sa droite et à sa gauche. Les proclamateurs de commandements se tiennent aussi à droite et à gauche du chủ tế, mais en avant.

Tous les gestes qu'ont à faire les officiants (chủ tế, bồi tế et chấp sự), pendant la durée du sacrifice, sont proclamés à haute voix par le đông xướng ; le tây xướng ne fait que répéter de temps en temps : Hơơng ! pour permettre aux officiants de se relever quand ils sont prosternés. Ceux-ci ne font rien sans leurs commandements.

Avant tout commandement aux officiants, le đông xướng commence par ordonner (4) :

I. Khởi chinh cổ 起鉦鼓 ! « Frappez le gongs et le tambour! » (On fait résonner à trois reprises le gong, puis trois fois le gros tambour ; à chaque batterie les coups sont d'abord très espacés et très forts, puis se rapprochent de plus en plus en diminuant d'intensité.)

II. Nhạc sinh cử nhạc 樂生擧樂 ! « Que les musiciens jouent ! » (C'est la musique proprement dite: clairon, tambour, flûte, violon, etc., cf. infra, p. 130.)

Aussitôt après, les proclamateurs commencent à annoncer les diverses phases du sacrifice ; les voici telles qu'elles sont fixées par le recueil des rites Thọ-mai gia-lễ :

1. Củ sát tế vật 紏察祭物 ! « Examinez les offrandes ! » (Deux chấp sự prenant chacun une bougie, suivent le chủ tế pour lui permettre de vérifier les offrandes) (v. pl. XXV).

2. Ế mao huyết 瘞毛血 ! « Enterrez le poil et le sang ! » (Quand un animal est immolé, un homme porte le poil et le sang au dehors pour les enterrer).

3. Chấp sự giả các tư kì sự 執事者各司其事 ! « Que les chấp sự se préparent à leur rôle ! » (Tous les chấp sự rectifient leur tenue, puis vont prendre place en deux groupes, dans l'entre-colonnement de droite et dans l'entre-colonnement de gauche.)

4. Tế quan dữ chấp sự quan các nghệ quán tẩy sở 祭官與執事官各詣盥洗所 ! « Que les officiants et les chấp sự se rendent au lieu de la toilette ! » (Ils se dirigent tous vers deux cuvettes d'eau apportées à cet effet.)

5. Quán tẩy 盥洗 ! « Lavez-vous ! » (Ils se lavent les mains dans les cuvettes.)

6. Thuế cân 帨巾 ! « Essuyez-vous les mains ! » (Ils s'essuient les mains avec un mouchoir roitge attaché au support des cuvettes.)

7. Bồi tế quan tựu vị 陪祭官就位 ! « Que les bồi tế gagnent leur place ! » (Les bồi tế vont se placer debout sur la 3e natte, l'un à côté de l'autre, face à l'autel.)

8. Tế quan tựu vị 祭官就位! « Que les chủ tế gagnent leur place! » (Le chủ tế va se tenir debout au milieu de la 3e natte en avant des bồi tế.)

9. Thượng hương 上香 ! « Présentez l'encens ! » (Un chấp sự prend une boîte d'encens, un autre, un brûle-parfums, qu'ils présentent au chủ tế. Celui-ci allume l'encens, le met dans le brûle-parfums qu'il élève en s'inclinant, puis les rend aux chấp sự qui les portent solennellement au sanctuaire.)

10. Nghênh thần cúc cung bái 迎神鞠躬拜 ! « Saluez pour recevoir le génie ! » (Le chủ tế et les bồi tế font quatre lạy, en se prosternant et en se relevant quatre fois, aux commandements des proclamateurs.)

