« Le télécran recevait et transmettait simultanément.Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu.Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé »... Remplacez « télécran » par « Smart TV » et la description du système de surveillance de Big Brother dans le 1984 de George Orwell pourrait s’appliquer à n’importe quel foyer possédant un téléviseur connecté.
C’est un militant d’EFF, l’organisation de défense des libertés US, Parker Hoggins, qui a fait le rapprochement en lisant les 57 pages en petits caractères des conditions d’utilisations d’une Smart TV (télévision connectée) Samsung. Ce que vous et moi ne faisons jamais, bien sûr. On a tort. Au chapitre « politique de confidentialité », le blogger a, en effet, relevé ce passage édifiant : « L’utilisateur doit être conscient que ce qu’il dit peut être enregistré même si ces discussions comportent des informations sensibles et personnelles.Ces données peuvent ensuite être utilisées et transmises à un tiers à travers l’outil de reconnaissance vocale ». La révélation de cette pratique (commune à la plupart des fabricants) a fait grand bruit et a poussé nombre de possesseurs de téléviseurs de la marque coréenne à se demander s’ils n’avaient pas installé Big Brother dans leur salon.

Rien ne leur échappe
La réponse à cette question angoissante est, heureusement, moins inquiétante que dans le roman de George Orwell. Les services du géant Coréen n’écoutent sans doute pas ce qui se dit dans votre salon.Les données qui sont recueillies par le système de commande vocale des téléviseurs « intelligents » sont avant tout destinées à améliorer le fonctionnement de l‘appareil, pour qu’il comprenne toujours mieux ce que vous lui demandez. Si elles sont effectivement « transmises à un tiers », c’est que Samsung sous traite cette partie du développement de son système. Et les données transmises à ce sous traitant sont évidemment cryptées.
N’empêche, l’affaire pousse à s’interroger sur le fonctionnement des systèmes de commandes vocales qui équipent de plus en plus d’appareils électroniques et qui vont se généraliser dans les années à venir, notamment dans les voitures. Comme ils sont désormais connectés à Internet (toujours pour optimiser leur fonctionnement), ils transmettent en temps réel tout ou partie des mots qui sont prononcés devant eux.De sorte qu’après les murs, ce sont désormais les objets qui ont des oreilles : téléphones, tablettes, ordinateurs, montres, téléviseurs, consoles de jeux…Rien ne leur échappe. C’est effectivement inquiétant, même si la généralisation de ce type de systèmes poussera forcément les pouvoirs publics à exiger des fabricants qu’ils renforcent leurs « politiques de confidentialité ». En effet, il sera difficile d’empêcher des pirates de s’introduire dans les serveurs des appareils connectés pour mettre la main sur des données sensibles, comme vos codes d’accès et numéros de cartes bancaires, où même simplement pour détourner l’usage des caméras et des micros intégrés pour observer ce qui se passe chez vous, via le Web.
Les plus « big » des « brothers » ne sont pas toujours les plus à craindre