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II. — CÉRÉMONIES DANS LE ĐÌNH.

Les cérémonies célébrées dans le đình en l'honneur du génie tutélaire sont fixes : outre le 1e et le 15e de chaque mois (lễ sóc 禮朔 et lễ vọng 禮望) on lui sacrifie : au printemps (xuân-tế 春祭, le premier jour đinh du 2e mois), à l'automme (thu-tế 秋祭, le premier jour dinh du 8e mois), à la fête hạ-điền 下田, au moment du repiquage du riz, à la fête thượng-điền 上田, au moment où le repiquage est terminé, à la fête thường-tân 嘗新 (littéralement : goûter du nouveau) (v. pi. XXIV), c'est-à-dire la fête du riz nouveau du 9e mois (1), [120] à la fête thượng-nguyên 上元 (2) (le 15e jour du 1er mois), appelée aussi lễ kỳ yên 祈安 (pour demander la tranquillité), à la fête trung-nguyên 中元 (15e jour du 7e mois, jour de la délivrance des âmes) (3), le 7e jour du 1er mois, lễ khai ấn 開印 (ouverture des sceaux, ancienne coutume qui fixe au 7e jour du 1er mois la date de la réouverture des bureaux officiels, et par suite la reprise générale du travail). On lui sacrifie encore pour les fêtes du 3e jour du 3e mois (tết mồng ba tháng ba ou lễ hàn thực 寒食, consommation de mets froids et principalement de gâteaux immergés dans l'eau froide : bánh trôi nước), du 5e jour du 5e mois (tết mồng năm tháng năm ou đoan ngọ 端午, midi juste), du 15e jour du 8e mois (tết rầm tháng tám ou trung thu 中秋, mi-automne, pour la contemplation de la [121] pleine lune), du 2e jour du 12e mois ou lạp-tiết 臘節 (cérémonie de fin d'an née), etc. (4). A ces fêtes qui sont fixes, s'ajoutent les sacrifices occasionnels ; quand un habitant du village meurt, quand il y a un mariage, quand un vieil lard fête ses noces d'argent ou d'or (khao lão), quand un fonctionnaire fête sa nomination, une promotion, etc., c'est-à-dire à toutes les occasions qui donnent lieu à ripailles dans le village.

De plus, le service d'entretien du feu et de l'encens est assuré durant toute l'année, sinon de nuit et de jour, sans interruption, du moins tous les soirs par le thủ từ (gardien du temple) ou le cai đám ou tế đám (principal officiant).

Mais la fête la plus importante de l'année est le vào đám « entrée en réunion » ou vào hội « entrée en assemblée ». Elle est donnée généralement au printemps ou en automne, ou encore à l'occasion de l'anniversaire de la naissance ou de la mort du génie (5).

Cinq à dix jours avant l'ouverture de la fête, on procède à une cérémonie dite nhập tịch 入席 (entrée en banquet) (6). A partir de ce jour nhập [122] tịch et jusqu'à la fin de la fête, qui dure plusieurs jours, aucune cérémonie funéraire ne doit avoir lieu. Si un habitant vient à mourir dans le village, la famille devra l'enterrer secrètement sans lamentations ni musique, et le cortège funèbre devra suivre un chemin détourné et non la route normale. Si la famille tient à donner au mort des funérailles convenables avec le concours du village, elle doit prendre les précautions nécessaires pour conserver le cadavre et attendre la fin de la fête pour déclarer officiellement le décès. C'est que, pour cette fête, tous les habitants doivent être tenus dans un état de pureté rigoureux, et l'on sait que, parmi les causes d'impureté, l'approche d'un mort est la plus redoutable.

Pendant la durée de la fête, des cérémonies ont lieu tous les jours en l'honneur du génie. On lui sacrifie solennellement (tế), et on promène son char (rước) avec un grand déploiement d'objets de culte, drapeaux, dais, armes de parade, du đình au nghè ou du village à un village allié.

C'est pendant cette fête que beaucoup de villages organisent des divertissements variés : théâtre (hát tuồng, hát chèo), luttes à main plate (đánh vật), jeux d'échecs (đánh сờ), combats de coqs (chọi gà), combats de rossignols (chọi chim họa mi), procession et formation de caractères (chạy chữ, littéralement : courir, caractères), dispute de la boule (xe trái, litt. : charrier le fruit, ou cướp cầu, se disputer la boule) (7), etc.