11. Hơơng 興 ! «Relevez-vous ! » (Ils se relèvent.)

12. Bình thân 平身 ! « Tenez-vous droit ! »

13. Hành sơ hiến lễ 行初献禮 ! « Procédez à l'offrande de la première libation ! »

14. Nghệ tửu tôn sở 詣酒樽所 ! « Allez aux vases d'alcool ! » (Le chủ tế se rend aux tables portant les services d'alcool.)

15. Tư tôn gỉa cử mịch 司樽者舉幕 « Que le préposé au service de l'alcool enlève le voile ! » (Un servant enlève le voile qui recouvre les services d'alcool.)

16. Trước tửu 酌酒 ! « Versez l'alcool ! » (Le chủ tế verse l'alcool dans une tasse.)

17. Nghệ đại vương thần vị tiền 詣大王神位前 « Présentez-vous devant l'autel du génie! » (Le chủ tế s'avance sur la première, natte. Deux chấp sự prennent l'un le vase d'alcool, l'autre un cái đài contenant la tasse d'alcool, et s'avancent aussi vers la première natte.)

18. Quị 詭 ! « Agenouillez-vousi ! » (Le chủ tế s'agenouille au milieu de la première natte. Les chấp sự font de même, l'un à sa droite et l'autre à sa gauche, et se faisant face.)

19. Tiến tước 進爵 ! « Présentez la coupe ! » (Le chấp sự qui a la tasse d'alcool, la remet au chủ tế. Celui-ci lève la tasse à hauteur de son front et s'incline, puis la rend au chấp sự.)

20. Hiển tước 獻爵 ! « Offrez la coupe ! » (Les chấp sự portent le vase et la tasse d'alcool au sanctuaire où le thủ từ les reçoit pour les poser sur l'autel.)

21. Phủ phục 府伏 ! «Prosternez-vous! » (Le chủ tế se prosterne.)

22. Hơơng 興 ! «Relevez-vous ! » (Il se relève.)

23. Bình thân 平身 ! «Tenez-vous droit ! »

24. Phục vị 復位 « Revenez à votre place ! » (II reprend sa place аu milieu de la 3e natte.)

25. Độc chúc 讀祝 ! « Lisez la prière ! » (Un servant apporte la prière écrite sur une feuille de papier rouge collée sur un écran en bois laqué.)


Pl. XXV. Yên-mẫn, Bắc-ninh. Vérifications des offrandes. (Cf. p. 127.)

[129] 26. Nghệ độc chúc vị 詣讀祝位 ! « Allez à la place pour la lecture de la prière ! » (Le chủ tế s'avance sur la première natte. Le lý-trưởng ou le notable chargé de la lecture delà prière vient se mettre à sa gauche.)

27. Dai quị 皆跪 « Que tous s'agenouillent ! » (Le chủ tế, les bồi tế et le lecteur de prière s'agenouillent.)

28. Chuyển chúc 轉祝 ! « Passez la prière ! » (Le servant qui a apporté la prière, la dépose à gauche (5) du chủ tế, et la lecture commence.) (v. pl. XXVI.)

29. Phủ phục 府伏 ! « Prosternez-vous ! » (Le chủ tế et les bồi tế se prosternent deux fois pour exécuter deux lạy, aux commandements des proclamateurs.)
30. Hơơng 興 ! « Relevez-vous ! » (Ils se relèvent.)

31. Bình thân 平身 ! « Tenez-vous droit ! »

32. Phục vị 復位 « Revenez à votre place ! » (Le chủ tế revient se placer au milieu de la 3e natte.)

Ici l'offrande de la première libation est terminée.

33. Hành á hiến lễ 行亞献禮 ! « Procédez à l'offrande de la libation ! » (Les mêmes commandements et les mêmes gestes rituels indiqués aux nos 4 à 24 se répètent et s'exécutent.)

34. Hành trung hiến lễ 行亞献禮 ! « Procédez à l'offrande de la dernière libation ! » (Même observation.)

Ici les offrandes proprement dites sont terminées. Une phase très impor tante de la cérémonie va commencer: il s'agit de celle où le cai đám représentant attitré du village, va recevoir la bénédiction du dieu protecteur. Une partie des offrandes prise sur l'autel du génie même, avant que le sacrifice soit complètement terminé, va lui être donnée. En la recevant et en l'avalant à l'instant même, il entrera en communion avec lui.

