Je m'imaginais une solitude aux chandelles , âme perdue dans les pièces encombrées de mon chateau. Je me voyais, mi homme mi fantôme, tirant sur quelques couvertures , dégageant un coin de table et une chaise pour y faire la seule chose qui convient à la méditation : poser un carnet , tracer des lignes à la chaine pour soulever le boulet d'une histoire de rien . Je voyais des actes graves et des pensées obscures. Mais la solitude a le goût étrange du quotidien. Elle est parfois légèrement salée, calme , un peu comme la mer a qui on aurait retiré le mouvement ; d'autres fois , elle est souple , serpent de temps qui siffle à mes oreilles la continuité de la vie .Elle n'est jamais plus pesante que l'attente d'un sourire sur un visage aimé. Et quand je le devine, dans ce temps reclus où la pensée d'être libre m'absorbe tout entier, la solitude a le parfum du désir accomplis et l'ineffable clarté des choses à venir.