Pl.XXIV. Yên-mẫn, Bắc-ninh. — Offrande de prémices: riz gluant, kakis, noix d'arec, poulet, etc.
(Cf. p. 119.)

[123] Ces divertissements peuvent être variés à l'infini ou supprimés sans inconvénients.
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Un fait d'importance est à signaler, dont la signification semble avoir échappé à Dumoutier comme à M. Giran. C'est que pendant les cérémonies célébrées à l'occasion de la grande fête (vào đám), un rite rappelle les traits saillants de la vie du génie. On organise ainsi une scène de combat pour un dieu guerrier (village de Phù-đổng) (8), une scène de cambriolage pour un génie voleur (village de Lộng-khê) (9). Ce rite appelé hèm (10) en annamite et très souvent tenu secret, est un des traits essentiels des cultes communaux ; le négliger serait compromettre la prospérité du village. Il se célèbre le plus souvent la nuit, quand il rappelle un fait peu honorable (nous verrons que c'est souvent le cas), tandis qu'il est célébré au grand jour, quand il rappelle une vertu ou un acte de bravoure. Le hèm se traduit souvent par des offrandes et l'emploi d'un mobilier cultuel tout à fait inattendus. On dit que le village de Cổ-nhuế, phủ de Hoài-đức (Hà-dông), adore un vidangeur comme génie tutélaire : parmi les objets de culte figurent un panier (cái thúng) et une paire de pincettes (cái cặp). Les pincettes servent à ramasser des excréments et le panier à les recueillir. Lors de l'accomplissement de ce rite singulier, des bananes éplu chées sont dispersées sur des nattes, figurant les excréments, et le cai đám en prend quelques-unes pour les mettre dans le panier. La légende dit encore que les jeunes garçons et les jeunes filles du village de Cổ-nhuế, même les plus riches, se font vidangeurs, au moins pendant quelque temps, car en dérogeant à cette coutume, ils ne trouveraient personne pour se marier, ou ils feraient un mariage malheureux (11).

Le hèm s'observe surtout dans le langage : prononcer le nom du génie est absolument interdit. Si, dans la conversation, des mots homonymes sont nécessaires pour exprimer une idée, on en modifie la prononciation ou même
on leur substitue un synonyme : ainsi on dit bánh pour bính, nhang pour hương. Dans les villages qui adorent le génie Linh-lang 靈郎神 (temple de Thủ-lệ 守隸, connu par les Européens sous le nom de Pagode Balny ; et village de Vân-hồ 雲湖), ville de Hanoi, du côté delà Route de Huế), les habitants ne disent jamais lang (nom du génie). Ils emploient d'autres mots pour le remplacer : ainsi ils disent khoai dây (patates rattachées les unes aux autres par leurs racines) pour khoai lang (patates), Iợn Iương (12) pour Iợn lang (porc à robe tachetée de blanc), thày lương pour thày lang (médecin). De plus, le mot lang signifiant « tachetée de blanc », ils se gardent bien de nourrir des animaux à robe tachetée de blanc. On ne rencontre dans ces villages que des animaux domestiques à robe unie, blanche, jaune ou noire. Si un de ces animaux produit un petit à robe tachetée — ce qui arrive quelquefois — son propriétaire considère l'événement comme un présage funeste pour sa famille, et il s'en débarrasse au plus vite.

