Tu es repassé deux fois devant la vitrine, en ayant un peu peur de franchir la porte. Pas envie de te faire refiler un gros bouquet garni de fleurs d'artichaut et de bleuets séchées. Ca non ! ..et pas de plante verte non plus, Ca fait un peu trop visiteur de malade. Tu te décides enfin, tout surpris de lancer un chant de rossignol en pénétrant dans la boutique. La vendeuse est aimable, avenante, avec ce petit rien de moche qui fait qu'elle est presque belle. Tu tournes et retournes à la recherche de La fleur. Pas de bouquet prétentieux donc,… ni ces tulipes jaunes et rouges qui sentent le jardin plein de rosée. Non, il faut quelques choses de doux. Mais ça existe ça ? les fleurs douces ?
Tu te décides pour quelques roses roses, nombre pairs ou impairs, tu ne le sais jamais…..Tu as juste envie que ce soit harmonieux. La vendeuse a le bon goût de ne pas les emballer façon grands bouquets d'apparat. Juste un peu de papier cristal, bruissant sous ses doigts agiles. Le choix du bolduc reste un dilemme. Surtout qu'elle ne mette pas le vert ! Pink and Green ! So british ! et pas le rouge non plus, ça jurerait. Le bleu fait vieillot.....heureusement, elle glisse vers le blanc, légèrement nacré, et entoure fermement le bouquet de soie rose. Elle a l'élégance également de ne pas coller une étiquette « plaisir d'offrir », ni « pensées affectueuses » pour retenir les rubans blancs. Seuls les tiges sont sanglées, comme une robe qu'on met en été. Tu ressorts du magasin, fier et conquérant. OOOui ! je suis un homme qui offre des fleurs ! regardez.....
Les passants passent…. imaginent une promise, une jeune femme douce. Une femme qui cherche dans son armoire des vêtements clairs et élégants, sans être endimanchées. Une femme qui t'attends....
Le port du bouquet est tout un art. Droit et fleur en l'air, tu ressembles a un enfant de coeur qui arpente le sol lisse de l'église. Tu te surprends d’ailleurs a ralentir le pas et a glisser sur le carrelage goudron.....Non… ne pas le tenir comme ça ! Tu pourrais peut être le tenir façon brassée de fleurs des champs ? mais ça manque de coquelicot et de brin de paille. Finalement, tu le tiens la tête en bas, confiant dans les tours et les nœuds expérimentés de la vendeuse. Arrivé chez toi, tu cherches un vase qui n'existe pas et ressort de la poussière, une bassine saumon éraflée par les multiples coups d'éponge. Et voilà la brassée de roses, qui sans façon se loge dans la bassine, prenant un bain de pied, finalement bien mérité. Il te reste deux heures avant de la retrouver...les aiguilles s'allongent et s'étirent.....à presque s'arrêter.
Tu arrives un peu embarrassé. Ton choix si sûr de roses roses te semblent un tantinet trop guindé, trop enamouré. Elle, prend une chaise pour attraper un vase très haut rangé. Tu aperçois un vase noir et un tout plat, qui ne semble fait que pour les nénuphars. Quelle drôle d’idée ! Il y a même un vase en biscuit façon marquise de pompadour, orné de fleurs et d’entrelacs. Sans doute un cadeau d’une lointaine et antique tante Geneviève…
Le vase est rond, à peine translucide et nacré. Ses doigts dénouent le ruban blanc qui fait un splouuch moelleux sur la table. Le papier cristal crisse une dernière fois et libère les belles. Installées dans le vase, elles paraissent encore plus délicates…..Et toi tu la regardes…..et tu l’aimes.
Tu l’aimes tant.
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