35. Ẩm phúc 飲福 ! « Buvez le bonheur ! » (Ce phúc consiste en une tasse d'alcool et une chique de bétel pris sur l'autel du génie.)

36. Nghệ ẩm phúc vị 詣飲福位 ! « Allez à la place pour le breuvage du bonheur ! » (Le chủ tế s'avance au milieu de la 2e natte.)

37. Quị 跪 ! « Agenouillez-vous ! » (II se met à genoux.)

38. Ẩm phúc 飲福 ! « Buvez le bonheur ! » (Un servant lui présente une tasse d'alcool prise sur l'autelrdu génie.)

39. Thụ tộ 受胙 ! « Recevez la viande ! » (En principe, c'est un mor ceau de viande, pris sur l'autel, qu'on doit lui donner ; mais dans la pratique, on lui donne une chique de bétel.)

40. Phủ phục 府伏 ! « Prosternez-vous ! » (II se prosterne, et se relève deux fois, exécutant deux lạy pour remercier le génie. Ces deux lạy ne sont pas comptés dans les dix lạy réglementaires.)

[130] 41. Hơơng 興 ! « Relevez-vous ! »

42. Bình thân 平身 ! « Tenez-vous droit ! »

43. Phục vị 復位 ! « Revenez à votre place ! » (II reprend sa place au milieu de la 3e natte.)

44. Lễ từ cúc cung bái 禮辭鞠躬拜 ! « Saluez pour remercier le génie ! » (Le chủ tế et les bồi tế font quatre lay pour remercier le génie, toujours aux commandements des proclamateurs.)

45. Hơơng 興 ! « Relevez-vous ! »

46. Bình thân 平身 ! « Tenez-vous droit ! »

47. Phần chúc 焚祝 ! « Brûlez la prière! » (La prière est détachée et brûlée.)

48. Lễ tất 禮畢 ! « Le sacrifice est terminé ! »

C'est la fin de la cérémonie. Les autres personnes qui y assistent sont admises à venir saluer le génie en faisant quatre lay devant son autel.

Pendant la cérémonie la musique joue. Outre le gros tambour (trống cái) et le gong (chiêng), qu'on ne frappe que de temps à autre pour ponctuer certains commandements, il y a le kèn (clarinette) et le trống con (tambour plat). A ces instruments aux sons stridents et monotones, s'ajoute le groupe des bát âm 八音 « les huit sons », qui donne des airs plus doux et plus harmonieux. Les bát âm comprennent huit instruments à vent et à corde: le sênh tiền (castagnettes à grelots), le nguyệt (guitare à deux cordes), le tam (guitare à trois cordes), le nhị (violon), le sáo (flûte), le trống bốc (petit tambour dont un seul bout est tendu de peau, l'autre restant libre), le tiu et le cảnh (6).

Pl. XXVI. Phú-mẫn, Bắc-ninh - Lecture de la prière (Cf. p. 129.)

Les offrandes consistent, outre le bétel et l'alcool (giầu, riệu) qui sont de rigueur dans tous les sacrifices, en pains de riz (oản), bananes (chuối) ou autres fruits de la saison : oranges (cam), kakis (hồng), un ou plusieurs coqs cuits et un plateau de riz glutineux cuit à l'étuvée (sôi), dans les circonstances ordinaires. Dans les grandes fêtes, on offre, avec le riz glutineux, soit trois animaux (tam sinh 三生 : 1o un porc, 2o un bœuf ou un buffle, et 3o un bouc ou une chèvre), soit seulement un porc, un bœuf ou un buffle.

Ces offrandes sont fournies, à tour de rôle, par les habitants de telle ou teile classe (7), ou sont achetées aux frais du village.