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(1) A propos du sacrifice du riz nouveau (lễ thường-tân 嘗新), M. Giran écrit : « Le sacrifice se compose seulement de riz à l'exclusion de chair animale, contrairement à ce qui se passe dans les rites précédents. Les offrandes des prémices du riz doivent avoir lieu obligatoirement entre le 1e et le 5e jour du 5e mois et le 1e et le 10e jour du 10e mois ; à cet effet on cultive un riz spécial dit : lúa sớm, « riz hâtif », ou encore : lúa ba giăng, « riz de trois lunes ». (Magie et Religion annamites, p. 300). A notre connaissance, il n'y a pas de sacrifice pour les prémices du 5e mois. Si au 5e mois on sacrifie aux génies dans les đình et aux ancêtres dans les familles et si l'on apporte des cadeaux à ses parents ou à ses bienfaiteurs, c'est à l'occasion de la fête du 5e jour du 5e mois, appelée en sino-annamite tiết đoan-ngọ, et en langue populaire tết ông thày bà cốt, c'est-à-dire « la fête des maîtres, médecins, sorciers et femmes médiums ». Au 5e mois, dit-on, les émanations morbides sont sur le point d'atteindre leur extrême virulence, les épidémies peuvent sévir très facilement. Pour s'en préserver, on porte des amulettes faites avec des fils de cinq couleurs différentes (chỉ ngũ sắc), on consomme du riệu nếp, sorte de riz glutineux fermenté, et des fruits acides (prune, pêche, etc.). Enfin on cueille, à midi juste, toutes sortes de plantes qui acquièrent de ce fait, même les plus vénéneuses, la plus grande efficacité médicinale. (Sur la fête du 5e jour du 5e mois, v. Nordemann, Chrestomathie annamite, p. 39-40, et Chéon, Recueil de cent textes annamites, p. CCLXVI-CCLXVII). Mais toutes ces précautions ne suffisent pas à rassurer; on songe alors aux médecins, aux sorciers et aux médiums qui pourraient, le cas échéant, vous venir en aide les uns avec leurs médicaments, les autres avec leurs amulettes, et on leur apporte des cadeaux. Le sacrifice du riz nouveau n'a lieu qu'une fois l'an, dans le courant du 9e mois, du 1er au 9e jour. Le riz offert en sacrifice dans le dlnh n'est pas le « riz de trois lunes » qui se cultive du 4e au 5e mois et se récolte entre les 7e et 8e mois. C'est là un riz de qualité médiocre, que les familles riches ne consomment pas. Les riz nouveaux qu'on offre au dlnh sont un riz glutineux à balle jaune de très bonne qualité, nếp vàng par opposition à nếp mây (riz glutineux à balle jaune-gris de qualité moindre) et un riz ordinaire très recherché à cause de son odeur appétissante : le gạo dé cảnh ou le gạo tám soan. Ce sont ces deux variétés de riz que le notable chargé des sacrifices au dlnh et les particuliers « ensemencent avec un empressement particulier » et pour lesquels ils « donnent leurs meilleurs soins au semis de manière à pouvoir faire les offrandes en temps voulu. »

Enfin dans ce sacrifice du riz nouveau, on offre, outre le riz, de la viande de porc ou de poulet. Les cadeaux qu'on fait à l'occasion de cette fête consistent principalement en gạo dé cảnh mới ou gạo tám soan mới et en chim ngói (sorte de tourterelles à chair très délicate qui n'apparaissent qu'à cette époque de l'année). Comme fruits, on offre des kakis (quả hồng), prémices de la saison.

(2) C'est thượng-nguyên 上元 (premier commencement), et non trạng-nguyên 狀元 (premier docteur) comme l'a écrit Dumoutier dans Les cultes annamites, p. 15.

Le but des sacrifices qu'on fait à l'occasion de cette fête du 15e jour du 1er mois, est de demander la paix et la tranquillité pour toute l'année qui commence. On sacrifie au đình, mais surtout au chùa. Les feux de joie et les processions de lanternes dont parle M. Giran (Magie et Religion annamites, p. 253), n'ont pas lieu, du moins dans les provinces. Ce n'est pas non plus « une fête essentiellement de nuit, en l'hon neur des étudiants, pendant laquelle les jeunes gens se livrent à toutes sortes de divertissements », comme l'avance Dumoutier pour expliquer sa transcription fausse de
trạng-nguyên pour thượng-nguyên. Notons que M. Giran, op. cit., p. 253, écrit correctement 上元, mais transcrit trạng-nguyên, tandis que quelques pages plus loin (p. 262) il donne la bonne transcription trạng-nguyên, mais, par suite d'une confusion, l'appuie des caractères 下元 hạ-nguyên, au lieu de 上元 thượng-nguyên.

(3) La fête du 15e jour du 1er mois et celle du 15e jour du 7e mois sont des fêtes bouddhiques. Mais le village y attache une grande importance, car il ne s'agit de rien de moins que de demander la paix pour les vivants et le repos pour les morts. Des prières ferventes sont faites au Buddha dans le chùa ; mais on en adresse autant au génie protecteur, son intervention n'étant pas de trop dans ces circonstances. A la fête du 15e jour du 7e mois surtout, on brûle beaucoup de papiers votifs à l'intention des génies (sans douta pour achster leurs faveurs), et à celle des morts, car c'est jour de pardon général. On fait encore d'autres actes méritoires : achat d'oiseaux et de poissons vivants qu'on lâche dans l'air et dans l'eau, etc. Sur ces deux fêtes et quelques autres, cf. Chéon, op. cit., no 87, Les fêtes annamites.

