La guerre, faire la guerre, voilà bien une expression qui peut paraître, pour certains d'entre vous, abstraite et lointaine.
La grande guerre de 1914-1918, elle avait, c'est vrai, épargné nos campagnes normandes mais elle avait laissé bien des deuils dans nos villages …

Du jour au lendemain, nous avions du faire vivre la ferme familiale sans l’aide de nos maris et avec la seule force de notre courage.
Nos hommes, eux avaient été réquisitionné puis envoyé très loin, là-bas sur le front Est, pour quelques jours, quelques semaines afin d’obtenir la paix mais, hélas, ils ne sont jamais revenu vivant ou indemne …

Des années ont passé et le quotidien a repris le dessus.
Pourtant, ces jours-ci, les bruits de bombardements tout proches nous rappellent que la guerre s’engage de nouveau mais que, cette fois-ci, elle est là à nos portes.

Moi, j’étais là, blotti dans les bras de ma mère, essayant tant bien que mal de dormir et puis c’est arrivé …
Un obus est venu tomber sur notre maison .
En un instant, nous avons été plongé dans un vacarme assourdissant … et c’est dans ces conditions irréelles que nous avons du sortir, au plus vite, de la maison.
Le feu était partout ... Et il se se propaga rapidement à la grange voisine puis aux étables …

Les larmes aux yeux, mes parents et moi, nous avons alors vu s’écrouler, devant nous, le toit de notre maison. Tétanisé par l’émotion et le chagrin, ma mère était restée là prostrée et c'est avec beaucoup d'efforts que mon père a réussi à enfin la relever …

Fuir, il fallait fuir. Fuir cet enfer et cette guerre qui se rapprochait.
Fuir nos "libérateurs" pour pouvoir aussi rester en vie.
Et c'est avec beaucoup de regrets que nous sommes partis loin d'ici, loin de ce lieu, de notre passé et nos souvenirs qui, pour mes parents et moi, n'existaient plus ...
Oui, nous sommes partis ensemble, sur les chemins, vers une autre vie et un nouvel avenir qui n’existait alors, pour nous, qu’en pointillés …


Juin 2014