Le village possède des rizières et des terrains communaux dont le produit sert à couvrir les frais des fêtes. Ces rizières et terrains sont cultivés par une classe d'habitants désignée parle coutumier du village. Mais une partie en est obligatoirement confiée au cai đám ou tế đám, à charge pour lui de la cultiver assez tôt afin d'avoir du riz nouveau à temps pour le sacrifice du lễ thường-tân « fête du riz nouveau ».

Dans les grandes fêtes qui nécessitent de gros frais, une contribution est payée par chacun des habitants. Mais le village a d'autres sources de revenus : quand une jeune fille du village se marie, elle doit payer à la communauté une somme d'argent (nộp cheo) de 2, 3 ou 5 piastres (8) ; si elle se marie .avec un garçon étranger au village, cette taxe, dite cheo, est majorée. Quand un habitant, qui a reçu un grade de mandarinat, veut faire officiellement reconnaître son titre et se voir attribuer dans le đình la place de préséance correspondante, il doit payer une somme d'argent (vọng). Les personnes sans postérité mâle qui veulent, à leur mort, se faire assurer un culte par le village (bầu hậu), lui paient une somme d'argent ou lui font don de rizières, etc. Le village peut aussi vendre des places de préséance. Ainsi un habitant d'une classe inférieure peut, moyennant une certaine somme, sauter une ou plu sieurs classes pour être rangé, par exemple, parmi les quan viên ou parmi les các cụ.

La charge d'officiant auprès du génie du village est dévolue au tế đám ou cai đám. C'est une fonction très en vue ; les Annamites considèrent comme un grand bonheur et comme un honneur insigne le fait d'en être investis. D'abord il faut, pour être tế đám ou cai đám, se trouver classé à la tête des douze quan viên, et n'être frappé d'aucun deuil proche ou lointain ni 'd'aucune infirmité ; toutes ces conditions sont assez difficiles à rempir. Le cai đám a l'initiative de toutes les affaires du village, à l'exception des affaires de police, des corvées et des rapports avec les autorités civiles. Il est obligatoirement consulté dès qu'une dépense est engagée ou une recette effectuée au nom de la commune. Il est pour ainsi dire le représentant attitré du génie.

Pour comprendre comment un habitant peut parvenir à cet emploi si envié de cai đám, il faut connaître l'organisation intérieure d'un village. Nous allons en donner le principe général, du point de vue auquel nous nous sommes placé (9).

On sait que les habitants mâles d'un village annamite se répartissent en classes qui ont chacune un rôle particulier à jouer.

En tête se trouve la classe des các cụ, vieillards qui ont dépassé un certain âge, cinquante ans par exemple. Les các cụ sont exemptés de tout travail vis-à-vis du village. Ils assistent aux sacrifices, prennent part aux banquets communaux, mais n'ont plus à s'occuper de rien : comme ils ont été à la peine, ils sont à l'honneur.

Après les các cụ, il y a les douze quan viên chargés de tous les sacrifices au génie. Ils sont obligatoirement consultés sur toutes les affaires cultuelles du village. Le premier de ces quan viên est cai đám de droit (10), il préside les cérémonies, centralise les recettes et ordonne les dépenses. A part ces charges, les quan viên jouissent des autres privilèges reconnus aux các cụ. Ils forment la première table.

La 2e table comprend les 6 lềnh, dont le rôle principal est de faire l'achat des offrandes et de tout ce qui est nécessaire aux fêtes, sur les indications du cai đám. Pour cela, ils ont quelquefois à faire des avances d'argent qui ne leur sont remboursées qu'après la clôture de la fête (11).

Puis viennent la 3e et la 4e tables composées chacune de 6 habitants. Ces dernières tables sont chargées du nettoyage des locaux et des objets de culte, de la préparation des offrandes (abatage des animaux, cuisson du riz, [133] découpage de la viande pour la préparation des plats) et de la garde des objets de culte pendant les jours de fête.

La 5e table est composée aussi de 6 habitants qui ont pour fonction d'apporter les plats au moment des banquets, de servir l'alcool, de répartir les baguettes et les bols, etc.