Ne pas confondre ce le ky yen du 15e jour du 1er mois avec celui qui a lieu dans le courant du 4e mois, vulgairement appelé lễ cầu mát « cérémonie pour demander la fraîcheur », c'est-à-dire pour conjurer les maladies épidéraiques qui sévissent souvent à cette époque de fortes chaleurs.

(4) Ed. Nordemann, dans sa Chrestomathie annamite, donne l'explication de toutes ces fêtes et surtout (p. 222) un tableau d'ensemble de fêtes annamites et chinoises. La Chrestomathie annamite de Ed. Nordemann et le Recueil de textes nouveaux de A. Chéon que nous citerons plus loin sont deux recueils de textes annamites authentiques très intéressants pour l'étude du folklore.

(5) M. Giran écrit (Magie et Religion annamites, p. 347) : « Les fêtes communales pour le renouvellement de l'an sont très importantes : elles s'échelonnent sur une période de deux semaines consécutives. Elles sont, avec plus de pompe, identiques aux fêtes familiales... Ce jour-là (le 1er jour de l'an), dès le matin, tous les habitants présents, la cérémonie commence ; elle dure trois jours à peu près sans interruption ». En réalité, le jour de l'an, ainsi que le 23e jour du 12e mois et le 7e jour du 1er mois, on sacrifie au génie très simplement, comme un jour de fête quelconque, sans éclat ni pompe d'aucune sorte, les habitants étant trop préoccupés par les affaires de leurs maisons pour venir au dlnh au complet. La fête la plus importante est la fête anniversaire, le xuân-tế ou le thu-tế. A celle-là le village apporte tous ses soins. — Dans Les chansons du Che king au Tonkin, M. P. Demiéville a dit excellemment : « ... mais l'événement capital de son culte est la grande fête annuelle, dite « assemblée » hội 會, dont la date diffère selon les communes : elle a généralement lieu au printemps, et s'accompagne de sacrifices importants, de réjouissances, de joutes, de toutes sortes de jeux traditionnels, de pantomimes ou de rites singuliers qui sont rattachés plus ou moins artificiellement à la légende du dieu ... » (cf. 支那學論叢, publié à l'occasion de la 60e année du Professeur Kano, partie française, p. 6).

(6) La cérémonie nhập tịch n'offre rien de très particulier. Elle a lieu 5, 6, 8 ou 10 jours avant la fête principale, et réunit à cette occasion les notables au đình, pour arrêter d'une façon définitive les détails de la fête, notamment pour procéder à la désignation des personnes appelées à y participer. Le nhập tịch est, en somme, destiné à permettre à ces dernières de se préparer convenablement à leur rôle, en se faisant confectionner des vêtements neufs, en réglant leur présence au đình les jours de la fête, et surtout en se tenant très propres. L'offrande faite au génie en cette occasion consiste en un porc ou un poulet et un plateau de riz gluant, ainsi qu'en bétel et alcool. Les vieillards et les quan viên, une fois réunis au complet, le cai đám sacrifie au génie ; il récite une prière dans laquelle il annonce au génie que la fête en son honneur se déroulera de tel à tel jour. Si le village décide d'apporter un changement notable à la fête projetée (addition ou suppression d'une partie du programme ordinaire), l'assentiment du génie est indispensable. Dans la prière, le cai đám énonce le motif qui a déterminé le village à demander ce changement. Pour obtenir l'avis du génie, il a recours au moyen couramment employé dans ce cas : xin âm dương, « demander le principe mâle et le principe femelle », ou khất keo ou encore xin keo « demander l'avis ». Le matériel employé consiste en deux sapèques déposées dans une assiette, le tout placé préalablement sur l'autel du génie. La prière récitée, le cai đám s'agenouille devant l'autel, saisit l'assiette de la main gauche, les deux sapèques de la main droite en les maintenant horizontalement l'une au bout de l'index, l'autre au bout du majeur, le paume de la main ouvert. Après une minute de recueillement, il lève légèrement les sapèques pour les laisser retomber dans l'assiette. Si les deux sapèques tombent sur leur revers (mặt trái), c'est que le génie approuve ; si, au contraire, elles tombent sur leur face (mặt phải), le génie désapprouve ; si encore l'une tombe sur sa face et l'autre sur son revers, il hésite : on dit qu'il « rit » (tiếu 笑). Dans ce dernier cas, on recommence l'opération jusqu'à ce qu'on obtienne une réponse ferme. Mais très souvent, quand on n'obtient pas une réponse favorable, on insiste auprès du génie en lui adressant une nouvelle prière et on répète l'opération une, deux ou trois fois, s'il le faut.

