C’est une histoire de fou et le plus fou, c’est qu’elle est vraie, se dit-on en sortant de la projection de I Love You Phillip Morris. Un film dans lequel Jim Carrey fait son « coming out » en ex-flic, ex- mari et ex-père de famille modèle devenu homo, tombé fou amoureux de son compagnon de cellule et prêt à toutes les extrémités pour ne pas le perdre.
Si l’histoire est tellement épatante, ce n’est pas tant à cause de l’inclinaison sexuelle du héros, Steven Russel, que de sa propension à se faire passer pour ce qu’il n’est pas (hétéro, avocat, directeur financier, mort...) et à s’évader pour retrouver Phillip Morris (joué par l’ex-chevalier jedi Ewan Mc Gregor), pour lequel il se consume littéralement d’amour. Dans la vraie vie, Steven Russel, doté d’un QI de 169, purge encore les 144 années de prison dont il a écopé pour ses multiples arnaques, impostures et évasions...
En tombant sur son histoire, racontée par un journaliste, Steve McVicker, les scénaristes John Requa et Glenn Ficarra, auxquels on doit déjà quelques comédies bien déjantées (Bad Santa notamment) se sont dits qu’ils tenaient de quoi faire un carton au Box-office. Ils ont pourtant dû déchanter quand les studios auxquels ils présentaient leur scénario leur ont demandé s’il n’était pas possible d’en faire plutôt une comédie sentimentale classique, bref une histoire d’hétéros.
C’est qu’on ne badine pas avec l’amour entre garçons à Hollywood! C’est autorisé, mais surtout pas dans une comédie, et encore moins dans une comédie avec Jim Carrey...

Banco sur la plage
L’acteur avait pourtant donné son accord, pressentant qu’il tenait là un rôle aussi important pour sa carrière que furent ceux du Truman Show et d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Carrey avait même choisi son partenaire, en la personne d’Ewan McGregor. Un choix judicieux : l’ex-Jedi est aussi épatant en objet de désir au sourire angélique et à la douceur troublante que lui en amoureux transi inconséquent.
Mais rien à faire : personne à Hollywood ne voulait parier le moindre dollar sur l’aventure. Le salut est finalement venu de France où Luc Besson, que Jim Carrey avait rencontré sur une plage de Miami (celle -là même où ont été tournées quelques scènes du film), a dit banco à son nouvel ami : « À condition que le budget reste raisonnable ».
Pour économiser, les deux scénaristes sont donc passés derrière la caméra et ont accouché d’un premier film très réussi, avec une touche « indé » qui lui a, notamment, permis d’être présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du dernier festival de Cannes. Ils y ont pourtant encore joué de malchance puisque la promo du film a été complètement phagocytée par celle du Drôle de Noël de Scrooge que Jim Carrey était venu présenter en même temps sur la Croisette, avec neige artificielle, sapin, traîneau, rennes et tout le tremblement. Ce qui ne laissait pas beaucoup de place à Phillip Morris, que nombre de festivaliers étourdis ont pris pour un documentaire sur l’industrie de la cigarette aux États-Unis...
On souhaite donc au film plus de chance mercredi pour sa sortie en salles. Phillip Morris pourrait bien y faire un tabac.