Les personnes de la 6e table offrent les cadeaux (12), pourvoient le đình des meubles, des tasses, théières, plateaux, etc., nécessaires pendant la fête.

Ainsi les quart viên, les lênh, et les habitants qui composent les 3e, 4e, 5e, et 6e tables, se partagent les travaux qu'exigent les cérémonies. Ils ont leur place au đình où leur présence est obligatoire les jours de fête. Si, pour une cause quelconque, deuil, maladie, absence du village, ils ne peuvent venir au đình remplir leurs obligations, ils doivent payer une somme d'argent à ceux de leur table, qui travailleront pour eux.

Les autres habitants, bien qu'inscrits sur le registre du village, n'ont aucun rôle à jouer. Ils sont admis, sauf en cas de deuil, à venir au đình saluer le génie ou participer aux banquets communaux. Ils peuvent être désignés par le cai đám et les quan viên pour remplir certaines fonctions : porter le char du génie (kiệu), les oriflammes (cờ), les dais (tán et tàn) ou autres objets de culte dans les sacrifices ou les processions.

La répartition des habitants en classes se fait d'après leur âge ; cet âge est décompté, non pas à partir de l'année où ils sont nés, mais à partir du jour où ils se font inscrire sur le hương ẩm bạ 鄉飲簿 « registre des festins du village » (litt. : des beuveries), c'est-à-dire le registre dans lequel les habitants du village sont classés par ordre de préséance.

Sauf la classe des các cụ (vieillards), à laquelle on accède à l'âge réglementaire, les autres classes sont à effectif limité ; on n'y passe, à priorité d'âge, que si une vacance se produit. Toutefois le village peut, contre versement d'une somme d'argent, admettre parmi les các cụ, les inscrits des classes inférieures qui, par suite de leurs occupations pro fesioneles ou de leurs infirmités, ne peuvent satisfaire aux obligations qu'ils devraient normalement remplir dans les classes intermédiaires. Ils sont classés parmi les các cụ, mais placés après ceux-ci, et attendent, pour y être définitivement rangés, qu'ils aient atteint l'âge réglementaire. La faculté d'acheter une ou plusieurs classes est réservée aux [134] personnes qui, inscrites tardivement, veulent cependant être classées parmi celles de leur âge: elles sont classées à la suite des élus de l'âge et avancent automatiquement avec eux, en participant aux privilèges et aux charges attachés à leur nouvelle classe. Mais la charge vénale la plus recherchée est celle des quan viên (notables qui officient au génie). Elle est surtout honorifique; le seul avantage qu'on en retire est d'être admis à officier au đình avec les douze quan viên promus par l'âge, et d'être exempté des corvées et prestations en nature. Ceux qui l'achètent continuent à compter dans leur classe normale et à participer aux avantages et obligations attachés à cette dernière. Ils sont appelés des quan viên nhiêu, c'est-à-dire des quan viên qui sont exemptés de certaines charges. Peu vent encore acquérir ce titre ceux qui ont rendu au village des services déterminés (avoir été lý trưởng ou secrétaire communal pendant la durée réglementaire, etc.).

Pour être complet, il faut citer encore les tư văn 斯文 qui forment une association semi-officielle dans le village. Cette association comprend tous les habitants titulaires d'un titre universitaire ou d'un grade de mandarinat. Elle a son budget propre, mais n'a pas de place spéciale dans le đình comme semble le supposer Dumoutier en disant: « La 4e classe est celle des tư-văn ». Elle est absolument indépendante du village; nous la citons, parce qu'elle est admise à officier en certaines occasions (aux xuân-tế et thu-tế) en l'honneur du génie tutélaire.

