Dans l’Ouest sauvage, Charlie et Elie Sisters sont chasseurs de primes.Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer: c’est leur métier. Charlie (Joaquin Phœnix), le cadet, est né pour ça. Elie (John C.Reilly), lui, rêve d’une vie plus normale. Ils sont engagés par le Commodore tuer un homme dont un détective privé (Jake Gyllenhaal), également appointé par le Commodore, a retrouvé la trace. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence…

Palmé (en 2015 pour Dheepan, sans doute son film le plus faible), multicésarisé et considéré, urbi et orbi, comme le plus grand réalisateur français vivant Jacques Audiard (Sur mes lèvres, Un Prophète, De Rouille et d’os…) remet sa couronne en jeu avec un premier film «américain».Qui plus est, un western! Il faut sans doute un sacré courage ou une bonne dose d’inconscience, lorsqu’on se prénomme Jacques et qu’on est né au pays du fromage, pour aller se frotter à un genre que des John Ford, Hawks Peckinpah, Fuller, Eastwood et autres frères Coen ont marqué de leur empreinte de manière indélébile. Ou sinon, du talent. Beaucoup de talent. Avec Les Frères Sisters, Audiard confirme qu’il en possède en quantité considérable et que sa réputation n’est pas usurpée.Le film est un chef-d’œuvre du genre.À la fois parfaitement classique dans sa mise en scène («à la John Ford») et son scénario (une classique chasse à l’homme).Et totalement moderne dans ses thèmes (la fratrie, la violence, la modernité, l’écologie même!) et leur traitement (ah, cette B.O jazz!). Le réalisateur français y fait table rase de tout ce qu’on pouvait reprocher à son cinéma: une certaine fascination pour la violence, une propension à la gonflette et un goût immodéré du mélodrame. Aucune figure obligée du genre n’est oubliée et pourtant, la violence reste hors champs, les rapports humains sonnent juste, aucune emphase inutile ne vient relativiser le plaisir qu’on y prend.Comme le suggère son joli titre, ce western est d’une délicatesse presque féminine. Audiard et ses trois acteurs vedettes instillent un peu de douceur inattendue dans ce monde de brutes épaisses.Qu’ils en soient remerciés! Prix de la mise en scène à Venise, Prix du 44e anniversaire à Deauville, Les Frères Sisters font désormais route vers les Oscars. Ils méritent de décrocher la prime!