Il arrive qu'une porte s'ouvre là où les yeux ne rencontraient que l'inanité. De l'oublié, du déserté.

Alors la vie s'infiltre dans les moindres fragments pour irriguer les veines d'une matière transformée, retournée à l'âge de pierre afin d'y inventer une autre histoire, d'entreprendre un autre voyage : celui d'une eau qui se souviendrait de sa source.

La pierre chemine à nouveau vers la terre comme pour un retour aux origines, un voyage au coeur de la mémoire d'un futur.

Elle s'offre, patiemment, dans une permanence de signes, de traces, d'appels tout à la fois imperceptibles et souverains, ébauches d'un langage au-delà des frontières et de l'espace et du temps.

Une parole gravée dans le désert et le désir de la durée.

Une écriture à transmettre au plus secret du rêve, au plus obscur du souvenir.

Ici s'édifie la demeure.

Ici, on peut prolonger sa patience et son attente. Et son désir.

Pour respirer, une fois encore, une fois de plus, au rythme d'un alphabet naissant et renaissant, à l'orée d'un voyage autour du sens infiniment lointain, infiniment complexe, infiniment caché, de notre appartenance au monde.


Ici, on espère, une fois encore, une fois de plus, s'éloigner de l'exil par la simple grâce de l'élémentaire, du retrouvé, du reconstruit, du partageable.

Ici s'ébauche un geste élémentaire. Une gestation essentielle.

Il n'est pas de chemin plus difficile peut-être que celui qui mène à l'évidence.

On avance là, sur l'étroit sentier maîtrisé de la terre et du feu. De l'air et de l'eau.

On y emprunte une voie praticable qui pourrait nous conduire, pour autant que nous le désirions, au seuil de quelques formes habitables, griffées de signes, traversées de repères porteurs de questions éternelles et de réponses provisoires d'où l'on découvre peu à peu un espace aux dimensions du regard et du rêve.

Un espace où rien n'est figé qui n'invite à poursuivre.

Rien n'est écrit qui n'invite à traduire.

Rien n'est clos qui n'invite à traverser.



JEAN PIERRE SPILMONT