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(1) Dans Magie et Religion annamites (p. 344 sq.), M. Giran qui fournit une description détaillée d'une cérémonie ne signale pas la différence entre les deux sacrifices. De plus, dans la description qu'il donne et qui est celle du second (tế), les divers gestes des officiants ne sont pas toujours énumérés dans l'ordre normal. On peut s'en rendre compte en comparant sa description avec la nôtre, tirée du Thọ-mai gia-lễ 壽梅家禮, manuel des rites familiaux, qui renferme un chapitre sur les sacrifices aux génies (Tế thần nghi tiết 祭神儀節) — Dans Religions annamite et non annamites (L'Indochine publiée par G. Maspepo, t. I, p. 285-286), le P. Cadière a défini exactement le tế (sacrifice solennel) qu'il oppose au cúng. « Ce dernier mot, dit-il, s'applique spécialement aux offrandes que l'on fait aux morts ; mais il désigne aussi une offrande privée, faite à des génies ; et on l'emploie souvent dans un sens générique, pour toutes sortes de sacrifices, même pour les sacrifices solennels... » Le P. Cadière n'a pas mentionné le lễ, qui est une autre forme de sacrifice et n'a pas, par conséquent, signalé la différence entre le lễ et le tế, différence qui n'intéresse d'ailleurs que le culte des génies tutélaires des villages. Voici en quelques mots comment il faut entendre ces trois termes : cúng, lễ et tế. Le mot cúng est un terme général pour dire : faire une offrande à une divinité. Ainsi, dans le langage courant, on dit : cúng thần (faire une offrande au génie), cúng phật (faire une offrande au Buddha), cúng tiền (faire une offrande d'argent), cúng hoa quả (faire une offrande de fleurs et de fruits). Ce mot est encore employé pour dire : contribuer par un don en nature ou en espèce à une fondation pieuse ou à une œuvre de charité. Ainsi l'on dit couramment : cúng ruộng vào chùa (faire un don de rizière à la pagode), cúng tiền làm nhà thương (souscrire une somme d'argent pour la construction d'un hôpital), etc. Du point de vue où nous nous sommes placé, le mot cúng signifie : faire un sacrifice au génie, sacrifice nécessitant obligatoirement, outre l'offrande principale (riz gluant, viande, fruits, etc.), du bétel, de l'alcool, de l'eau et des baguettes d'encens. Toujours dans le même sens, l'acte nommé cúng se présente sous deux aspects : la forme simple lễ et la forme compliquée et solennelle tế.

(2) Le lecteur de la prière peut être le lý-trưởng 里長 ou un notable lettré du village. La prière est écrite par le tiên-chỉ 先紙 ou thủ-chỉ 首紙 (celui qui signe le premier dans les papiers administratifs). Le tiên-chỉ ou thủ-chỉ est l'habitant du village le plus élevé en grade universitaire ou en grade mandarinal, suivant le coutumier du village. Il reçoit la part d'offrande la plus importante et notamment la tête du porc ou de tout autre animal immolé.

(3) Si l'on veut donner à la cérémonie un grand éclat, on adjoint aux deux, proclamateurs réglementaires (đông xướng et tây xướng) deux autres proclamateurs. Les deux premiers sont alors appelés ngoại tán 外贊 (aides ou proclamateurs extérieurs), les seconds, nội tán 內贊 (aides ou proclamateurs intérieurs). Les ngoại tán proclament les commandements destinés à la fois au chủ tế et aux autres officiants ; les nội tán qui, comme les ngoại tán, se répartissent en đông tán 東贊 (proclamateurs de l'Est) et tây tán 西贊 (proclamateurs de l'Ouest), proclament ceux qui s'adressent exclusivement au chà tè; de plus, ils se déplacent avec le chủ tế, le premier pour le conduire à l'endroit où celui-ci doit sacrifier, le second pour le ramener à sa place primitive, alors que les đông xướng et tây xướng ne se déplacent pas.

(4) Ces deux commandements I et II ne sont pas mentionnés dans le recueil des rites. L'auteur les a négligés, parce qu'ils ne s'adressent pas aux officiants. Mais ils constituent les préliminaires indispensables.