(7) Le chạy chữ et le xe trái ou cướp cầu sont organisés, à l'oceasion de leur fête annuelle, par certains villages du Tonkin. On peut voir le premier au temple Phủ-giầy (Nam-định), les deux à la fois au village de Yên-mẫn (Bắc-ninh).

Dans le chạy chữ, des hommes valides, vêtus de leurs beaux habits ou seulement d'un jupon, portent des objets de culte (bát bửu, lỗ-bộ, drapeaux, etc.) pris dans le temple. Ils sont d'abord placés deux à deux, puis, à un signal donné par leur chef, ils se mettent en marche en se formant en file indienne. Ils évoluent dans un espace relativement restreint de sorte que, pareille à un serpent enroulant ses anneaux, la file se retourne plusieurs fois sur elle-même. Quand elle a couvert le tracé d'un caractère et que les personnes qui la composent se sont assises sur leurs talons, en abaissant les objets qu'elles portaient, on voit apparaître un immense caractère formé par des hommes aux vêtements et aux armes de diverses couleurs. Les caractères formés à cette occasion sont généralement ceux qui portent un vœu de bonheur et dont l'exécution est facile. Ceux de bình an 平安 et de thiên hạ thái bình 天下太平 se répètent presque tous les ans.

Dans le xe trái ou cướp cầu, les hommes sont vêtus simplement d'un cache-sexe (đóng khố). La boule, de la grosseur d'un ballon de foot-ball, est en bois laqué; elle est déposée sur l'autel du génie. Deux trous de 0 m. 30 de diamètre sur 0 m. 50 de profondeur sont creusés dans la cour du đình à une grande distance l'une de l'autre. Le cai đám porte la boule de l'autel du génie à la cour où sont réunis les joueurs, qui aussitôt cherchent à s'en saisir dans une mêlée inextricable. Bientôt on voit un joueur s'en détacher, la boule précieuse entre les bras, et courir éperdument ; il se glisse entre les adversaires pour la porter dans un des trous. Mais là il se heurte à d'autres joueurs qui défendent les trous ; il lui faut beaucoup de force et d'adresse pour réussir à y mettre sa boule. S'il y réussit, il est déclaré gagnant. Il retire alors la boule, la porte sur sa tête, revient au đình où il se prosterne quatre fois devant l'autel du génie. Il reçoit une récompense qui consiste en un carré d'étoffe, une boîte de thé ou quelque argent; il est en outre assuré de vivre heureux toute l'année.

(8) On trouve une description détaillée de cette fête dans Rev. de l'Hist. des Relig., XXVIII, juill.-août 1893, pp. 67-75 : Une fête religieuse annamite au village de Phù-đổng (Tonkin) par Dumoutier.

(9) Cf. infra, p. 136.

(10) Le mot annamite hèm a son correspondant chinois dans le caractère 諱 houei (húy, en sino-annamite). Voici les divers sens que donne le Dictionnaire Couvreur de ce dernier caractère : « Éviter de dire, taire, cacher ; pallier les défauts ou les fautes de quelqu'un ; s'abstenir par crainte ou par respect ; après la mort de quelqu'un, s'abstenir de prononcer et d'écrire son nom d'enfance ; nom que l'on s'abstient de prononcer après la mort de quelqu'un.» Dans le culte des génies au Tonkin, le mot hèm s'applique noîi seulement au nom, mais encore aux passions, aux défauts ou qualités du génie, à une habitude de vie à laquelle il tenait beaucoup, en un mot, à un trait de caractère qui lui était propre. Ce mot sert aussi à désigner les interdic tionest l'acte par lequel on les observe.

(11) Cf. Chéon, Recueil de cent textes annamites, 2e éd., pp. CCXXII-CCXXIII, A propos du village de Cổ-nhuế.

(12) Lương est ici un simple substitut phonétique de lang.