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Ségeste, donc. Une des principales villes d'une des rares populations autochtones de l'île, dotée de son propre alphabet, les Elymes. Une ville qui voit la première grande révolte d'esclave à l'époque romaine, celle d'Eunous. Enfin une ville célèbre pour son temple romantique perdu dans un décor champêtre. Le site fait se garer près du temple en question, et on peut prendre un bus pour monter jusqu'à l'acropole. Le premier contact avec le temple ne suscite que peu d'émotion, comme si j'étais trop prêt pour ressentir quelque chose.

Ouh toi.

En redescendant de Ségeste, je vais vers Trapani. Je perds deux heures, dans un environnement de marais salants, à espérer attraper le dernier bac vers l'ile de Mozia, qui abrite un site phénicien. En vain. Et dire que je n'aime pas les Phéniciens... Je fais au passage quelques photos des marais salants (les moulins ne bougent pas évidemment).

L'épave reconstituée avec une armature reconstituant l'ensemble de la coque. Fascinant.

Ha, les triporteurs Piaggio...

Reconstitution de coque.

Après Ségeste, cité champêtre de l'intérieur des terres comme figée par ses combats perdus, nous voici dans toute autre chose. Lilybée, fondée par les Phéniciens après qu'ils aient dû abandonner l'île de Mozia à un tyran siciliote, est une plaque tournante du commerce phénicien/carthaginois entre Europe et Maghreb, et elle va le rester. Ici on trouve un brassage culturel incroyable, et aussi une culture matérielle tournée vers le luxe futile. Ici, des coquillages utilisés comme récipient à des colorants.

La tablette de défixion la plus triste du monde. Bourrée de fautes de grec qui trahissent le manque d'éducation (ou le trouble ?) de son auteur, cette plaque destinée à une malédiction est destinée à une femme, que l'auteur nomme, puis décrit en énonçant "et qui a de beaux cheveux, et qui a de beaux yeux, etc...". Si ce n'est pas de l'amour contrarié, ça...

"Achileos, fils de Prothymos, sois heureux, même sous terre". On fait plus habile comme épitaphe. Les mains pourraient faire référence à une mort soudaine.Les tombes peintes sont toujours pour moi un objet de fascination, cela tranche avec les froides épitaphes sans couleur. Hélas cela résiste moins au temps.

Mosaïque du triclinium de la villa urbaine de Lilybée. Des animaux qui se dévorent, rien d'original.

Le lungomare de Lilybée, balayé par le vent. Il y a quelque chose de fascinant à penser que c'était la dernière étape vers l'Afrique. Au fait, je n'en ai pas parlé, mais évidemment on croise beaucoup de sans-papiers africains, rescapés de Lampedusa : les restaurants de Palerme n'emploient jamais qu'eux hors du regard des clients.

Zone archéologique de Lilybée. Ici, une insula entièrement occupée par une vaste domus, qui avait ses propres thermes.

Encore une preuve de la richesse bigarrée de la population de Lilybée. Une épitaphe bizarrement encastrée dans une colonne, dans laquelle on pleure la mort d'un commerçant marseillais, décédé loin de sa patrie. Du grec, évidemment. On sent vraiment que c'est la langue véhiculaire qui unit tous ces gens venus faire du fric.

Le musée de Marsala se situe dans de vastes entrepôts désaffectés d'un ancien grossiste en vin, face au font de mer livré à un vent continuel. On y trouve des pièces rares : une galère (carthaginoise ?) qui a été sortie par Honor Frost, pionnière méconnue de l'archéologie sous-marine. Le travail d'étude scientifique a été méticuleux avant même de sortir, traiter et reconstituer le bateau que nous allons voir. On y trouve aussi bien des éléments de cargaisons, qui trahissent des liens forts de Lilybée (étymologie signifiant "face à la Libye" ?) avec la Méditerranée occidentale, dont la Tunisie actuelle.

Déçu, je me rabats sur Marsala, où je dors. Au passage : ce cinéma semble abandonné (d'ailleurs il est fermement interdit de se garer devant) mais je fonds en le voyant. L'impression d'être dans "Batman, la série animée". Oui bon, ça sent l"époque fasciste, je sais...

La plus ancienne mosquée de Sicile ? D'après son orientation, et un mihrab que je n'ai pas réussi à situer, il y a des chances que ce soit le premier bâtiment identifié comme tel. En effet, après l'Antiquité, l'acropole de Ségeste est occupée par tout ce qu passe par là : des Arabo-musulmans, des Normands etc... Ils montent un château avec des pierres du théâtre prises en remploi, et certaines travées du théâtre sont même colonisées par des habitations.

Le dispositif défensif des Elymes autour de Ségeste, même si plusieurs époques cohabitent. Il y avait huit tours en tout, une seule a été véritablement restaurée.

Vue depuis le castello de Ségeste. On voit au loin la mer...