(5) Ce détail est d'importance ; c'est seulement dans les cérémonies funéraires que la prière est placée à droite de l'officiant.

(6) Le tiu est une sorte de petite timbale. C'est un petit bassin en cuivre semi-sphérique, d'environ dix centimètres de diamètre. On le tient renversé et en frappe le fond avec un bâtonnet. Le cảnh est un petit gong à main, assujetti dans un cercle de métal et muni d'une poignée. (D'après Nordewann, Chresthomathie annamite, p. 179 et 275.)

Le groupe des bát âm se voit dans presque toutes les cérémonies rituelles de quelque importance. Mais il est rarement au complet : le sênh tiền et le tam, qui sont d'un usage moins courant, manquent le plus souvent.

Dans Les chants et les traditions populaires des Annamites; p. X-XIII, Dumoutier donne une série de bát âm sensiblement différente de la nôtre. Au lieu du sênh tiền, du tiu et du cảnh, il donne le đàn tỳ (guitare à ventre oblong), le đàn thập lục (psaltérion) et le thiêu canh (?). Notons seulement que le đàn thập lục, qui s'écrit en caractères 彈十六 (guitare à trente-six cordes), est, de par sa constitution, difficile à jouer, surtout quand le musicien doit accompagner la procession, ou simplement se tenir debout comme cela est de règle dans les cérémonies rituelles. Il se joue posé sur un guéridon, le musicien étant assis. Quant ai thiêu canh de Dumoutier, c'est vraisemblablement la fusion erronée des deux mots tiu et cảnh.

Si, dans la fabrication des instruments, le principe des bát âm chinois est respecté, il n'en est pas de même dans la pratique, où il est plutôt tenu compte du nombre des instruments que das matières dont ils sont faits, à savoir : bào 匏 (calebasse), thổ 土 (terre), cách 革 (peau), mộc 木 (bois), thạch 石 (pierre), kim 金 (métal), ti 絲 (soie), trúc 竹 (bambou). Cf. G. Soulié, La musique en Chine in Bull. Ass. Am. franco-chinoise, vol. VII, no 2, avril 1910, pp. 152-153.

(7) Sur les conditions de ce classement et des suivants, cf. infra, p. 132 sq.

(8) En fait, c'est la famille du mari qui paie cette taxe.

(9) C'est l'organisation du village de Yên-mẫn, province de Bắc-ninh, que nous décrivons ci-dessus. Sur l'organisation du village annamite, cf. Dumoutier, Essais sur les Tonkinois, La commune (Revue Indochinoise, 1907, p. 305 sq.).

(10) S'il est frappé par une infirmité ou par un deuil, la charge de cai đám revient au second ; si celui-ci en est empêché à son tour, elle revient au troisième, et ainsi de suite. La récusation pour cause d'infirmité est définitive ; celle pour cause de deuil n'est que provisoire. A la fin de son deuil, on reprend les fonctions de cai đám pour les conserver jusqu'à l'âge où on passera parmi les các cụ (vieillards).

(11) M. Giran, op. cit., p. 340, dit que « le président des sacrifices est souvent aussi le fournisseur des offrandes et le gardien responsable du temple et des objets de culte. . . Cette institution paraît n'exister que dans certaines provinces du Tonkin et dans celle de Bắc-ninh, notamment ». En effet, le cas est plutôt rare, la charge étant excessivement lourde pour une seule personne.

(12) Les personnes étrangères au village, mais qui y sont attachées à quelque titre (les gendres, leurs parents, ceux qui y ont des tombeaux, des amis), viennent faire des sacrifices au génie à l'occasion de la grande fête. Elles apportent en la circonstance du bétel, de l'alcool, du papier-monnaie, des pétards et même de l'argent. En retour, le village leur envoie chez elles un cadeau dit lộc thánh, « faveur du Saint », lequel comprend du bétel, un pain de riz gluant (oản) et un morceau de viande ou, à défaut, une banane.

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